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Du style des idées : nationalisme et littérature (1870-1920) (Luxembourg)

Du style des idées : nationalisme et littérature (1870-1920) (Luxembourg)

Publié le par Philippe Robichaud (Source : Stéphanie Bertrand)

Du style des idées : nationalisme et littérature (1870-1920)

Université du Luxembourg – 28-29 juin 2018

Colloque organisé par Stéphanie Bertrand (Université de Lorraine) et Sylvie Freyermuth (Université du Luxembourg)

Si le nationalisme peut se définir comme une doctrine politique – mieux, comme un « ensemble doctrinal[1] » –, les historiens furent les premiers à le souligner : l’influence de cette idéologie ne repose pas seulement, voire pas prioritairement, sur la force de ses idées. Michel Winock estime par exemple que l’influence du nationalisme barrésien résulte d’un « sens de la formule, de la métaphore, de l’évocation », davantage que de la « théorie[2]», ou, pour reprendre une dichotomie qui a durablement structuré le champ intellectuel depuis le milieu du XIXe siècle, le style l’aurait emporté sur les idées dans la diffusion du nationalisme. Maurras lui-même n’estimait-il pas, à propos de l’écriture critique, genre dans lequel il s’est particulièrement illustré, que « [l]a pensée, c’est le style encore[3] » ? C’est-à-dire, comme le reformule Antoine Compagnon, que « [l]e style doit […] être analysé et jugé à l’égal d’une vision du monde[4] » ? C’est la place et la conception du style littéraire dans les idéologies nationalistes que le colloque se propose de questionner.

Au-delà des principaux écrivains que l’on peut considérer comme nationalistes (Maurice Barrès, Charles Péguy, Charles Maurras), on pourra convoquer des romanciers dont l’œuvre reflète des idées et des valeurs proches du nationalisme (comme René Bazin ou Ernest Psichari), des essayistes ou pamphlétaires (comme Paul Déroulède ou encore Édouard Drumont), ainsi que des critiques ou des revues proches du nationalisme.

On pourra notamment envisager les pistes suivantes :

  • Imaginaires nationalistes du style

Quels sont les idéaux stylistiques défendus par les écrivains dits nationalistes ? Quels principes d’écriture prônent-ils ? Quelles représentations du style proposent-ils dans leurs œuvres, quel que soit le genre adopté ? Puis : quels sont les enjeux (idéologiques notamment) de ces représentations ?

Pour dégager les grandes lignes de ces représentations, on pourra notamment s’appuyer sur l’étude des œuvres critiques (articles de presse, essais) ou personnelles des écrivains et pamphlétaires du nationalisme, à commencer par Maurras, Péguy et Barrès.  

 

  • Études du style des « écrivains nationalistes »

Comment définir le style des écrivains qui ont été des promoteurs – ou des suiveurs – du nationalisme ? Les analyses stylistiques pourront porter sur leur usage de la syntaxe (phrastique notamment), du lexique, des figures, de l’énonciation, etc. :

  • Peut-on identifier, dans l’écriture romanesque et/ou poétique de ces écrivains, des constructions grammaticales récurrentes, au niveau de la phrase comme du texte ? Quelles tournures de phrase les écrivains nationalistes privilégient-ils et à quelles fins ?
  • Si les préoccupations nationalistes supposent assez naturellement la présence d’un lexique relatif à la nation, d’autres isotopies permettent-elles de distinguer et définir le style des écrivains défenseurs d’une idéologie nationaliste ?
  • Au-delà des topiques métaphores de l’organisme[5], quelles sont les figures de style privilégiées par les écrivains nationalistes et à quelles fins ?
  • Ensuite, peut-on identifier des constantes énonciatives dans les œuvres des écrivains nationalistes ? Quels effets recherchent-ils dans leur énonciation ?

 

  • Existe-t-il un style nationaliste ?

On pourra enfin s’intéresser à la réception du style de ces écrivains proches du nationalisme, dans les articles de presse, mais aussi dans les ouvrages critiques qui se multiplient à partir des années 1920. On pourra également convoquer les manuels d’« histoire de la langue » et autres « arts d’écrire » alors en cours d’écriture ou de publication (ceux de Charles Bruneau, Ferdinand Brunot, Albert Dauzat, etc.) : comment le style des écrivains nationalistes est-il perçu, dans ses formes comme dans ses enjeux ? Quelle place occupent les écrivains dits nationalistes dans ces manuels ?

Au-delà des réceptions individuelles et de l’identification de différents « styles d’auteur », est-il possible d’envisager l’existence d’un « style collectif », nationaliste ? À l’image des styles collectifs mis au jour pour cette période ou peu après (on peut penser au « style NRF[6] » et au « style Minuit[7] »), existe-t-il un « style nationaliste » ? En d’autres termes, peut-on identifier, dans l’écriture des écrivains proches du nationalisme, au-delà (ou en-deçà) des codes génériques et des affinités idéologiques, des constantes sur le plan du style comme des idéaux stylistiques ? La diversité des doctrines nationalistes se résorbe-t-elle dans le partage d’une même conception et pratique du style ?

 

Comité d’organisation

Stéphanie Bertrand, maître de conférences, Université de Lorraine

Jean-François P. Bonnot, professeur des Universités honoraires, Université de Franche-Comté

Sylvie Freyermuth, professeur des Universités, Université du Luxembourg

Diana Mistreanu, assistante-doctorante, Université du Luxembourg

 

Comité scientifique

Jean-François P. Bonnot, professeur des Universités honoraires, Université de Franche-Comté

Stéphane Chaudier, professeur des Universités, Université de Lille III

Emmanuelle Kaës, maître de conférences HDR, Université de Tours

Denis Pernot, professeur des Universités, Université Paris XIII

Gilles Philippe, professeur des Universités, Université de Lausanne

Jean-Michel Wittmann, professeur des Universités, Université de Lorraine

 

Les propositions, accompagnées d’une brève notice bio-bibliographique, sont à envoyer aux deux adresses suivantes, sylvie.freyermuth@uni.lu et stephanie.bertrand@univ-lorraine.fr, avant le 30 novembre 2017.

 

[1] Michel Winock, Nationalisme, antisémitisme et fascisme, Paris, Le Seuil, 1990, p. 18.

[2] Michel Winock, Nationalisme, antisémitisme et fascisme, op. cit., p. 21.

[3] Charles Maurras, « Prologue d’un essai sur la critique », Œuvres capitales, t. III, Paris, Flammarion, 1954, p. 21.

[4] Antoine Compagnon, « Maurras critique », Revue d'histoire littéraire de la France, 2005/3 (Vol. 105), p. 517-532, disponible à l’URL : http://www.cairn.info/revue-d-histoire-litteraire-de-la-france-2005-3-page-517.htm.

[5] Voir Judith Schlanger, Les Métaphores de l’organisme, Paris, J. Vrin, 1971.

[6] Voir par exemple Stéphanie Smadja, La Nouvelle prose française : étude sur la prose narrative au début des années 1920, Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux, 2013.

[7] Voir notamment Michel Bertrand, Karine Germoni et Annick Jauer (éds.), Existe-t-il un style Minuit ?, Aix-en- Provence, Presses universitaires de Provence, 2014.