Acta fabula
ISSN 2115-8037

2016
Avril-mai 2016 (volume 17, numéro 3)
titre article
Sabrina Roh

Il est grand temps de parler de pornographie

Marie-Anne Paveau, Le Discours pornographique, Paris : La Musardine, coll. « L’attrape-corps », 2014, 395 p., EAN 9782364904439.

1« Il est grand temps de parler de sexe », disait Gayle S. Rubin dans « Penser le sexe », article publié en 1984. Pour Marie-Anne Paveau, il est temps de parler de pornographie, chose qu’elle fait abondamment dans son ouvrage paru aux éditions « La Musardine » et intitulé Le Discours pornographique. Derrière ce simple titre, se cache un projet titanesque : faire de la pornographie un objet d’étude linguistique.

2En 2007, Dominique Maingueneau publiait La Littérature pornographique. Mais le linguiste fait son autocritique dans la préface à l’ouvrage de M.-A. Paveau, soulignant le fait que son essai « se limitait à envisager la pornographie sous sa forme écrite et dans sa manifestation la plus classique, celle de l’imprimé » (p. 14).

3M.-A. Paveau va plus loin et, si le titre prête à confusion, c’est bien des discours pornographiques qu’elle traite :

Parler de discours pornographique, c’est envisager les textes et les paroles sous l’angle de leur forme, et par conséquent décrire les mots, les expressions et les manières de dire, mais aussi les traditions textuelles, la construction des scripts et la manière dont ces discours sont situés, qu’ils soient ignorés, admis ou rejetés, dans l’ensemble des discours sociaux. (p. 25)

4S’il faut saluer l’immensité de ce projet, force est de constater que le lecteur a parfois tendance à se perdre. M.-A. Paveau souligne cependant elle-même ses écarts, inévitables dans un ouvrage construit sur un plan linguistiquement très cohérent mais qui rend parfois difficile l’agencement de certains éléments (considérations sociales et politiques, distinction entre différentes sortes de discours, etc.).

Une réflexion de bas en haut

5Avec leur haut niveau de granularité, les discours peuvent être appréhendés selon plusieurs niveaux, qui régissent le plan élaboré par M.-A. Paveau. Cette dernière aborde en effet le discours pornographique par le biais du lexique, puis du texte, pour enfin adopter un angle plus large, qui est celui de la pragmatique. Il s’agira donc de suivre ce cheminement de bas en haut imposé par les différentes parties du Discours pornographique.

Mettre les choses au clair

6Un ouvrage sur le discours, quel qu’il soit, ne peut faire l’impasse sur la question « De quoi parle-t-on ? ». Après une introduction dans laquelle M.-A. Paveau justifie son sujet et présente son plan de travail, elle découle sur une première partie dans laquelle elle s’attèle à la définition de son objet d’étude : « Est donc pornographique ce qui relève d’une mise en scène publique et le plus souvent commerciale du sexe pour produire une excitation sexuelle » (p. 32). Mais l’auteure ne se contente pas de donner des définitions.

7Encore aux abonnés absents du domaine de la linguistique, la pornographie est cependant bien présente dans le quotidien du citoyen du monde occidental. Mais sa connaissance de cet objet est en fait déformée par une doxa dominante basée sur la morale et se résume souvent à des préjugés et autres raccourcis, que M.-A. Paveau expose. Ainsi, serait pornographique toute représentation explicite sexuelle jugée péjorative. M.-A. Paveau ne manque pas non plus de remettre en doute la distinction entre pornographie et érotisme, le deuxième étant le pendant noble de la première dans la croyance populaire. Selon l’auteure, si une différence existe entre ces deux éléments,

elle ne réside peut-être que dans cette question de la représentation. La pornographie est en effet, j’y viens, une « graphie », une mise en langage, qu’il s’agisse de mots ou d’images. Mais la « chose » est bien commune aux deux, et la distinction semble bien plus affaire de discours que de réalité. (p. 42)

8Débutant ainsi sur un terrain connu de tous, l’auteure retient l’attention du lecteur tout en montrant que dans notre société, la pornographie est très majoritairement connotée de manière négative. Reste encore à définir ce qui relie la pornographie à la linguistique.

