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Écrire le réel, tisser du lien. Écritures impliquées et littérature française contemporaine (1968 - 2018)

Écrire le réel, tisser du lien. Écritures impliquées et littérature française contemporaine (1968 - 2018)

Publié le par Marc Escola (Source : Olivier Sécardin)

(english version below)

Appel à contributions

RELIEF – Revue électronique de littérature française

Écrire le réel, tisser du lien

Écritures impliquées et littérature française contemporaine (1968 - 2018)

 

Ce numéro de RELIEF se propose d’aborder la question des nouveaux réalismes littéraires en étudiant les dispositifs politiques et sociaux des récits français contemporains ou comment récits et textes élaborent du « commun » et de la « démocratie » pour des existences anonymes et non vouées a priori à la littérature. Cet axe de recherche s’inscrit dans le prolongement des travaux de Bruno Blanckeman (2002, 2004), Dominique Viart (2002, 2005, 2008), Jacques Rancière (2007) et Sandra Laugier (2006) et prend acte des avancées critiques qui depuis quelques années maintenant s’intéressent moins aux « écritures engagées » qu’aux « écritures impliquées ». C’est aussi considérer une métamorphose nouvelle du « littéraire » et du statut ou du métier d’écrivain. Les méthodes privilégiées de ce numéro sont celles de la sociocritique et de la socio-pragmatique. Les études de cas sont les bienvenues quand elles sont accompagnées d’une réflexion théorique.

– Comment les textes, les récits, les narrations peuvent-ils produire aujourd’hui du « commun » ?

– Comment l’écriture et la lecture peuvent-elles produire une forme spécifique de lien social ? 

– De quels enjeux sociaux et individuels les formes de réengagement de la littérature témoignent-elles ?

– Comment une « écriture impliquée » produit-elle une « lecture impliquée » ?

État de la recherche : 

En situant le corpus extrême contemporain dans le panorama historique de la littérature française depuis la seconde moitié du XXesiècle jusqu’à nos jours, ce numéro de RELIEF s’efforcera de préciser les grandes orientations de la littérature française contemporaine (de 1968 à nos jours) de façon à en définir les périodisations, les formes, les auteurs, les intérêts et les présupposés. La contextualisation historique, sociologique et théorique permettra de mettre en relation les différentes pratiques d’écriture. « Écrire le réel, tisser du lien » vise à étudier ces corpus contemporain et extrême contemporain, peut-être moins du point de vue du renouvellement des formes que du point de vue de leurs implications politiques (écrire le réel) et sociales (tisser du lien). Les « écritures impliquées » – selon l’expression de Dominique Viart – seront ici l’objet de toutes les attentions.

Depuis les travaux de Christophe Charles (1990) et de Gisèle Sapiro (1998 et 1999), il nous apparaît clairement que le XXesiècle est le grand siècle des « intellectuels ». Quoi qu’il en soit, de Voltaire à Albert Camus, de Victor Hugo à Simone de Beauvoir, il est aisé de distinguer les formes et les combats d’une littérature dite « engagée » et de nombreux travaux (Marc Angenot, 1982 ; Pascal Ory et Jean-François Sirinelli, 1986 ; Benoît Denis, 2000) ont montré comment se négociaient dans la « République des Lettres » les rapports compliqués entre le champ social, le politique, l’idéologique et le littéraire. Pourtant, la grande majorité de ces travaux ne fait que confirmer une interprétation verticale et en quelque sorte autoritaire du fait littéraire, présupposant sans la remettre en question l’autorité sociale dont elle jouit. L’écrivain serait nécessairement « engagé » et les mots, des façons d’agir, entendu que l’autonomie supposée de la littérature permettrait aux auteurs de bénéficier d’une légitimité a priori. En revanche, très peu de travaux se sont intéressés aux formes ordinaires de l’engagement. Nous croyons qu’il est possible de penser autrement la politique de la littérature que comme un « engagement des écrivains ».

