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Nobel Prize and Europe(s). Prix Nobel : un esprit européen ?

Nobel Prize and Europe(s). Prix Nobel : un esprit européen ?

Publié le par Romain Bionda (Source : Nikol Dziub)

20-21 juin 2019

Conférenciers invités : Jean-François Battail (Université Paris IV – Sorbonne), Angelica Duran (Perdue University, West Lafayette, États-Unis), Emmanuel Fraisse (Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3), Clara Levy (Université Paris 8), Mihaela Ursa (Babes-Bolyai University of Cluj, Roumanie), Doru Aurel Pop (Babes-Bolyai University of Cluj, Roumanie).

 

Quelle Europe pour le(s) Prix Nobel ?

En juin 2017 s’est tenu à Mulhouse le colloque « Comparer en Europe », qui a réuni des comparatistes de quelque vingt-cinq pays européens et nord-américains (Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Canada, Croatie, Espagne, Estonie, États-Unis, Finlande, Grèce, Irlande, Italie, Lituanie, Luxembourg, Macédoine, Norvège, Pologne, Portugal, Roumanie, Slovaquie, Suisse et Ukraine). Le but principal de l’événement était de faire l’état des lieux de la discipline comparatiste, de ses méthodes, de ses courants, de ses orientations. Parmi les idées fortes qui se sont dégagées des interventions et des discussions, il y avait celle-ci, que, dans nombre de pays dits « mineurs » (en particulier en Europe Centrale et de l’Est), l’attention des comparatistes se focalise sur le dialogue entre le micro et le macro : or, un prix comme le Nobel, quand il est attribué à un écrivain représentant une littérature « mineure », lui confère une visibilité, ou plutôt une audibilité mondiale. Et plus largement, il semblerait que le Nobel contribue à alimenter la dialectique entre local et global. Czesław Miłosz ne laissait-il pas entendre (sur le ton de l’outrance) que les Polonais étaient pareils à des taupes assistant à un opéra : non pas absolument privés de contact avec l’extérieur, mais aveugles pourtant aux splendeurs du monde ? Recevoir le Prix Nobel en 1980 a sans doute été pour lui le moyen de mettre sur le métier ce « tissu de connexions » entre nations et entités supranationales auquel il rêvait dans Rodzinna Europa (littéralement L’Europe familière, 1959, traduit en français sous le titre Une autre Europe).

Mais l’attribution du Nobel, avec le cortège de revendications et de fiertés qui l’accompagne, conduit aussi, chaque année, à un réagencement de la carte européenne et mondiale des littératures – réagencement qui ne se fait pas toujours sans conflits. Prenons le cas de Herta Müller : faut-il considérer que le Prix Nobel est revenu, en 2009, à une écrivaine allemande d’origine roumaine, ou à une écrivaine roumaine germanophone (et dont l’allemand, soit dit en passant, est fortement teinté de roumanité) ? Ce qui ne fait pas de doute en tout cas, c’est que la course au Nobel est pour chaque pays/culture l’occasion d’essayer de faire entendre sa voix dans la symphonie mondiale des littératures (sinon dans la symphonie de la littérature mondiale).

Pourtant, tous les récipiendaires du Prix n’adhèrent pas à l’ethos propre aux représentants du macrosystème dont le Nobel dépend. Qu’il y ait un lien idéologique entre Nobel et européisme, cela ne fait pas de doute (même si les contours de cet européisme en constante évolution restent à définir – et c’est précisément l’un des buts de ce colloque). Et pourtant, une écrivaine comme Svetlana Alexievitch (Prix Nobel 2015), qui écrit en russe mais est née en Ukraine et vit en Biélorussie, prend ses distances à l’égard d’une Europe dont elle dénonce notamment l’ « attitude instrumentaliste » face à la crise écologique (et on sait à quel point la question environnementale est un sujet sensible pour l’auteure de La Supplication : Tchernobyl, chroniques du monde après l’apocalypse, 1997).

D’où cette question : à quoi ressemble l’Europe des Prix Nobel (celle dont, pour certains, ils sont les citoyens malgré eux, mais aussi et surtout celle qu’ils appellent de leurs vœux) ? Si c’est d’abord à l’échelle européenne que nous poserons la question du rapport entre local et global, précisons toutefois que les communications transposant la question à d’autres espaces supranationaux ou l’élargissant à l’échelle mondiale seront les bienvenues.

