éditoriaux

Nadar résolument moderne

Nadar résolument moderne

"Nadar". Derrière cette marque de fabrique se cachent en réalité plusieurs personnes  : Félix Tournachon (1820-1910), son frère Adrien Tournachon (1825-1903), le fils de Félix, Paul Tournachon (1856-1939), ainsi qu’une armée de collaborateurs anonymes qui, dans les ateliers photographiques, ont mis au point la très grande majorité des quelque 200 000 clichés qui constituent le fonds posthume. L’auteur à visages multiples qu’est "Nadar" aborde les phénomènes complexes que l’on observe durant le Long XIXe siècle dans des domaines aussi variés que les sciences et les expositions universelles, l’aviation et l’agriculture, l’haussmannisation et les hermaphrodites, le tourisme et le cirque – et les traduit en images, qu’il s’agisse de photographies, de caricatures ou de dessins. Sous le titre Nadar. Images de la modernité (Hermann), Bernd Stiegler fait de "Nadar" un parfait cicérone pour un voyage dans la modernité parisienne. Fabula donne à lire sur Fabula les premières pages de l'ouvrage… traduit par Laurent Cassagnau.

Rappelons l'essai de Gaëtan Zinder récemment paru dans la collection Archipel Essais, et déjà salué par Fabula : Faire voir Victor Hugo. Une correspondance avec Nadar, de la photographie à l’aéronautique

(Photo. : Adrien Tournachon, autoportrait, papier salé, 1853-1855)

Simenon à l'œuvre

Simenon à l'œuvre

Concevant l’écriture comme un artisanat, Simenon travaillait selon un rythme régulier et systématique, imposait à l’éditeur la fréquence des parutions, lui interdisait toute correction sur son tapuscrit et participait au choix de la couverture des 103 Maigret, 117 romans durs et 25 textes autobiographiques. L'exposition proposée par Sarah Radicchi et Natalia Granero à la Fondation Jan Michalski du 16 mars au 29 septembre nous offre de retrouver Simemon à travers ses confidences à la presse, des photographies de sa vie de famille et de ses lieux d’écriture, un choix de manuscrits, tapuscrits et premières éditions, ainsi qu’un cycle d’adaptations cinématographiques.

Saluons aussi la parution de l'adaptation en bande-dessinée de La neige était sale, le grand roman existentialiste de Georges Simenon, adapté avec brio par Jean-Luc Fromental et Bernard Yslaire pour Dargaud ; Fabula vous invite à feuilleter cet album…

Et rappelons l'essai de Véronique Rohrbach, Le Courrier des lecteurs à Georges Simenon. L'ordinaire en partage (Presses Universitaires de Rennes), dont on peut lire sur Fabula l'introduction… On trouvera aussi au sein du sommaire Posture d'auteurs : du Moyen Âge à la modernité des Colloques en ligne de Fabula un article de synthèse de Véronique Rohrbach : "L’auteur des lecteurs. Simenon à travers le courrier de ses lecteurs ordinaires".

Le malheur d'Aymé

Le malheur d'Aymé

Après Les morts vivants : comment les auteurs du passé habitent la littérature présente et Éloge des ratés. Huit portraits de l'auteur francophone en encyclopédiste, Ninon Chavoz fait paraître L'Autre Marcel : le malheur d'Aymé dans la même collection "Fictions pensantes" animée par Franck Salaün aux éditions Hermann. Célébré de son vivant, Marcel Aymé a aujourd’hui mauvaise réputation : devenu persona non grata de la République des lettres, il encourt le risque d’être déclaré illisible. Les raisons de sa disgrâce ne sont pas uniquement politiques : dans notre histoire littéraire, Aymé reste l’autre Marcel, tenant d’une esthétique minoritaire, à condition d'aborder son oeuvre à rebours des idées reçues qu’il contribua lui-même à construire  : Ninon Chavoz nous invite à le lire de manière expérimentale, comme un francophone du terroir, comme un écrivain de la démocratie, fût-elle en crise, et comme un éthicien enfin, anticipant malgré lui des problématiques aussi contemporaines que le véganisme, l’identité transgenre et le mouvement MeToo… Fabula donne à lire sur Fabula le début de l'ouvrage…

Ninon Chavoz signe aussi au sommaire de mars d'Acta fabula la recension de l'essai de Simon Bréan et Guillaume Bridet, Near Chaos : quand la littérature nous prépare au pire : "Le pire n’est jamais décevant » : à propos des fictions du Near Chaos dans la littérature française contemporaine".

(Illustr. : Le Passe-muraille, statue hommage à Marcel Aymé et à la nouvelle fantastique parue en 1943 dans le recueil éponyme, signée par Jean Marais, et installée en 1989 sur le mur attenant au jardin de la Cité des artistes à Montmartre)

Le roman policier africain

Le roman policier africain

Dans Le roman policier africain (Hermann), Jean-Paul Martin vient achever de faire la démonstration que le roman policier peut contribuer à l’analyse des sociétés contemporaines, en se livrant à une étude approfondie de cinquante trois fictions policières africaines, issues de vingt-quatre pays et représentant la plus grande partie du continent. Le contexte dans lequel ces écrivains situent leurs fictions romanesques est en effet celui de l’Afrique contemporaine qui fait face à la trahison des politiques ou à l’affrontement de la tradition et de la modernité… Fabula donne à lire l'introduction de l'ouvrage… avec l'aimable autorisation des éditions Hermann.