En ayant recours à des pratiques de terrain (très souvent documentées par la théorie critique) ou à des observations in situ, comme « à l’effacé », ces « écrivains impliqués » n’engagent plus une politique de la littérature subordonnée aux « opinions qu’ils professent, aux mots d’ordre qu’ils défendent, aux manifestes qu’ils signent, aux congrès auxquels ils assistent » ainsi que l’écrivait Roland Barthes. Ce n’est pas qu’il n’y ait plus, en France, d’écrivains engagés ni de contre-cultures ni de textes foncièrement politiques (pensons par exemple aux actuels engagements d’Édouard Louis contre le libéralisme et à ceux de Jean-Marie Le Clézio sur le sort réservé aux migrants), mais plutôt qu’on assiste depuis le dernier quart du XXesiècle, à des pratiques d’écriture en retrait, plus sensibles, moins thétiques, moins assertives. Sans doute faut-il aussi considérer une certaine usure de la notion d’engagement et de la mythologie républicaine des héroïsmes littéraires mais aussi d’un point de vue plus statutaire (qu’est-ce qu’un écrivain ?), un certain reflux de la légitimité ou de la responsabilité des écrivains : les écrivains médiatiques se seraient-ils substitués aux écrivains de combat de la même façon que les experts auraient remplacé les intellectuels dans l’espace public et médiatique ?

Dans ce premier quart du XXIesiècle, l’écrivain français n’est sans doute plus ni le procureur ni le juge des affaires de la nation ; pourtant, certaines pratiques d’écriture choisissent de re-politiser le fait littéraire en s’impliquant sensiblement dans les vies qu’elles racontent et accompagnent. Cette éthique relationnelle, quelle que soit la diversité des récits qui l’anime, permet non seulement de réfléchir aux liens et socialités internes à l’enceinte démocratique mais encore à la relation de la littérature avec son dehors, à sa façon d’être présente (ou pas) à la société, enfin, au destin des textes et des écrivains aujourd’hui en France.

Positionnement théorique :

Ce qui importe ici, ce n’est pas que la littérature soit un discours d’« exception » (Guillaume Artous-Bouvet, 2012), mais bien plutôt qu’elle puisse se saisir comme une occasion (parmi d’autres) de subjectivation, comme une possibilité (parmi d’autres) de création et d’actualisation de liens entre différents individus. Le corpus extrême contemporain s’intéresse précisément à cette question, à savoir comment la littérature intervient dans la vie sociale en confrontant le sujet à d’autres vies que la sienne, constituant ainsi un rouage important de la démocratie dans sa capacité à témoigner et à reconnaître des points de vue a priori étrangers.

Problématique : 

Comment un récit ou un texte peuvent-ils produire une forme spécifique de lien social ?

Comment les textes, les récits, les narrations peuvent-ils produire aujourd’hui du « commun » ?

De quels enjeux sociaux et individuels les formes d’implication ou de réengagement de la littérature témoignent-elles ?

Nous pensons qu’une politique de la littérature n’est pas simplement à considérer de « haut », depuis les privilèges d’un quelconque « écrivain autoritaire », fut-il médiatique, mais aussi de façon plus ordinaire, comme capacité de tout un chacun de s’emparer de la littérature, de la lecture, de l’écriture, du récit et parfois même de la poésie. Ainsi, une politique de la littérature doit aussi se penser comme une politique de la lecture, consciente de sa précarité et socialement variable, assumant autant de « représentations, contradictoires et affrontées, par lesquelles les individus et les groupes donnent sens au monde qui est le leur » (Chartier, 1989).

Dans Journal du dehors (1993), Annie Ernaux transcrit une scène significative quand elle décrit les gens en train de lire les journaux au kiosque de la galerie marchande d’un supermarché ; Leslie Kaplan aussi dans Les outils quand elle parle des ateliers d’écriture en prison, dans les bibliothèques de banlieue ou en entreprise. À chaque fois, ces individus, anonymes et solitaires qui n’achètent pas de journaux ni de livres se retrouvent quelques minutes tous ensemble, dans un partage de lecture. Cette lecture « à la volée » engage sans doute plus qu’il n’y paraît et témoigne à sa façon d’une communauté littéraire « où la lecture devient un mode partagé d’interprétation du réel » (Julien Lefort-Favreau, 2015). En quel sens une « écriture impliquée » pourrait-elle produire une « lecture impliquée » ?

