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Dire les traumatismes du XXe siècle (Sorbonne Nouvelle)

Dire les traumatismes du XXe siècle (Sorbonne Nouvelle)

Publié le par Vincent Ferré (Source : Francesca Belviso)

Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3

Colloque international

Dire les traumatismes du XXe siècle.

De l’expérience à la création artistique italienne contemporaine

14-15 juin 2018

CIRCE (Centre interdisciplinaire de recherche sur la culture des échanges)

EA 3979 – LECEMO avec la collaboration de

ERLIS - EA 4254 (Équipe recherche littératures imaginaires sociétés)

Université de Caen Normandie

 

Comité d’organisation : Sarah Amrani, Maria Pia De Paulis-Dalembert, Brigitte Le Gouez, Viviana Agostini-Ouafi

Comité scientifique : Viviana Agostini-Ouafi (Université de Caen Normandie), Sarah Amrani (Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3), Jean-François Chiantaretto (Université Paris 13), Maria Pia De Paulis-Dalembert (Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3), Luba Jurgenson (Université Paris-Sorbonne), Peter Kuon (Universität Salzburg), Brigitte Le Gouez (Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3), Adelia Lucattini (Psicoanalista, SPI et IPA), Clara Mucci (Università degli Studi Gabriele d’Annunzio, Chieti-Pescara), Patrizia Violi (Università di Bologna)

APPEL À COMMUNICATIONS

 

Dans le prolongement des travaux du séminaire de l’équipe « Écritures du temps présent » du CIRCE, le colloque entend interroger la notion de « traumatisme » telle qu’elle a été définie tout au long du XXe siècle. Il inscrit cette notion dans le temps qui sépare le moment de l’expérience directe du traumatisme de celui de la médiation du récit oral ou écrit et de la création grâce auxquels le sujet-artiste transforme le vécu en univers narratif et fictionnel. Le colloque souhaite inviter à une réflexion sur la transformation linguistique et créative de l’expérience traumatique, dans le dépassement de l’impact physique et psychologique immédiat, du simple témoignage, de l’écriture de soi, et dans la perspective de l’élaboration du souvenir personnel inséré dans une mémoire collective intergénérationnelle.

Au départ terme médical désignant « l’état dans lequel une blessure grave jette l’organisme, le traumatisme en est venu à connoter dans la théorie psychanalytique toute excitation suffisant à mettre en échec les mécanismes de défense habituellement efficaces. Le traumatisme est ainsi indissolublement lié à la théorie du choc »[1]. Dès la fin du XIXe siècle, en effet, Freud tente de circonscrire le traumatisme d’un point de vue notionnel en le rattachant à un état produit par un « choc sexuel présexuel » qui entraîne une névrose obsessionnelle. Celle-ci engendre à son tour, par la répétition mentale et verbale du choc initial, un sentiment de culpabilité[2].

Proche de l’événement, lui aussi fait marquant, rupture dans la normalité de l’existence, le traumatisme relève davantage de la subjectivité en raison du choc physique et émotionnel provoqué : l’individu est meurtri directement dans son corps et sa conscience par la violence de faits extérieurs dont les ressentis corporel et psychologique constituent la marque dépassant la stricte temporalité de l’advenu. Il est donc lié à une expérience extrême, qui détermine une distorsion de la réalité, un langage bouleversé, voire un renversement dans l’ordre des choses réelles jusqu’à devenir lui-même réalité. Aussi le traumatisme est-il une cause qui produit des effets dans la durée[3].

La réélaboration rétrospective est-elle alors en mesure de dire/reconstruire le traumatisme subi par la victime ? Comme le montrent les recherches réalisées dans le cadre des Trauma Studies, la restitution d’un souvenir autobiographique – empreint de charge émotionnelle post-traumatique – entraîne de nombreuses distorsions mnésiques et un rendu linguistique biaisé par le hiatus entre compréhension et incompréhension, par les hallucinations et/ou les rêves, les faux souvenirs, les oublis, les récupérations fragmentées[4]. La symbolisation, la distorsion et le déplacement des images du vécu suppléent la latence du sens et le doute quant à la fonction de la mémoire et du récit.