9Liée à la luxure, et donc considérée comme un péché, la pornographie a toujours été condamnée par la morale. C’est par ce lien avec la philosophie que l’auteure justifie son intérêt pour le discours pornographique : à cause de sa marginalisation, la pornographie est devenue un riche discours social, digne d’intérêt. En effet, très vilipendée, elle a dû redoubler d’efforts pour trouver des « stratégies créatrices exceptionnelles » (p. 61). L’auteure sort ainsi des éternels débats moraux sur la pornographie pour l’appréhender selon un angle linguistique. Selon elle, la pornographie est « principalement un discours qui circule (ou ne circule pas ou circule mal) dans la société, et c’est essentiellement en tant que discours [que la pornographie] est reçu[e] » (p. 48).

10Seulement, toute étude linguistique ne peut faire fi du milieu social dans lequel elle s’inscrit, et certainement pas lorsque son objet d’étude est aussi marginal et problématique que la pornographie. Dans Le Discours pornographique, M.-A. Paveau met donc un point d’honneur à montrer, à travers les discours, ce que la pornographie dit de la société et de ses normes :

Mon approche est essentiellement celle des stéréotypes et des préconceptions, que j’appelle les prédiscours (Paveau 2006), en particulier dans le champ des normes et des valeurs, nombreux et omniprésents dans un discours tel que celui de la pornographie : rôles sociaux, rapports de sexe mais aussi de classe, de genre, voire de race, affects, normes et valeurs, tous les ingrédients sont rassemblés pour une analyse du discours qui explore les non-dits, les implicites et les classements préalables. (p. 79-80)

11Ainsi, par une approche linguistique, M.-A. Paveau présente la pornographie en tant qu’objet social et, surtout, politique.

Un lexique pornographique ?

12Dans la deuxième partie, intitulée « Les mots, les noms, les choses », M.-A. Paveau traite tant du champ lexical de la pornographie que des noms choisis par les pornstars. Ce dernier point, s’il interroge le sens des pseudonymes et tente de déceler une certaine tendance dans le choix des « noms de scène », est plutôt anecdotique par rapport à ceux traitant du vocabulaire, dont tout l’intérêt réside en ce qu’ils interrogent l’existence de termes pornographiques en soi.

13En effet, tout comme la représentation d’un acte sexuel ne suffit pas pour parler de pornographie, les mots ne sont pornographiques que dans un certain contexte. Il existe bien évidemment des mots relevant du domaine du sexe, à qui l’on dédie même des dictionnaires. Mais si l’utilisation de ces termes n’a pas pour but d’exciter, on ne peut parler de pornographie :

On comprend donc que ces « mots du sexe », apparemment si faciles à repérer, se construisent en contexte de manière plus complexe, et qu’en cette matière comme en d’autres, savoir ce que l’on dit est une présomption illusoire. (p. 86)

14Pourtant, dans sa recherche de mots pornographiques, M.-A. Paveau persiste et avance la notion de pornèmes, des « termes élaborés pour la pornographie, dans les milieux de la pornographie » (p. 116). Ce n’est pas leur signifiant qui serait spécifique à la pornographie, mais leur usage. L’exemple le plus convainquant, et le premier abordé par l’auteure, est la classique lettre X, que l’on assimile sans conteste au domaine de la pornographie. Un film classé X ou tout simplement un « film X » est un film à contenu sexuel explicite. En revanche, les autres exemples proposés sont moins convaincants. Considérons le nombre 69 et le sigle BDSM. Le premier désigne une « position érotique dans laquelle chacun des deux partenaires peut avoir accès au sexe de l’autre » (définition tirée du dictionnaire d’Agnès Pierron et citée en p. 119). La définition le dit elle-même, le nombre 69 désigne une position. Et pourtant M.-A. Paveau juge qu’ « il fait partie des éléments lexicaux qui méritent le mieux le nom de pornème » (p. 118). Or il semble que l’utilisation de ce terme ne renvoie pas essentiellement au domaine de la pornographie, mais simplement au domaine du sexe et de ses pratiques. Puis, en ce qui concerne le sigle français BDSM (Bondage‑Discipline, Domination‑Soumission, Sadomasochisme), l’auteure le dit elle-même, il désigne non seulement des pratiques sexuelles, mais aussi une « véritable subculture ». Comment alors prétendre qu’il s’agit d’un pornème ? Bien sûr, autant le nombre 69 que le sigle BDSM sont régulièrement utilisés en milieu pornographique, mais pas seulement. Ainsi, ils échappent à la définition des pornèmes donnée par M.-A Paveau.