Sur les lieux de Perec

Sur les lieux de Perec

Fabula avait salué en son temps la parution au Seuil de l’ultime inédit de Georges Perec, Lieux, sous la forme d’un volume de 612 pages (et 1,6 kg), illustré d’archives et de documents photographiques, accompagnée d'un site qui propose la version numérique du texte, en offrant un "parcours numérique augmenté" avec d'oulipiennes possibilités combinatoires, qui eussent enchanté l'auteur de La Vie mode d'emploi, et rappelé alors le documentaire de Robert Bober, En remontant la rue Vilin (1992), désormais en accès libre.

Les éditions nantaises L'Œil ébloui inaugurent aujourd'hui la "collection Perec 53" : en référence à 53 jours, le titre du dernier roman inachevé de Georges Perec, la série comptera 53 livres de 53 pages par 53 artistes, dont quatre viennent de paraître. Créateur des éditions L’œil ébloui, Thierry Bodin-Hullin signe Trajet Perec ; dans L’espace commence ainsi, François Bon qui vit avec Espèces d’espaces depuis plus de quarante ans livre des notes de relectures qui éclaire sa propre géographie intérieure ; le collectif Yokna s'adonne à Permutation : c'est le nom du caractère articulé sur mesure pour la "titraille" de la collection 53 par Thierry Fétiveau, Clément Le Priol & Benjamin Reverdy, et inspiré par l’œuvre de Georges Perec, sa singularité est que les principales voyelles (a, e, i, o, u) affichent chacune trois formes qui permutent de façon automatique. Mais le premier titre imprimé dans cette oulipienne police tient dans recueil signé par Georges Perec avec Jacques Bens, indispensable à tout âge : 50 choses qu’il ne faut tout de même pas oublier de faire avant de mourir.

On reviendra aussi "Sur les lieux de Georges Perec" par nos seules oreilles : pour LSD La série documentaire sur France Culture, Claire Zalc mène l’enquête sur quatre lieux de Georges Perec, à la recherche des traces de son histoire : quatre lieux pour nous raconter un orphelin de la Shoah, un amoureux des mots, un fils d’immigrants, un habitant de la littérature. Il faudra toutefois attendre la fin du mois d'avril pour connaître les 36000 choses à faire avant de rejoindre Perec de Pierre Soletti, et le début du mois de juin pour relire avec Christelle Reggiani Les Choses de Georges Perec ou l'économie du rêve.

(Photo : La rue Vilin en 1965 ©AFP - Norbert Perrau)

Flaubert personnage

Flaubert personnage

Nous sommes au mitan du XIXᵉ siècle. L’homme est encore jeune. Il vit à la campagne avec sa mère et sa nièce. Il vient de rentrer d’Orient. Au cours des quelques années qui suivent, il renoue puis rompt avec Louise. Il perd deux dents, ses cheveux, prend de l’embonpoint et contracte au bordel une infection vénérienne. Il fait une crise d’épilepsie dans une chambre d’hôtel. Il manque de se faire tuer lors du coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte. Il loue un appartement à Paris. Il se rend au bal Mabille, fréquente le salon de madame Sabatier. Il a pour amis Bouilhet et Du Camp. Il prend pour maîtresses Béatrix, puis Juliet. Il croise Gautier, Leconte de Lisle, Baudelaire, Musset, Lamartine, Janin… Il écrit aussi, surtout, Madame Bovary. Dans son nouveau roman intitulé À l'œuvre (Flammarion), Éric Laurrent fait du lecteur le témoin invisible de la vie du jeune Flaubert : il pénètre dans son bureau, sa chambre et les salons littéraires qu’il fréquente, il le suit comme une ombre dans le jardin de Croisset ou les rues d’un Paris insurgé, et fait revivre un homme tour à tour bavard, jouisseur, insolent, malade, rageur ou mélancolique. On peut lire sur Fabula un extrait de l'ouvrage… Signalons au passage la trentième livraison de la revue en ligne Flaubert : "Scènes de première rencontre chez Flaubert", en libre accès.

Le Centenaire Droz

Le Centenaire Droz

Fondée à Paris en 1924 par une jeune femme au caractère bien trempé, Eugénie Droz (1893-1976), l’enseigne aux quatre putti est très vite devenue un gage de qualité pour les travaux universitaires, des "livres d’érudition", selon la formule de sa fondatrice : des livres au savoir sûr, choisis et édités avec exigence. Son héritage a perduré sous la direction éclairée d’Alain Dufour (1928-2017) puis de Max Engammare. Pour célébrer ce (premier) centenaire, la maison genevoise fait paraître aujourd’hui le livre Droz 1924-2024 : préfacé par Antoine Compagnon, il éclaire d’un lustre à plus de cent branches cette page singulière de l’histoire de l’édition. Max Engammare rétablit d’abord quelques vérités dans l’hommage rendu à ses deux prédécesseurs, et divulgue les efforts méconnus d’Alain Dufour pour promouvoir un best-seller inattendu, L’usage du monde de l’ami Nicolas Bouvier. Suit une anthologie de cent extraits, choisis parmi les 6000 titres du catalogue et composés par certains des éminents spécialistes de leur temps en critique littéraire, histoire de l’art, histoire du livre, pensée politique, sociologie, économie ou linguistique.

Lire aussi les éditos de la rubrique Questions de société…

Et les éditos de la rubrique Web littéraire…

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