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Épopées et guerres coloniales : histoires connectées (Revue Recueil Ouvert)

Épopées et guerres coloniales : histoires connectées (Revue Recueil Ouvert)

Publié le par Philippe Robichaud (Source : Elara Bertho)

Cette livraison de Recueil Ouvert (http://ouvroir-litt-arts.univ-grenoble-alpes.fr/revues/projet-epopee/) propose une recherche interdisciplinaire sur les emplois et les réemplois du genre épique liés aux guerres coloniales. Elle offre un espace de réflexion doublement comparatiste qui vise à penser les circulations entre les continents soumis à la colonisation européenne mais aussi les resémantisations de la guerre coloniale en contexte postcolonial.

Les trois axes de réflexion ci-dessous – non exclusifs et que les auteurs sont invités à croiser – dessinent une méthode globale visant à faire émerger une histoire comparée du fait épique entre l’Afrique, l’Europe et l’Amérique :

 

1. Épopée et guerres coloniales

Il s’agira de lier le genre de l’épopée et les mises en scène de la guerre coloniale à plusieurs titres. On considèrera des épopées soit qui traitent des guerres coloniales, récentes ou non, soit qui sont produites dans un contexte colonial et proposent une réflexion sur les enjeux qui lui sont propres. Le fait colonial sera donc envisagé soit comme thématique centrale des œuvres étudiées, soit comme cadre de production des récits, qui correspondent dès lors à la « pensée de la crise » développée par Florence Goyet (2006), où les récits pensent, sur le vif, les crises politiques, sociales, économiques du contemporain.

On élargira pour cela le choix des sources et des genres, en prenant acte des recherches récentes menées sur les « épopées dispersées » ou sur les circulations entre oral, écrit et nouveaux médias (cinéma, radio, télévision).

La guerre coloniale donne lieu dans l’épopée à plusieurs types de récits qui tous pourront être pris en compte dans cette analyse : les différents types de mises en scène de la bataille bien sûr, mais aussi les analyses du combat et de ses modalités, de la figure du combattant ou du leader charismatique, ou plus largement des représentations de la guerre de conquête au sens large, qui peut également prendre la forme d’expéditions ou de missions.

 

2. Resémantisation de l’épique en contexte colonial et postcolonial

Si la guerre coloniale peut être à la fois thème du récit et cadre de l’écriture, on cherchera à s’intéresser plus particulièrement à une situation qui lie ces deux aspects du « travail épique » : le moment où se produit une resémantisation de l’épopée à sujet colonial soit dans une autre situation de domination coloniale soit au contraire dans un contexte de décolonisation, éventuellement lié aux guerres d’indépendances (c’est-à-dire dans un contexte de redéfinition des identités ; Anderson, 1993).

En effet, la lutte créole contre la domination espagnole en Amérique latine reprend à son compte le personnage de l’indigène, non plus comme un ennemi ou comme un autre permettant de se définir mais comme un emblème d’une nouvelle identité en construction face à cet autre qu’est devenue la nation européenne. De même, les figures de la résistance africaine à la colonisation, si elles ont pu être diabolisées pendant la colonisation, sont en revanche devenues de véritables héros nationaux aux moments des indépendances.

Dans les deux cas, les mouvements indépendantistes ont à cœur de se réapproprier un personnel dramatique, des structures poétiques, des motifs, qui revêtaient un sens tout à fait différent dans leurs processus de création originels, et sont devenus le vecteur d’une nouvelle conscience politique dans leurs différents réemplois.

Il s’agit de donner sa pleine place à la réception dans la construction du sens d’un texte épique, y compris sur une période très longue. Ce travail réflexif permettra de réévaluer et de discriminer entre différentes interprétations, éventuellement contradictoires, d’une même œuvre en fonction du contexte dans lequel elles ont été formulées.

 

3. Comparaison et histoires connectées

En dernière instance, on souhaite faire émerger de ce travail collectif une proposition de comparaison entre les processus décrits précédemment en contexte colonial africain et américain. Il s’agira d’évaluer les circulations et les connections qui ont pu exister entre les discours en contexte transatlantique, entre l’Europe et l’Amérique d’une part et entre l’Afrique et l’Europe d’autre part, mais aussi de comparer directement le cas échéant les processus épiques entre l’Afrique et l’Amérique. Ainsi, on pourra prendre en compte les migrations de textes, de motifs, de figures, les réemplois, l’intertextualité, l’imitation, le pastiche dans des contextes épiques.

L’étude de ces « histoires » (Bertrand 2014 ; Douki et Minard 2007) ou « mondes connectés » (Subrahmanyan dans ses divers travaux, Gruzinski 2004) a pour objectif de décentrer le regard porté sur la guerre coloniale, décentrement dont l’épopée est souvent l’un des vecteurs.

 

Les articles de 45000 signes maximum seront à envoyer au plus tard le 1er septembre 2017 à elara.bertho@gmail.com et aude.plagnard@gmail.com.