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Littérature et culture médiévales dans l'enseignement secondaire

Littérature et culture médiévales dans l'enseignement secondaire

Publié le par Marc Escola (Source : mireille Demaules)

Journée d’études

« Littérature et culture médiévales dans l’enseignement secondaire »,

Université d’Artois,

« Centre Textes et Cultures »,

co-organisée par les équipes « Littératures et Cultures de l’enfance » et « TransLittéraires »,

Arras, 21 juin 2019.

 

Le constat que formulait Louis Gémenne[1]d’une « excommunication didactique » de la littérature et plus largement de la culture médiévales, dans une thèse consacrée à leur enseignement dans le secondaire en 1999, semble encore d’actualité ; ce phénomène peut paraître d’autant plus paradoxal, comme l’auteur le soulignait déjà, que le Moyen Âge occupe une place tout à fait particulière et sans doute prépondérante par rapport à d’autres périodes historiques dans notre imaginaire collectif, entre légende dorée et légende noire comme le soulignait l’éminent historien Jacques Le Goff[2]. Or les élèves sont pour la plupart particulièrement friands d’univers médiévaux-fantastiques dans leurs lectures privées et leurs pratiques vidéo-ludiques ; on peut donc penser que l’éloignement linguistique et culturel des textes et œuvres du Moyen Âge, souvent allégué au sein de l’institution scolaire pour justifier leur place marginale dans l’enseignement du français, peut au contraire représenter un atout stimulant la curiosité et l’intérêt de ces mêmes élèves. 

Par ailleurs, au-delà du fort enjeu culturel aussi bien sur les plans historique[3]qu’esthétique d’un enseignement plus affirmé de la littérature et la culture médiévales, les élèves pourraient alors être amenés à s’interroger sur leurs propres représentations du Moyen Âge et sur les raisons de sa présence massive dans notre culture, de manière plus ou moins diffuse et détournée. 

Au collège, les programmes actuels, s’ils laissent la possibilité aux enseignants de recourir ponctuellement à des textes médiévaux de la sixième[4]à la troisième, prescrivent néanmoins ces derniers explicitement au début du collège, en sixième et en cinquième[5], perpétuant ainsi la tendance des programmes précédents à associer littérature médiévale et littérature d’enfance[6]. Cependant, la nouvelle structuration des enseignements littéraires par des entrées thématiques destinées à favoriser un rapport avec les textes à la fois plus personnel et davantage axé sur le questionnement des valeurs qu’ils portent, pourrait laisser espérer une nouvelle approche des textes médiévaux inscrits dans le canon scolaire. Celle-ci pourrait notamment se traduire par le fait d’aborder des aspects et des extraits inédits de ces œuvres au regard des lectures qui en sont traditionnellement proposées, et parallèlement, par la découverte d’autres œuvres du Moyen Âge, voire d’œuvres de fantasy médiévalisante. Par ailleurs, les EPI[7]encouragent la conception de projets interdisciplinaires pouvant favoriser la découverte des arts médiévaux et une plus grande connaissance de la période et des mentalités médiévales.

Au lycée, les objets d’étude composant le programme de français en seconde semblent exclure d’emblée la période médiévale – et pour la plupart d’entre eux le xviesiècle également – puisqu’ils portent sur des textes littéraires du xviieau xxiesiècles ; la lecture ponctuelle de textes ou d’œuvres d’art du Moyen Âge pour éclairer les textes plus contemporains est donc laissée à la discrétion de l’enseignant(e), qui fera ce choix en fonction de son projet, de son parcours universitaire et de ses goûts. En classe de première, l’objet « Écriture poétique et quête du sens, du Moyen Âge à nos jours » permet aux élèves d’aborder de manière ponctuelle la poésie médiévale, mais en ce qui concerne les autres objets d’étude, le constat est le même que précédemment, y compris pour la classe de première littéraire comportant deux objets d’étude spécifiques[8].

En plus du paradoxe culturel précédemment évoqué, on peut aussi souligner un paradoxe didactique, dans la mesure où désormais, les enseignants disposent de nombreux supports de qualité pour accéder aux textes médiévaux, à commencer par des éditions bilingues établies par des spécialistes, et que les propositions d’outils et les ressources sont multiples, notamment en ligne. De surcroît, les universitaires médiévistes se montrent de plus en plus sensibles à la question de l’enseignement des lettres et de la culture médiévales de l’école à l’université, et tout particulièrement dans le secondaire, comme en témoignent de manière privilégiée deux numéros récents de la revue scientifique en ligne Perspectives médiévales[9], dont le dernier paru en 2018.

Dans la continuité de la réflexion engagée par les différents travaux de médiévistes et /ou didacticiens évoqués, cette journée d’études a pour objectif d’apporter des éléments de réponse aux grandes questions posées par l’enseignement de la littérature et de la culture médiévales dans l’enseignement secondaire. À partir de réflexions et d’expériences, nous nous interrogerons sur les modalités de travail privilégiées dans le cadre du cours de français et sur leur éventuelle évolution, ainsi que sur les difficultés qui persistent concernant cet enseignement.