Du mot au texte

15Sous « Le texte pornographique », M.-A. Paveau s’intéresse à la littérature pornographique française ou francophone, comme si elle appréhendait des textes littéraires. Selon D. Maingueneau un texte pornographique ne se contente pas d’avoir comme thème l’activité sexuelle, mais il possède son propre mode de représentation, sur lequel M.-A Paveau se penche. Bien sûr, et cela a déjà été répété à plusieurs reprises, la pornographie doit exciter. Ainsi, un texte pornographique use de différents moyens pour cela : les dialogues, qui sont là pour « dire ce qu’il ne faudrait pas dire, tout en faisant ce qu’il ne faudrait pas faire » (p. 185) ainsi qu’une « énonciation toujours subjectivisée » (p. 185) sont les traits principaux que relève l’auteure.

16Mais ce qui fait la réelle force de cette partie, c’est que M.-A. Paveau y explique d’un point de vue linguistique pourquoi les textes pornographiques sont très souvent jugés illégitimes. C’est qu’un texte pornographique est régi par le hasard. Les scènes se succèdent donc, sans véritable lien de causalité entre elles. Et c’est bien cela qui permet à des relations impossibles de voir le jour. Des expériences impossibles qui prennent place dans un contexte très vraisemblable, voici ce qui excite le lecteur. Or c’est aussi cette absence de causalité qui est pointée du doigt par les détracteurs de la littérature pornographique. Pour ces derniers, faux-récit équivaut à mauvais-récit, raccourci que M.-A. Paveau condamne : un texte pornographique doit être jugé selon des critères bien spécifiques, son but étant différent de celui d’un texte d’un autre genre.

Pornographie & technologie

17Intitulée « Technographie, discours, objets, machines », cette quatrième partie trouble le cheminement ordonné de bas en haut que M.-A. Paveau nous a invités à faire. Que vient donc faire ici ce chapitre a priori un peu fourre-tout ? C’est que la technologie semble avoir joué un grand rôle dans le domaine de la pornographie et donc, dans ses discours.

18Internet a sans conteste donné un lieu à la littérature pornographique, longtemps restée atopique car marginalisée. Ont alors connu un immense succès des ouvrages tels que Fifty shades of Grey. Cela a eu pour effet la popularisation d’un genre qui, jusque là, avait connu une production presque « sous le manteau ». Internet est aussi le lieu propice à la liberté d’expression personnelle, et surtout via les blogs. Les acteurs de la scène pornographique sont nombreux à y tenir des chroniques. L’occasion pour eux d’inscrire la pornographie dans un univers professionnel et d’en faire, ainsi, autre chose qu’un « objet d’excitation sexuelle » (p. 241). De plus, par l’écriture à la première personne, les pornstars quittent leur statut d’objet (soumis à des critiques négatives ou non) pour devenir sujets.

19La sous-partie intitulée « Machines sexuelles » touche à plusieurs problématiques. Elles sont considérées d’un point de vue linguistique d’abord : si les liens entre sex toys et discours ne sont, de prime abord, pas évidents, c’est qu’ils sont en fait multiples. Provoquant la naissance de nouvelles pratiques, les machines sexuelles génèrent de nouveaux discours. Mais M. A. Paveau s’intéresse aussi à la dénomination de ces objets et aux différents messages qu’ils émettent.

