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Le Puy de la Recherche : L'Etranger, cet inconnu.

Le Puy de la Recherche : L'Etranger, cet inconnu.

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Le Puy de la Recherche)

« Elle a murmuré que j'étais bizarre, qu'elle m'aimait sans doute à cause de cela mais que peut-être un jour je la dégoûterais pour les mêmes raisons. » (A. Camus – L’Étranger)

Dans cet extrait du roman L’Étranger, Albert Camus dépeint l’absurdité et les contradictions de la perception de soi, de la perception de l’autre. Il y aurait donc deux dimensions de la perception : être étranger par rapport à soi-même et être étranger aux yeux des autres. Ici, Meursault, l’étranger au monde, est qualifié de « bizarre » dans la mesure où nous ne le connaissons pas, où nous ne le comprenons pas. Si ce dernier est imperméable aux codes structurant notre société contemporaine, il reste un témoignage poignant du rapport ambigu que nous entretenons avec celui qui est étranger.

            Historiquement et juridiquement, l’étranger est défini dans sa négativité : il représente l’individu qui ne possède pas la nationalité du pays dans lequel il se trouve. L’étranger, porteur d’une différence, a souvent fait l’objet d’une exclusion, celle-ci se caractérisant par l’application d’un droit rigide, prisonnier de ses obsessions sécuritaires. La politique d’accueil repose alors sur une double logique d’assimilation et d’intégration sur laquelle il est nécessaire de porter un regard critique. L’étranger sera tantôt le touriste, le réfugié, l’immigré ; il conviendra de distinguer cela pour appréhender son rapport à l’autre et étudier l’impact de ses migrations au niveau économique et social. Par exemple, si le tourisme de masse peut être source de retombées économiques importantes, il peut aussi avoir des conséquences désastreuses d'un point de vue social et environnemental.

            La question de l’étranger ne se limite pas à sa définition stricto sensu. Sociologiquement, l’étranger est conçu comme étant un individu qui n’appartient pas à un groupe social donné. Ainsi, tout individu peut être l’étranger de son voisin. Par conséquent, la problématique de l’existence même de l’étranger, de ce qui nous est étranger, peut se poser. Tous les astronautes qui ont pu voir la Terre depuis l'espace parlent d'une prise de conscience de l'appartenance à une planète unique, prise de conscience qui rend la notion même de frontière désuète. En outre, les recherches récentes en génétique ont permis d’établir de fortes similitudes dans le génome humain de différents groupes ethniques et de retracer l’historique des grandes migrations de l’Homo sapiens à partir d’un foyer unique de population.

            De plus, la notion d’étranger se retrouve dans le monde biologique et physique. Nous pouvons citer le cas des espèces invasives qui sortent de leur écosystème d’origine et se développent dans un autre, sans prédateur naturel, créant ainsi un déséquilibre. Il existe aussi des espèces parasites qui vont exploiter les ressources d’une autre espèce à ses dépens. Cette cohabitation peut s’avérer souhaitable ou néfaste pour l’espèce hôte. Par exemple, la flore intestinale, composée à l’origine de bactéries étrangères offrant un apport bénéfique pour l’être humain, ou encore le varroa, acarien possiblement responsable du syndrome d’effondrement des abeilles. De même, en physique, les pistes peuvent se brouiller et ainsi des phénomènes ou des états étrangers l'un à l'autre se retrouvent intrinsèquement liés. À titre d’exemple, la lumière possède une existence duale, qui lui permet d'être à la fois onde et particule.

            Dès lors se pose la question de la représentation de l’étranger, cet inconnu. Par quels moyens pouvons-nous l’appréhender et le connaître, qu’il soit étranger à notre pays, à notre planète, à notre corps ou aux limites de ce que notre cerveau peut concevoir ?

            De ces questionnements découlent plusieurs thématiques de réflexion qui pourront être explorées. La liste proposée n'est pas exhaustive :

  • Appréhender l’étranger

            Il s’agit ici d’identifier l’étranger, de le qualifier, de l’appréhender par la connaissance. L’étranger se résume-t-il à celui qui vient d’un autre pays ? L’étranger n’est-il pas simplement celui qui nous est inconnu, ou que l’on considère comme différent, bien qu’il soit notre voisin ? Par quels mécanismes s’établit le sentiment d’appartenance ou d’exclusion vis-à-vis d’un groupe ? Quels rôles jouent les frontières dans la création de ces sentiments ?

  • La peur de l’étranger

            L’étranger, parce qu’il nous est inconnu, peut susciter de la peur. Cette peur peut être instrumentalisée dans les discours politiques, l’étranger faisant alors office de bouc émissaire. Que révélerait cet usage politique de la stigmatisation ? Peut-on aller jusqu’au rejet de l’inconnu ? L’art ne constituerait-t-il pas un moyen de surmonter cette peur ?

  •  Intégrer l’étranger

            Une distinction entre les notions d’intégration, d’assimilation et d’acceptation pourra être envisagée. Quels moyens juridiques et politiques peuvent être mis en œuvre pour accueillir l’étranger ? Quels moyens sont développés en médecine pour permettre des greffes d’organes et quels sont les questionnements éthiques associés à ces pratiques ? Comment une entreprise peut-elle adapter ses techniques de management en fonction de la culture du pays dans lequel elle est implantée ?

  •  Découvrir l’étranger

            Depuis les premières conquêtes vers des terres inconnues jusqu’à l’exploration spatiale actuelle, l’homme cherche continuellement à connaître ce qui lui est étranger. Qu’est-ce qui le pousse à aller vers cet inconnu ? Quels sont les moyens techniques pour y parvenir ? Quelles ont été les expérimentations de la découverte de l’inconnu ?

  • Se représenter l’étranger

            La recherche en mathématiques et en sciences physiques a atteint un tel degré de sophistication que les chercheurs doivent faire appel à des concepts qui sont étrangers à notre capacité de perception. Par quels moyens est-il possible de les comprendre ? Comment ceux-ci peuvent-ils influer sur le monde physique tel que nous le percevons ?     

Modalités de soumission

            Les enseignant-e-s chercheurs/euses et doctorant-e-s souhaitant participer au colloque sont invité-e-s à soumettre aux organisateurs une proposition de communication d'une longueur de 500 mots maximum.

            Celles-ci sont à envoyer avant le lundi 24 avril à l'adresse puydelarecherche@gmail.com.
Les auteur-e-s seront informé-e-s des communications retenues avant le 2 mai 2017.

Les présentations orales lors du colloque ne devront pas excéder une durée de 25 minutes.

Lieu

Le colloque se déroulera à l'amphithéâtre Trudaine de l’École de droit situé au 41, boulevard François-Mitterrand à Clermont-Ferrand

Accès

Tramway – Arrêt Université à 15 minutes à pied de la gare SNCF de Clermont-Ferrand

Organisation

            Cette manifestation scientifique transdisciplinaire est organisée par l’association Doct’Auvergne qui œuvre pour la promotion du doctorat en regroupant des doctorant-e-s et jeunes docteur-e-s.

Les dates : du 6 au 8 Juin 2017

Comité d’organisation

Clément Mathonnat (Doctorant en Sciences Économiques), Ludivine Paris (Doctorante en Biologie Santé), Lucie Poulet (Doctorante en Génie des Procédés), Nina Dumas (Doctorante en Droit Public) et Olivier Carvin (Doctorant en Sciences Économiques).