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Les imaginaires de la traduction (revue Itinéraires. Littérature, textes, cultures, 2018)

Les imaginaires de la traduction (revue Itinéraires. Littérature, textes, cultures, 2018)

Publié le par Vincent Ferré (Source : François-Xavier Mas)

2018-3 : Les imaginaires de la traduction

Numéro de la revue Itinéraires. Littérature, textes, cultures

Coordonné par Christina Bezari (Université de Gand), Riccardo Raimondo (Université Sorbonne Paris Cité), Thomas Vuong (Université Paris 13 Sorbonne Paris Cité)

Date limite de réception des propositions : 17 septembre 2017

Versions angaises et italiennes de l'appel disponibles sur le site de la revue : https://itineraires.revues.org/3517

Appel à contribution

Suite au grand succès des Journées d’Études Les imaginaires de la traduction qui se sont tenues les 3 et 4 mars 2017 à la Sorbonne-Nouvelle, nous souhaitons prolonger les réflexions qui s’y sont tenues, de manière à tracer une cartographie novatrice de la pratique et de la théorie du traduire, dans une perspective comparatiste.

Argument

Les rapports entre traductologie et littérature comparée dévoilent toute la complexité et les risques de ces disciplines hybrides, ainsi que l’importance de réfléchir sur leur identité et leurs spécificités. C’était déjà, d’ailleurs, le thème du XIe Congrès de l’Association Internationale de Littérature Comparée (1985) : dans son introduction, José Lambert soulignait l’importance de la traduction comme étant un champ spécifique en même temps que la nécessité d’une interaction entre la théorie, l’histoire de la traduction et les autres disciplines. Cela revient à dire qu’il est souhaitable de considérer la traduction, non seulement d’un point de vue de la littérature, mais aussi l’histoire des savoirs et des pratiques sociales (Rastier 2011, Guillaume 2015, Chevrel et Masson 2015). Il nous semble donc nécessaire de repenser la traduction au prisme de la philosophie, de la poétique, des études sur l’imaginaire, enfin, de la repenser comme un art et non comme l’un des domaines de la linguistique appliquée.

En effet, comme l’a avancé G. Lane-Mercier, la littérature comparée et la traductologie trouveraient leur spécificité commune à la fois dans la visée centrifuge, nomade ou encore « cartographique » qui les anime, et dans la logique de l’intersection, du réalignement, de la traversée. C’est par le biais d’un tel processus que ces deux disciplines deviennent des champs de conflit mais aussi de synthèse.

Dans ce contexte, nous souhaitons envisager une hybridation entre la traductologie et les études sur l’imaginaire. On considérera dans ce contexte la notion d’imaginaire de la traduction comme une déclinaison de ce qu’on souhaite appeler les « théories de l’imaginaire linguistique » (Glissant 1996, 2010, Houdebine 2002).

Perspectives

On pourrait résumer les approches des imaginaires en traduction à travers deux principaux volets.

D’une part, il s’avère intéressant de prendre en considération les manières par lesquelles l’imaginaire intervient dans la représentation « socio-symbolique des pratiques traductives » (Lavieri 2006, 2010). Dans cette perspective, on peut parler d’un « imaginaire du traduire » ou d’une « représentation du traduire » qui s’incarne dans des métaphores, des stéréotypes ou des récits. On traitera alors les représentations, les récits, les métaphores et les mythes du traduire, aussi bien que les connotations appliquées à l’acte de traduction dans les textes théoriques ou dans les paratextes.

D’autre part, en ce qui concerne l’étude des textes traduits, il est crucial d’observer les procédés par lesquels l’imaginaire et l’imagination des traducteurs, en relation avec l’imaginaire collectif, jouent un rôle concret dans la pratique traduisante (Raimondo 2016a, 2016b). En effet, on peut constater que nombre de solutions traductionnelles dérivent de l’imagination créatrice des traducteurs, qui s’incarne dans des choix linguistiques et poétiques, comme l’on peut remarquer par exemple à travers les travaux de Collinge (2000) ou de Verger (2010). Dans cette perspective, la traductologie est considérée du point de vue d’une « génétique de la traduction » au sens large qui repense son identité à la lumière des études sur l’imaginaire. Ce deuxième volet explore les imaginaires de la traduction et la psychè des traducteurs face aux textes. Avec une certaine prudence, on pourra aussi parler de « psychologie de la traduction ».

C’est d’ailleurs par une telle interdisciplinarité (Bassnett et Lefevre 1998 ; voir Ladmiral 2006 : 109-125) qu’on peut espérer mettre en perspective la traduction avec l’histoire des savoirs (Rastier 2011, Guillaume 2015, Chevrel et Masson 2015), ainsi qu’organiser la complexité des facteurs fondant la traduction littéraire à l’intérieur d’un système cohérent, qui tient compte à la fois de la dimension linguistique et du substrat socioculturel, comme le souligne Bassnett (1998 : 10). En d’autres termes, c’est grâce à une telle inspiration que la traductologie peut approfondir l’étude de ses « sphères d’influence » (Guillaume 2014, 2016) ou « sphères d’existence » (Ballard 2016), dans le but d’améliorer l’efficacité et la profondeur de ses outils analytiques et herméneutiques.