20Ce dernier point pousse ensuite l’auteure à sortir de toute considération linguistique pour appréhender la dimension politique du sex toy, liée à la problématique du genre :

La sexualité prothétique, avec godemichet, a de ce fait toujours été considérée alors comme une subversion, comme une sexualité inauthentique, représentant et stigmatisant la sexualité des lesbiennes : il s’agira d’une sexualité « artificielle », non « naturelle », contrairement à la sexualité hétérosexuelle avec pénétration par de « vrais » organes. […] Le gode permet selon elle de modifier la géographie érogène du corps, et donc de déconstruire les sexualités prédéfinies. (p. 267‑268)

21Ce n’est pas tant cet « écart » politique qu’il faudrait reprocher à M.-A. Paveau, que ses choix quant à l’agencement de cette quatrième partie. En effet les réflexions politiques et sociales que propose l’auteure séparent le point sur les noms des sex toys et celui traitant des noms des « fucking machines ». Très énumératives, ces deux parties arrivent aux mêmes conclusions (fréquent usage de l’humour et lien avec l’histoire et la culture), créant ainsi un effet de répétition. De plus, si ces deux éléments avaient été traités sous un même point, l’impression d’un incessant aller-retour entre ce qui relève du domaine de la linguistique pure et ce qui relève plutôt de la sociologie aurait été moindre.

22Si au début de cette partie dédiée aux objets sexuels M.-A. Paveau expose leur lien avec la pornographie en ce qu’ils étendent ses champs des possibles et la déghettoïsent, ses considérations tant linguistiques que politiques s’écartent très rapidement de la pornographie, pour ne parler que de sexualité. Cette confusion très fréquente entre sexualité et pornographie est d’ailleurs soulignée par l’auteure elle-même et jugée comme presque impossible à éviter dans sa dernière sous-partie, « Technologies sexuelles : la pornographie 2.0 », qui traite des machines électroniques et numériques :

Ces exemples ne doivent pas faire oublier la distinction posée au début de cet ouvrage, difficile à tenir et si souvent oubliée, entre sexe et pornographie. Le plaisir sexuel obtenu à partir d’un dispositif électronique n’est pas forcément pornographique, puisqu’il faut qu’il y ait représentation explicite de rapports sexuels, et par conséquent mise en scène publiée d’une manière ou d’une autre, pour parler de pornographie. (p. 277)

Quand la linguistique permet d’aborder une problématique sociale

Les détracteurs de la pornographie : amalgame entre discours & réalité

23Ce chapitre semble, de prime abord, s’éloigner de la veine linguistique empruntée dans tout l’ouvrage. En effet, comme le dit D. Maingueneau dans sa préface,

le dernier chapitre (« La pornographie et le réel »), particulièrement bien documenté, envisage l’inscription sociale du phénomène pornographique, en particulier les débats politiques et éthiques qu’elle suscite. (p. 16)

24Or c’est bien selon un point de vue pragmatique que M.-A. Paveau traite ici des discours sur la pornographie. L’auteure montre en effet que les détracteurs de la pornographie inculquent à cette dernière un pouvoir pragmatique. Pour eux, la pornographie a un effet (évidemment néfaste) sur la réalité : violence des rapports sexuels, dégradation de l’image de la femme, etc. Ils vont même encore plus loin, appliquant à la lettre la théorie de la performativité du langage d’Austin – « quand dire c’est faire » – considérant que la pornographie est la réalité sexuelle. De discours (non punissable), la pornographie devient un acte violent. Elle devient alors condamnable.

25Face aux détracteurs, les défenseurs de la pornographie adoptent aussi un point de vue pragmatique. Mais selon eux, la pornographie est un discours possédant une force illocutoire, au même titre qu’une insulte. Mais tout comme l’insulte, la pornographie peut-être empoignée par la victime. Cette dernière n’est pas sans défense et peut répliquer.

Pour une meilleure pornographie

26Plutôt que de condamner la pornographie, certains souhaitent l’améliorer. C’est de cette initiative que naît le post-porn, une nouvelle pornographie qui cherche à reformuler, à renouveler la pornographie mainstream en la basant sur

une vision positive du sexe (sex positive en anglais), une conception ouverte sur des formes multiples de sexualité, en contestation de l’hégémonie hétérosexuelle de la pornographie industrielle, et sur une conception de la pornographie comme enrichissement de la vie affective et sexuelle (p. 339‑340).