En peu de mots, le traumatisme aiguise autant qu’il altère la perception des événements. Parce que la re-présentation du traumatisme par l’écriture ou les images est le miroir des traces restées sur le corps et dans l’esprit, le récit oral et l’œuvre portent par définition – à tout niveau et pas seulement sur le plan thématique – les signes de la blessure fondatrice. La phénoménologie du traumatisme se situe ainsi entre le fait et ses conséquences, entre l’expérience vécue et sa répétition dans la diachronie. Excluant de notre champ d’étude le domaine médical, tout en nous appuyant sur les découvertes mises au jour par la psychanalyse depuis Freud jusqu’aux dernières avancées scientifiques, nous souhaitons offrir l’occasion d’analyser la dimension moins privée que collective des traumatismes.

Dans le sillage des Trauma Studies selon lesquelles le « XXe siècle peut être défini comme le siècle du trauma(tisme) »[5], il s’agira de vérifier, avec le discernement et le recul nécessaires, dans quelle mesure la production artistique de l’Italie contemporaine peut être lue comme le récit, la mise en scène des traumatismes propres au siècle passé. Le colloque voudrait donner à lire, à travers le prisme des traumatismes majeurs – les grandes migrations du début du siècle, la Grande Guerre, le fascisme, l’expérience de la dictature, la Seconde Guerre mondiale, la Résistance, les camps de la mort, le terrorisme politique des années de plomb, la violence mafieuse –, une trajectoire de souffrance, certes, mais aussi une possibilité d’élaboration et de transformation consciente et inconsciente, comme de rédemption par la parole ou la création artistique dans l’Italie du XXe siècle.

 

Axes de recherche

 

Les réponses au traumatisme induisent, en fonction du temps de réactivité, des résultats différents, selon qu’il s’agisse d’un récit « à chaud » (oral ou écrit) ou d’une remémoration/réélaboration artistique a posteriori. Il convient alors d’interroger le mot « traumatisme » en passant forcément par le sens clinique et psychique du terme, celui de déchirure ou de choc, mais encore de se pencher sur les raisons pour lesquelles il est question, pour une situation extrême donnée, de « traumatisme ». Il est important, par ailleurs, d’apprécier la manière dont le traumatisme prend forme dans les processus d’élaboration ou d’élaboration manquée : comment le traumatisme se manifeste-t-il au-delà du contenu explicite du récit et/ou de l’œuvre artistique ?

Dans le même temps, il serait intéressant d’étudier les procédés lexicaux, syntaxiques et rhétoriques avec lesquels la langue dit (ou ne parvient pas à dire) un traumatisme. Quelles transformations stylistiques, quelles précautions oratoires, quelles ressources linguistiques ou quels silences exige le transfert en signes ? Il peut être utile également d’interroger l’articulation de l’écriture de soi (autobiographie) dans une situation-limite avec l’écriture de l’Histoire[6] pour faire la lumière sur certaines modalités d’existence des traumatismes collectifs au XXe siècle, comme le déni, l’instrumentalisation ou le refoulement[7].

S’il est possible de raconter un traumatisme, cela signifie que le sujet a survécu au choc subi : aussi peut-on mettre en relation le concept avec les notions de victime, de faute et donc d’expiation, notions allant souvent de pair avec l’idée de la survie d’un sujet confronté à une situation extrême. D’autre part, la mise en textes et/ou la mise en images pourraient être assimilées à des archives à sauvegarder. Pourrait-on y voir ainsi un document collectif, puisque seul un énoncé peut entretenir la mémoire[8] ?

Les propositions de communication (en français ou en italien, avec titre et résumé de 2000 signes environ), accompagnées d’un court CV, sont à adresser au plus tard le 15 février 2018 à :

Sarah Amrani : samrani@univ-paris3.fr

Maria Pia De Paulis-Dalembert : maria-pia.dalembert@univ-paris3.fr

Brigitte Le Gouez : brigitte.legouez@univ-paris3.fr

Viviana Agostini-Ouafi : viviana.agostini-ouafi@unicaen.fr