 

Les Prix Nobel et l’enseignement de la littérature (comparée ou pas)

Recevoir le Prix Nobel, pour un écrivain, c’est, presque à coup sûr, intégrer les corpus étudiés à l’université (soit par les enseignants dans le cadre de leurs cours et de leurs séminaires de licence et de master, soit par les doctorants dans leurs thèses), et, par suite, faire leur entrée dans ce que nous appellerons les histoires immédiates de la littérature (voire faire l’objet d’un culte « fétichiste », pour reprendre un mot cher à Pascale Casanova).

Existe-t-il une réflexion spécifique sur le Nobel ? À cette question, il est facile de répondre – et par l’affirmative : à l’Université de Washington en effet, Eric Ames proposait l’an passé un cours sur les rapports entre la « World Literature and the Nobel Prize ». Et cette année, l’Université du Kent propose un séminaire intitulé « Prize Winners », dont les problématiques sont les suivantes : un prix comme le Nobel provoque-t-il la formation de nouveaux canons esthétiques ? Que fait le marketing qui entoure la diffusion des œuvres des Prix Nobel à la littérature ? Le Nobel ne transforme-t-il pas les textes littéraires en produits, sinon commerciaux, du moins culturels ?

Signalons aussi que certains Nobel enseignent eux-mêmes à l’université : Akinwande Oluwole Babatunde Soyinka (Prix Nobel en 1986) fut, de 1975 à 1999, Professeur de Littérature Comparée (1975-1999) à l’Université Obafemi Awolowo ; et Orhan Pamuk (Prix Nobel en 2006) enseigne la même discipline à l’Université de Columbia.

Voici donc quelques-unes des questions qui nous occuperont : comment l’université considère-t-elle le Prix Nobel/les Prix Nobel ? Comment l’université, en tant qu’institution produisant des discours légitimants, oriente-t-elle ou confirme-t-elle les choix de l’Académie Nobel ? Le discours universitaire sur le Nobel/les Nobel entre-t-il en résonance avec les discours accompagnant l’attribution et la réception du Prix ? Les universitaires reprennent-ils à leur compte les valeurs-clefs de l’idéologie Nobel (pacifisme, européisme, etc.), ou au contraire produisent-ils des discours critiques (dans le sens épistémologique, et non polémique, du terme) ?

Bien entendu, nous serons heureux d’accueillir des intervenants qui nous feront découvrir d’autres aspects de la question Nobel. Voici encore quelques axes qui structureront notre réflexion collective :

  • Prix Nobel de littérature et Prix Nobel de la paix : quels liens idéologiques ? On se souvient que Mario Vargas Llosa se plaignait, avant de recevoir le Nobel en 2010, d’être systématiquement écarté pour n’être pas « de gauche ».
  • Prix Nobel et parité : comment les choix récents de l’Académie Nobel reflètent-ils l’évolution des discours officiels (notamment en Europe) sur la parité et l’égalité des sexes ?
  • Prix Nobel et péri-littérature : Mommsen (1902), Churchill (1953), Dylan (2016), autant de Prix Nobel de littérature dont l’œuvre se situe, sinon hors de la littérature, du moins dans les marges du champ littéraire.
  • Prix Nobel et médias : il est important d’étudier comment les médias et les réseaux sociaux s’emparent des figures publiques que deviennent les récipiendaires du Prix, et surtout relaient les discours des Nobel et de l’Académie Nobel.
  • Les Prix Nobel de demain : alors que l’Académie Nobel traverse une crise sans précédent, quel est l’avenir du Prix Nobel de littérature ? Et – osons poser la question – qui pourraient être les futurs Prix Nobel ?

Comité d’organisation :

Nikol Dziub (Université de Haute-Alsace)

Frédérique Toudoire-Surlapierre (Université de Haute-Alsace)

Augustin Voegele (Université de Lorraine)

 

Modalités de proposition et de publication :

Les propositions (1/2 page environ), accompagnées d’une brève notice bio-bibliographique, sont à envoyer à Nikol Dziub (nikol.dziub@uha.fr) avant le 31 mars 2019.

Sous réserve d’acceptation des articles, le colloque fera l’objet d’une publication.