*

Recommandations aux auteurs : 

Les propositions (titre de la contribution et résumé de quinze lignes) sont à envoyer à Olivier Sécardin (olivier.secardin@gmail.com) ainsi qu’à l’adresse suivante : revuerelief@gmail.com avant le 15 octobre 2018

Les contributions définitives seront à remettre avant le 30 janvier 2019 à travers le site web de la revue (www.revue-relief.org). Les articles, d’une longueur de 5000 à 8000 mots, peuvent être rédigés en français ou en anglais. Ils doivent obéir aux règles de la charte éditoriale disponible à l’adresse suivante : https://www.revue-relief.org/docs/instructions_FR.pdf

Les articles ne respectant pas ces consignes ne seront pas évalués.

Protocole d’évaluation : 

Les articles soumis à la revue seront évalués en double aveugle. La décision de publication est prise après délibération collective du comité.

RELIEF (https://www.revue-relief.org) est une revue internationale qui s’adresse à des chercheurs dans le domaine de la littérature et de la culture françaises du Moyen Âge jusqu’à nos jours. RELIEF est publié deux fois par an et est disponible en open access.

 

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Call for papers

RELIEF — Revue électronique de littérature française

Writing the real, forging links

“Involved writing” and contemporary French literature (1968–2018)

 

Objective:

In this issue of RELIEF, we will address the topic of new forms of literary realism, looking in particular at political and social devices in contemporary French stories, or how texts and stories build on what is “ordinary” and “democratic” to create anonymous existences that are not necessarily destined for literature. This line of research will be a continuation of the works of Bruno Blanckeman (2002, 2004), Dominique Viart (2002, 2005, 2008), Jacques Rancière (2007) and Sandra Laugier (2006), building on them while also taking note of critical developments of recent years, focusing less on “écritures engagées” (“engaged writing”) and more on “écritures impliquées” (“involved writing”) We will also consider a new metamorphosis of “literature” and the of status or profession of the writer. This issue will prioritise methods of sociocritism and socio-pragmatics. Case studies are welcome, as long as they are accompanied by a theoretical reflection.

–How can texts, stories and narrations create the “ordinary” in the present day?  –How can writing and reading produce a specific kind of social link?  –Which social and individual issues are demonstrated by forms of re-engagement with literature? –How does “involved writing” give rise to “involved reading”?

State of research 

By placing the “extrême contemporain” (the corpus of French literature from the past decade) within the historical overview of French literature from the second half of the 20thCentury to nowadays, this issue of RELIEF will endeavour to define the main trends in contemporary French literature (from 1968 to today) with the aim of outlining the specific periods, forms, authors, interests and assumptions involved in them. Historical, sociological and theoretical contextualisation will make it possible to compare different writing practices. “Writing the real, forging links” aims to investigate the contemporary and “extrême contemporain” corpora, perhaps less in terms of renewing forms and more their in terms of their implications, both political (writing the real) and social (forging links). The primary focus here will be “écritures impliquées” (“involved writing”) — an expression coined by Dominique Viart.

From the works of Christophe Charles (1990) and Gisèle Sapiro (1998 and 1999), the 20th Century was clearly the great century of “intellectuals”. Whatever the case, from Voltaire to Albert Camus, from Victor Hugo to Simone de Beauvoir, the forms and clashes of “engaged” literature can be easily distinguished, and various works (Marc Angenot, 1982; Pascal Ory and Jean-François Sirinelli, 1986; Benoît Denis, 2000) have shown how the complicated relationships between social, political, ideological and literary fields are explored and created. However, the vast majority of these works attest to a vertical and somewhat authoritarian interpretation of literature, assuming without questioning the social authority from which it benefits. They assume that the writer is necessarily “engaged” and that words are ways of acting, taking for granted that authors are automatically legitimised by the assumed autonomy of literature. In contrast, very few works look at ordinary forms of engagement. We believe that it is possible to consider politics of literature as something other than just “engagement of writers”.