Ces réflexions pourraient s’organiser autour des grandes questions suivantes :

– La question des textes, des supports choisis et des objectifs liés à l’enseignement de la culture médiévale :

Quelle littérature médiévale enseigner ? Quels sont les textes ou extraits de textes choisis par les enseignants et dans quelle(s) perspective(s) ? Sur quels supports s’appuient-ils (éditions, traductions…) ? Quels sont les atouts et les éventuels travers des manuels, souvent utilisés ? Quels sont la place et le statut conférés aux adaptations et aux réécritures, qui posent parfois la question de la fidélité à la langue et à l’esthétique originelles ? 

De manière générale, les enseignants mettent-ils en œuvre des démarches spécifiques lorsqu’il s’agit d’aborder la littérature médiévale du fait de son éloignement chronologique et culturel ? Le caractère oral de cette littérature donne-t-il lieu à des performances, à un travail particulier sur la mise en voix des textes ? Au lycée plus particulièrement, les enseignants font-ils le choix de faire lire aux élèves des textes médiévaux dans la perspective d’une réflexion sur l’évolution des genres et des registres (ruptures, continuités) et de quelle(s) manière(s) ?

– La question du rapport des élèves avec la langue médiévale : par-delà le fossé creusé par les siècles, est-il encore possible d’enseigner l’ancien français pour découvrir l’histoire des mots de notre langue ? L’observation et l’étude des formes médiévales peuvent-elles favoriser une réflexion sur la norme orthographique et son histoire ?

En quoi l’accès ponctuel au texte originel d’une œuvre du Moyen Âge peut-il permettre une réflexion sur certains choix de traduction, en fonction de la sensibilité personnelle du traducteur et/ou celle de son époque ? En quoi les traces d’oralité dans les textes médiévaux peuvent-elles permettre d’appréhender le rapport oral/écrit et certaines caractéristiques du langage oral dans un contexte d’enseignement de la langue ? 

– La question du lien de l’enseignement des lettres médiévales avec les arts : à l’intérieur des manuels et dans la pratique de la classe, quels sont les liens établis avec les arts (cinéma, bande dessinée, visite de musées…) et pour quels enjeux en termes de réception par les élèves ?

Les propositions de communications sont à adresser, conjointement, pour le 19 janvier au plus tard, à :

isabelle.de-peretti at espe-lnf.fr

mireille.demaules at univ-artois.fr

isabelle.olivier62 at orange.fr

 

 

[1]L’appropriation littéraire des textes médiévaux en classe de français, thèse de doctorat, Université catholique de Louvain, 1999.

[2]Les travaux sur la réception du Moyen Âge dans les siècles suivants (xvie-xxiesiècles) ou « médiévalisme » sont de plus en plus nombreux, notamment dans les domaines de l’histoire et des arts, comme en témoigne l’association « Modernités médiévales » créée en 2004, qui a pour but « de promouvoir les manifestations universitaires, et plus largement culturelles, autour de la réception du Moyen Âge, réécritures et représentations, essentiellement aux xixe, xxeet xxiesiècles (de la réception romantique, symboliste ou moderne, en passant par la fantasy et la littérature de jeunesse) » : https://modmed.hypotheses.org/suggerer-une-annonce

[3]Y compris celui de l’histoire des mentalités.

[4]Dernière année du cycle 3 depuis les programmes de 2015.

[5]En ce qui concerne ce niveau, le programme d’histoire est centré sur le Moyen Âge, et les relations Orient-Occident. 

[6]Voir en particulier les réflexions de Philippe Haugeard dans « Réflexions sur la place du Moyen Âge dans les programmes de français au collège », Perspectives médiévales [En ligne], 39 | 2018, mis en ligne le 01 décembre 2017, consulté le 11 septembre 2018. URL : http://journals.openedition.org/peme/13826 ; DOI : 10.4000/peme.13826

[7]Enseignements pratiques interdisciplinaires.

[8]Ces derniers sont intitulés « Les réécritures, du xviiesiècle jusqu'à nos jours » ; « Vers un espace culturel européen : Renaissance et humanisme ». Si les prescripteurs incitent les professeurs à introduire dans le corpus retenu des « textes et documents ouvrant sur l'histoire des arts et sur les langues et cultures de l'Antiquité », ils ne font pas mention du rôle que pourrait jouer la lecture de certains textes médiévaux dans cette volonté de mise en perspective, comme le constate et le regrette Florence Bouchet (voir « Le Moyen Âge mène à tout, à condition d’en sortir : pour une approche diachronique de la littérature médiévale », Perspectives médiévales [En ligne], 36 | 2015, mis en ligne le 01 janvier 2015, consulté le 12 septembre 2018. URL : http://journals.openedition.org/peme/7505 ; DOI : 10.4000/peme.7505).

[9]Voir Perspectives médiévales, « Cultiver les lettres médiévales aujourd’hui »[En ligne], 36 | 2015, mis en ligne le 01 janvier 2015, URL : http://peme.revues.org/8060 ; DOI : 10.4000/peme.8060 et Perspectives médiévales, « Enseigner la langue et la littérature du Moyen Âge en France aujourd’hui » [En ligne], 39 | 2018, mis en ligne le 01 décembre 2017. URL : http://journals.openedition.org/peme/14000 ; DOI : 10.4000/peme.14000