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Castoriadis et les sciences sociales. (UQAM Montréal)

Castoriadis et les sciences sociales. (UQAM Montréal)

Publié le par Marc Escola (Source : Geneviève Gendreau- Beauchamp & Thibault Tranchant)

Journée d’étude sur le rapport de Cornelius Castoriadis aux sciences sociales,
et des sciences sociales d’hier ou d’aujourd’hui à l’auteur de L’institution imaginaire de la société

17 février 2017 — UQAM Montréal


1. Castoriadis et les sciences sociales
Après sa rupture définitive avec Marx et le marxisme au milieu des années 1960,
Castoriadis s’est efforcé de repenser les conditions de l’agir pratique révolutionnaire dans
le cadre d’une théorie de la société qui pose l’« imaginaire » comme son principe de genèse
et d’identité. À l’occasion de l’élaboration de sa nouvelle théorie du social et de l’histoire,
Castoriadis a pu écrire que les sciences sociales sont toutes passées, sans exception, à côté
de leur objet d’étude : l’être du social et l’histoire comme création. Nous invitons les
participants de cette journée d’étude à réfléchir sur les raisons qui ont pu pousser
Castoriadis à formuler un jugement aussi radical sur l’histoire des sciences sociales, mais
aussi à expliciter les implications théoriques de cette critique sans concession.
Voici quelques pistes de recherches susceptibles d’être approfondies :
a. À un premier niveau, il serait tout simplement possible de retourner aux textes des
auteurs que Castoriadis critique et se demander si ses critiques sont justifiées.
b. Si Castoriadis affirme que sa théorie sociale est nouvelle, nous pouvons également nous
demander dans quelle mesure elle n’hérite pas non plus des grands thèmes des
sciences sociales pour les retravailler selon sa propre perspective (qui est celle de la
création et de l’imaginaire). Nous pourrons par exemple nous demander en quoi la
thèse castoriadienne d’une origine sociale des catégories de la connaissance n’est-elle
pas un héritage durkheimien ou bien marxien. Nous pourrons aussi nous interroger sur
le rapport de Castoriadis à la « tradition sociologique » (selon l’expression de Nisbet),
par exemple lorsqu’il affirme que la tâche de la sociologie est de penser l’unité de la
société. La place qu’occupe l’anthropologie culturelle dans la genèse de sa théorie
pourrait également être l’objet d’une discussion : Malinowski et Radcliffe-Browne sont
en effet des interlocuteurs privilégiés de Castoriadis à l’occasion de la première
formulation de sa théorie dans « Marxisme et théorie révolutionnaire ». Est-il en outre
bien vrai que les sciences sociales ont été incapables de penser l’innovation et la
création historique ? De même, Castoriadis est-il bien justifié à dire qu’il est le premier
à avoir pensé le social comme un domaine de l’être irréductible aux individus ?
c. Toujours dans le registre de la « filiation », nous pourrions nous interroger sur la place
de Castoriadis dans la querelle méthodologique entre les approches
« compréhensives » et « explicatives » en sciences sociales. Si Castoriadis opte
clairement pour une approche « compréhensive », une tâche de la sociologie étant
l’identification et la compréhension des « significations imaginaires sociales », il
demeure qu’il se situe aussi en rupture avec les grandes sociologies compréhensives.
Contre Weber, Castoriadis soutient que la « compréhension » ne devrait pas tant être
une méthode visant à établir des rapports de causalité par la reconstitution du sens
que les agents sociaux confèrent à leur action que l’« élucidation » des successions non
causales des « significations imaginaires » dans l’histoire.
d. La théorie de l’institution imaginaire de la société n’est pas conçue par Castoriadis
comme une énième théorie du social et de l’histoire, mais bien comme une
conceptualisation pertinente des conditions objectives de l’agir révolutionnaire qui
doit, pour cette raison, se substituer à la théorie marxienne du dépassement
dialectique des contradictions du capitalisme. On pourra se demander, comme a déjà
pu le faire Habermas, si Castoriadis parvient à fournir une théorie satisfaisante pour
une telle pratique.

2. Les sciences sociales et Castoriadis
L’étude des rapports que Castoriadis entretient avec les sciences sociales serait incomplète
si nous ne nous proposions pas d’étudier le rapport des sciences sociales à Castoriadis.
D’autres suggestions heuristiques :
a. Nous pourrions étudier l’influence, déclarée ou non, de Castoriadis sur la pensée
d’auteurs renommés de la sociologie contemporaine. Hans Joas a fait remarquer que la
lecture de Castoriadis a été importante pour Alain Touraine. De même, nous pourrions
nous intéresser à la lecture qu’en a faite Michel Freitag.
b. Parallèlement à l’étude des influences, nous pourrions interroger les proximités
thématiques entre certaines recherches sociologiques ou historiques contemporaines
et la conceptualisation du social-historique par Castoriadis. La notion d’« imaginaire »
sur laquelle repose la théorie castoriadienne du social a-t-elle le même sens et le même
rôle que la notion d’ « imaginaire » telle qu’on la trouve chez Charles Taylor ou bien
encore dans les « sociologies de l’imaginaire » (Gilles Durand, Michel Maffesoli) ?
c. Au-delà des simples influences, emprunts et proximités thématiques, nous pourrions
imaginer, certes de manière plus ambitieuse, ce que pourrait être un programme
« castoriadien » de recherche en sciences sociales. Inversement, il serait opportun de
comprendre les raisons de l’inexistence d’un tel programme. En effet, bien que certains
chercheurs en sociologie clinique (Florence Giust-Desprairies) ou bien en ingénierie de
la prévention du risque nucléaire (Didier Delaitre, Franck Guarnieri, Sébastien
Travadel) fassent actuellement usage d’une terminologie ou d’une conceptualité
d’inspiration castoriadienne, leurs recherches ne reposent pas à proprement parler sur
une « méthode » castoriadienne. L’absence d’une telle méthode chez les chercheurs les
plus susceptibles de l’adopter ou de l’élaborer ne serait-elle pas, finalement, la preuve
d’une stérilité méthodologique de la théorie de l’imaginaire social de Castoriadis ?


Les personnes intéressées à intervenir lors de cette journée d’étude sont invitées à nous
envoyer avant le 15 janvier 2017 le résumé de leur communication à l’adresse suivante :

ateliercastoriadis@gmail.com (entre 300 et 500 mots).

Veuillez considérer que cette journée d'étude, dépendamment du nombre de propositions que nous recevrons, pourrait devenir un colloque de deux jours.