Turning to real-life practices (frequently documented by critical theory) or in situ observations, such as writing “à l’effacé”, where the narrator is removed and provides no commentary, these “involved writers” no longer engage in politics of literature contingent upon “the opinions they hold, the slogans they defend, the manifests they sign, the conferences they attend”, as Roland Barthes put it. This is not to say that there are no more engaged writers, counter-cultures or fundamentally political texts in France (consider, for example, Édouard Louis, currently engaged against liberalism, or Jean-Marie Le Clézio’s works on the fate awaiting immigrants); rather, starting from the final quarter of the 20th Century, writing practices have been more reserved and held back, more sensitive, less absolute and assertive. Naturally, it is also important to consider that the notion of engagement and the mythological heroism to which the Republic clings have worn somewhat thin, and equally, from a more statutory angle (what is a writer?), to consider how the legitimacy or responsibility of writers have ebbed away: have media writers given way to war writers in the same way that experts supposedly replaced intellectuals in the public and the media?

In the first quarter of the 21st Century, the French writer has undoubtedly stepped down as the prosecutor or judge of nation’s business; however, there are some practices of writing at play that can re-politicise literature by perceptibly getting involved in the lives that they tell of and accompany. However diverse the stories behind these relational ethics are, it is through them that we can reflect on links and socialities within the democratic forum, as well as on the relationship that literature has with its outside, its way of being present (or not) in society; it allows us to reflect on the destiny of texts and writers today in France.

Theoretical position

What is important here is not the fact that literature is a discourse of “exception” (Guillaume Artous-Bouvet, 2012), but rather that it can be seized as an opportunity (one of many) to subjectivise, as a possibility (one of many) to create and update links between different individuals. This is the very issue that the “extrême contemporain” corpus looks at: how literature comes into social living, exposing the subject to lives other than its own, acting as an essential cog of democracy with its ability to demonstrate and acknowledge initially foreign points of view.

Problematic: 

  • How can a text or story produce a specific kind of social link?
  • How can texts, stories and narrations create the “ordinary” in the present day?
  • Which social and individual issues are demonstrated by forms of re-engagement with literature?

We believe that politics of literature should not exclusively be considered from “above”, with the privileges of an “authoritarian writer”, even a media writer. They should also be considered more ordinarily as the shared ability of all people to appropriate literature, reading, writing, stories and sometimes even poetry. In this way, any politics of literature must also be thought of as politics of reading, conscious of their precarious position and socially variable. They must take on “contradicting, compared representations with which individuals and groups give meaning to the world that belongs to them” (Chartier, 1989).

In a notable scene of Journal du dehors (1993), Annie Ernaux describes people reading the newspapers at a kiosk in the shopping arcade of a supermarket. Meanwhile, in Les Outils, Leslie Kaplan talks about writing workshops in prisons, libraries in the banlieue or within companies. In both of these cases, although they don’t buy the newspapers or books, these anonymous, solitary individuals all spend a few minutes together, sharing in reading. There is certainly more to this on-the-fly reading than meets the eye; in its own way, it is testament to a literary community “where reading becomes a shared way of interpreting reality” (Julien Lefort-Favreau, 2015). In what way does “involved writing” give rise to “involved reading”?

Recommendations for authors: 

Proposals, including the title of the contribution and a fifteen-line summary, must be sent to Olivier Sécardin (olivier.secardin@gmail.com) and revuerelief@gmail.com by 15 October 2018

Final contributions must be submitted by 30 January 2019 via the journal’s website (www.revue-relief.org). Articles can be written in French or English and must be between 5000 and 8000 words. They must comply with the editorial charter, available at https://www.revue-relief.org/docs/instructions_FR.pdf

Articles that do not follow these guidelines will not be reviewed.

Review protocol: 

Articles submitted will undergo a double-blind review. The decision to publish an article will be made following the committee’s collective deliberation.

RELIEF (https://www.revue-relief.org) is an international journal that targets researchers and readers interested in French-language literature and culture from the Middle Ages to the present day. RELIEF is published twice a year and is available through open access.