27La post-pornographie propose de nouvelles manières de dire la pornographie. Elle « constitue un véritable outil en même temps qu’un lieu de modification des représentations et des comportements liés aux sexualités » (p. 345).

28M.-A. Paveau souhaite s’attarder sur ces nouvelles manières de dire en abordant le phénomène de réappropriation de certaines insultes comme slut et whore, ainsi qu’un genre de discours en pleine expansion dans le domaine, le manifeste. Mais ces considérations sur le vocabulaire et les genres de discours liés au post-porn sont peu développées et il semble que l’auteure accorde plus d’importance à la définition de cette nouvelle forme de pornographie. Ce parti-pris se justifie par le fait que, le post-porn, étant une nouvelle manière de faire de la pornographie, est un discours en soi. C’est Wendy Delorme qui, sous les conseils de M.-A. Paveau elle-même, développe cet aspect du post-porn dans la postface, en parlant de métapornographie :

Car si la pornographie féministe est un genre de discours, c’est sans doute de la métapornographie (terme que Marie-Anne m’a elle-même suggéré), à la fois production sexuellement explicite et discours sur ce que la pornographie mainstream n’est pas, ou pourrait être (en l’occurrence diversifiée, reflétant la pluralité des désirs et des physionomies, montrant les signes physiologiques du plaisir chez les femmes, respectueuse des corps et des identités lesbiennes, gays, trans’, queers…). (p. 368)


***

29M.-A Paveau s’attaque donc à un objet socialement et politiquement problématique. Ainsi, si elle fait le tour de manière très complète des discours en lien avec la pornographie (discours sur la pornographie, discours pornographiques, discours tenus par des pornstars, discours des objets sexuels, discours des détracteurs et des défenseurs de la pornographie etc.), elle ne peut éviter les questions que la pornographie soulève à propos du genre et de la représentation de la sexualité dans notre société. Toutes les parties sont donc prétextes à élargir les considérations linguistiques : les dictionnaires des mots du sexe, qu’ils soient traditionnels ou plus alternatifs, proposent une vision normée et traditionnelle de la sexualité, où le mâle est dominant et les relations hétérosexuelles. L’univers numérique, quant à lui, s’il a permis à la littérature pornographique de sortir des placards, n’échappe pas à la morale bien pensante en qualifiant des ouvrages d’érotiques et non de pornographiques.

30L’auteure prend-elle parti en ce qui concerne la pornographie ou bien les questions sociales et politiques qu’elle soulève ? Selon D. Maingueuneau, elle

parvient à définir un ton « juste » vis-à-vis de son objet, un ton à la mesure de la complexité des questions qu’elle soulève : ni éloge, comme chez Georges Molinié, ni condamnation, mais des mouvements subtils de prise et de déprise qui interdisent au lecteur de s’installer dans une situation confortable.  p. 21)

31Il est vrai que, quoique très facile et agréable à lire, Le Discours pornographique se légitime en tant qu’ouvrage scientifique, de par son ton neutre et la précision des analyses discursives de la pornographie qu’il propose. De plus, l’auteure laisse entendre tant les discours des détracteurs que ceux des défenseurs de la pornographie, insérant même les considérations des premiers dans une logique linguistique.

32Mais consacrer un ouvrage aux discours pornographiques, n’est-ce pas déjà prendre parti ? Tout ce que fait M.-A. Paveau, c’est en fait légitimer la pornographie en tant qu’objet d’étude. Et si elle critique, ce n’est pas la pornographie mais notre regard sur elle. À elle alors de citer Gaëtan Brulotte traitant de la littérature pornographique :

Souvent pauvre dans sa dimension réflexive, cette littérature provoque pourtant des réflexions plus élevées que son propos. D’ailleurs, à ce sujet, on pourrait sans doute avec Rilke se poser la question suivante : si une réalité nous paraît pauvre, ne faut-il pas accuser avant tout la pauvreté de notre propre regard sur elle1 ? (1998, p. 471, cité p. 161)

33M.-A. Paveau nous propose donc une nouvelle façon de voir la pornographie : par le biais d’un angle linguistique et en tant qu’objet culturel légitime.