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Frontière(s) (Missile, n° 7)

Frontière(s) (Missile, n° 7)

Publié le par Marc Escola (Source : Têtes Chercheuses)

MISSILE n°7 : APPEL À CONTRIBUTIONS

Frontière(s)

 

À l'heure où la (géo)politique mondiale se polarise sur la question de la frontière, il nous a paru intéressant d'engager une réflexion transdisciplinaire sur les problématiques liminaires. Le concept de frontière, dispositif de délimitation souvent arbitraire et violent, mais également outil de mise en ordre du monde, a des implications historiques et géographiques, mais également littéraires, cinématographiques ou plastiques susceptibles de nourrir les réflexions de jeunes chercheur.euse.s en vue de la publication d'articles dans le prochain numéro de la revue Missile (parution prévue fin 2019).

Pays et régions existent par leurs frontières qui séparent un espace géographique donné en différents territoires. Ces frontières peuvent être induites par la nature (la limite d’un pays s’appuyant sur un front de mer ou une chaîne de montagnes) ou bien, dessinées par les peuples eux-mêmes, au fil de leur histoire. Elles se situent au carrefour de différentes législations, langues ou cultures. Elles ont donc un rôle essentiel dans la détermination identitaire des individus, qu'elles soient ressenties comme une zone de clivage douloureuse ou comme une indispensable manière de structurer et de séparer ce qui ne peut coexister.

Cependant, au-delà des questions politiques et géographiques, la réflexion sur la frontière peut s'étendre aux problématiques de transitions entre les mouvements et les genres, artistiques ou littéraires. Plus spécifiquement, c'est une notion à travers laquelle nous pouvons appréhender le langage, par ses variations, les évolutions linguistiques ou dialectales, la possibilité d'une intercompréhension ou encore, en s'interrogeant sur le statut du traducteur.

Un autre exemple de frontière, à laquelle nous sommes confronté.es quotidiennement, est la démarcation que constitue notre peau. Celle-ci nous protège et nous isole du reste du monde, tout en permettant pourtant certaines communications avec lui[1]. Les gender studies placent également l'ensemble du corps au centre de nombreuses interrogations sur l'identité.

D’ordre mental, sociétal, artistique, sensible ou physiologique, la frontière pourra donc intéresser des chercheur.euse.s aux champs d’études variés et par sa nature même induire des interventions interdisciplinaires. À la manière de Marcel Duchamp et de son « inframince », nous proposons d’aborder les frontières les plus subtiles et les plus diverses qui soient, ainsi que leurs déplacements ou effacements. En effet, il semble que dans nos sociétés émergent des zones particulièrement créatives qui échappent aux balisages traditionnels[2] entre nature et culture, vivant et artificiel, civilisé et sauvage, animal et humain, masculin et féminin, réel et fictif, etc.

Par ces quelques pistes, les contributeur.trice.s sont amené.e.s à penser la frontière à la fois comme une limite, et comme un seuil. Dans ce second cas, il sera possible de la comparer à une interface, c'est-à-dire à une zone de contact et de rencontres. Au lieu de séparer, la frontière acquiert alors la capacité de transmettre. En informatique, par exemple, une « interface » définit la frontière de communication entre deux entités, comme des éléments de logiciel, des composants de matériel informatique, ou un ou une utilisateur.trice. La polysémie du terme interroge les différentes modalités du cloisonnement et de la division d’un espace, qui peuvent être tant littéral que métaphorique.

Dans le tome IV de Dits et Écrits (1954-1998), Michel Foucault perçoit l’exercice critique comme une confrontation d’espaces : « On doit échapper à l’alternative du dedans et du dehors : il faut être aux frontières. La critique, c’est bien l’analyse des limites et la réflexion sur elles.[3] » Tout objet épistémologique porte en lui sa ligne de démarcation, sa lisière que le commentateur doit traquer. « Être aux frontières » implique d’accepter l’ambivalence, d’exclure et de rapprocher dans un même mouvement. Cette notion serait finalement essentielle au positionnement même du ou de la chercheur.euse vis-à-vis de son sujet d'étude. C’est pourquoi nous invitons les auteur.e.s à parcourir leur sujet « à la frontière », en n'hésitant pas à s'appuyer sur des disciplines ou/et des méthodologies qui n'ont pas été abordées dans ce présent appel.

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Références bibliographiques

Antoine, Philippe et Nitsch, Wolfram (dir.). Le Mouvement des Frontières. Déplacement, brouillage, effacement. Presses universitaires Blaise Pascal, Clermont-Ferrand, coll. « Littératures », Paris, 2015.

Anzieu, Didier. Le Moi-peau [1984], Paris, Dunod, 1995.

Bennafla, Karine, et al. Frontières et logiques de passage: l’ordinaire des transgressions, L’Harmattan, Paris, 2009.