Il s’agit de considérer la traduction à l’intérieur de ce qu’on pourrait appeler les « circonstances événementielles de la production imaginaire » (Van Eynde 2005). En effet, on peut constater que nombre de choix traductionnels dérivent de l’imagination créatrice des traducteurs, à savoir une « imagination active » (Jung 1970) qui s’incarne, consciemment ou inconsciemment, dans des choix linguistiques et poétiques.

Il s’agira donc d’envisager ce que Paul Ricœur nomme une « poétique de la volonté » (Ricœur 1986) en observant un certain nombre de phénomènes et d’expériences « à la charnière du théorique et du pratique » (Ricœur 1986). Cette conception de l’imagination fait clairement écho à celle de Giambattista Vico qui, dans la Scienza nova (1744), expose la doctrine des « universaux fantastiques » dans laquelle l’imagination est considérée par rapport à son lien avec la poétique et avec l’histoire. De ce point de vue, on peut renvoyer aux inspirations d’Olivier Rimbault (2015 : 24-28) qui reprend les théories de Carl Gustav Jung (1993) et de Gilbert Durand (1984) et envisage l’existence d’une même structure de l’imaginaire et des discours culturels : une « zone matricielle » (Rimbault 2016) commune serait alors à l’origine des archétypes et des idées.

Dans le contexte de cette publication, nous souhaitons proposer quelques pistes de réflexion sans prétention à l’exhaustivité :

  • l’imaginaire « socio-symbolique » de la traduction ;
  • les représentations, les récits, les métaphores et les mythes du traduire ;
  • la psychè des traducteurs ;
  • l’imaginaire exotique en traduction ;
  • l’imaginaire du traduire comme violence ;
  • les rapports entre imaginaire du traducteur et pratique traduisante ;
  • les approches mystiques de la traduction ;
  • les imaginaires philosophiques de la traduction ;
  • les imaginaires politiques de la traduction ;
  • les imaginaires sourciers et ciblistes ;
  • psychanalyse et imaginaire des traducteurs ;
  • psychologie de la traduction ;
  • l’imaginaire dans la traduction des textes fondateurs ;
  • les représentations du traducteur dans les littératures et les arts ;
  • imaginaire et « belles infidèles » ;
  • la sémiotraductologie à l’épreuve de l’imaginaire.

On attendra des contributions qu’elles s’appuient sur les références bibliographiques citées ci-dessus, ainsi que sur les indications théoriques qui ont présidé à ces journées d’études (voir www.imagotrad.hypotheses.org/120).

Modalités de soumission et calendrier

Les articles devront compter entre 25 000 et 40 000 caractères, espaces compris (bibliographie incluse) et devront parvenir au format WORD en deux exemplaires : l’un signé et l’autre anonymé avant le 17 septembre 2017 aux adresses ci-dessous. Les articles devront être accompagnés d’un résumé en français, en italien et en anglais (150-200 mots pour chaque résumé) et d’une brève biobibliographie en anglais (150-200 mots pour chaque biobibliographie). Le formatage des textes devra suivre soigneusement les consignes suivantes : http://itineraires.revues.org/2255

Les auteur-e-s sont prié-e-s de suivre rigoureusement les règles de cet appel à contribution. Les propositions incomplètes ne seront pas prises en compte.

Les propositions acceptées seront soumises à une double relecture anonyme selon le protocole d’expertise de la revue décrit ici : http://itineraires.revues.org/2252

Contacts : raimondo.riccardo@yahoo.it, ths.vuong@gmail.com, bezari.christina@gmail.com

Bibliographie

Chevrel, Yves et Masson, Jean-Yves, 2015, « Avant-propos », dans V. Duché (dir.), Histoire des traductions en langue française, xve et xvie siècles (1470-1610), Lagrasse, Verdier, p. 7-14.

Ballard, Michel, 2016, « La traductologie comme espace », Les Langues Modernes, année 11, no 1, p. 14-25.

Bassnett, Susan et Lefevere, André, 1998, Constructing cultures: Essays on Literary Translation, Clevedon, Multilingual Matters.

Buffoni, Franco, [2007] 2016, Con il testo a fronte. Indagine sul tradurre e l’essere tradotti, Novara, Interlinea.

Collinge, Linda, 2000, Beckett traduit Beckett : de « Malone meurt » à « Malone Dies », l’imaginaire en traduction, Genève, Droz.

Durand, Gilbert, [1969] 1984, Les Structures anthropologiques de l’imaginaire, Paris, Dunot.

Gentzler, Edwin, 2001, Contemporary Translation Theories, Londres, New York, Routledge.

Glissant, Édouard, 1996, Introduction à une poétique du divers. Paris, Gallimard.

Glissant, Édouard, 2010, L’imaginaire des langues, entretiens avec Lise Gauvin, Paris, Gallimard.

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Guillaume, Astrid, 2014, « L’interthéoricité : sémiotique de la transférogenèse. Plasticité, élasticité, hybridité des théories », PLASTIR (Plasticités, Sciences et Arts), no 37, p. 1-36.

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