Bigo, Didier, et al. Frontières, marquages et disputes, L’Harmattan, Paris, 2009.

Bonnet, Eric (ed.). Frontières et œuvres, corps et territoires, L’Harmattan, Paris, 2014.

Brunet, Roger. Les Phénomènes de discontinuité en géographie, CNRS, Paris, 1967.

Burridge, Andrew, et al. “Polymorphic borders”. Territory, Politics, Governance, vol. 5, n°3, 2017.

Centre d’Etudes des Relations Interculturelles. Frontière et Frontières dans le monde anglophone, Presses de l’Université de Sorbonne, Paris, 1992.

Dardel, Eric. L’Homme et la terre. Nature de la réalité géographique,  Editions du CTHS, Paris, 1952.

Davila, Thierry. De l'inframince : Brève histoire de l'imperceptible, de Marcel Duchamp à nos jours, Paris, Éditions du Regard, 2010.

Dumas, Stéphane. Les Peaux créatrices, Esthétique de la sécrétion, Klincksieck, Paris, 2014.

Fouchet, Michel. L’obsession des frontières, Perrin, Paris, 2012.

Hachour, Hakim, et al. Frontières numériques et savoir, L’Harmattan, Paris, 2015.

Gay, Jean-Christophe. Les Discontinuités spatiales, Economica, Paris, 2004.

Ingold, Tim. Marcher avec les dragons, trad. Pierre Madelin, Jette (Belgique), Zones sensibles, 2013.

Jalabert, Laurent, et al. Revisiter les frontières, PUPPA, Pau, 2017.

Mora Luna, Antonia Maria, et al. Arts et frontières: Espagne et France : XXe siècle, L’Harmattan, Paris, 2016.

Puig, Nicolas, et al. « Composer (avec) la frontière: passages, parcours migratoires et échanges sociaux ». Revue européenne des migrations internationales, Poitiers, 2014.

Sur, Serge (ed.). Le réveil des frontières : des lignes en mouvement, La Documentation Française, Paris, 2016.

 

Informations pratiques

Ce prochain numéro intégrera les travaux de doctorant.e.s ou jeunes docteur.e.s tant dans les domaines des Arts, Lettres, Linguistique et Langues que, plus généralement, dans ceux des Sciences Humaines et Sociales, toutes périodes d’étude confondues. Il est possible de proposer des contributions réalisées à plusieurs.

Les productions peuvent prendre des formes variées : articles scientifiques de 20 000 signes maximum ou contributions graphiques (dessin, peinture, photographie, etc.). Ces dernières sont attendues pour le 5 juillet 2019.

 

 

À noter :

– vous aurez la possibilité de joindre des documents sonores ou vidéo qui seront publiés sur le blog des Têtes Chercheuses ;

– les contributions graphiques seront publiées en noir et blanc, la couleur étant réservée à la version numérique.

 

Responsables du numéro

Comité éditorial :                                                       Comité scientifique :

Mathilde Bedel                                                          Emmanuel Boldrini

Raluca Dinca                                                             Charlotte Limonne

Chloé Dubost                                                             Bastien Mouchet

Piotr Płocharz                                                            Virginie Pfeiffer

 

Modalité de soumission des articles :

Voici les quatre conditions de publication qui rendent éligibles les auteur.e.s :

– être inscrit.e en doctorat ou être jeune docteur.e (ayant soutenu dans les 5 ans) ;

– ne pas dépasser 20 000 signes, notes de bas de page et espaces compris ;

– respecter les normes de mise en forme, détaillées dans la charte du journal Missile à l’adresse suivante : http://teteschercheuses.hypotheses.org/missile-le-journal-des-teteschercheuses/

charte-du-journal ;

– les auteur.e.s retenu.e.s pour ce numéro devront adhérer à l’association doctorante les Têtes Chercheuses. Ils et elles se donnent ainsi la possibilité d’être informé.e.s et de participer à ses nombreuses activités. Les frais de cotisation annuelle s’élèvent à 10 euros.

Les auteur.e.s enverront leurs articles finalisés avant le 5 juillet 2019 au format .pdf et au format .doc(x) au comité éditorial à l’adresse électronique : teteschercheuses.journal@gmail.com. Le comité se tient à votre disposition pour toute question et information complémentaires.

 

[1]   À ce propos, le psychanalyste Didier Anzieu a montré que c'est sur la peau que notre moi psychique s'appuie pour se penser.

[2]   Voir Dumas, Stéphane. Les Peaux créatrices, Esthétique de la sécrétion, Klincksieck, Paris, 2014, p.29.

[3]   Foucault, Michel. Dits et écrits, tome IV, éd. Gallimard, coll. Bibliothèque des Sciences humaines, Paris, 1994, p. 575.