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Où situer le communisme ? Une approche interdisciplinaire du politique (Paris Diderot)

Où situer le communisme ? Une approche interdisciplinaire du politique (Paris Diderot)

Publié le par Marc Escola (Source : Nataliya Yatsenko)

APPEL A COMMUNICATIONS

Où situer le communisme, entre démocratie et totalitarisme ?

Journée d’études

Université Paris Diderot – 16 mai 2018

 

La journée d’étude sera organisée sous l’égide de l’Action structurante « La Fabrique du politique : utopies, émancipations, radicalisations. Une approche interdisciplinaire du politique ».

Comité scientifique : Sophie COEURE (Université Paris Diderot, ICT), Marie CUILLERAI (Université Paris Diderot, LCSP), Martine LEIBOVICI (Université Paris Diderot, LCSP), Aurore MREJEN (Université Paris Diderot, LCSP), Benoît de TREGLODE (Ecole militaire, IRSEM).

 

Argumentaire

De Marx à Lénine la « dictature du prolétariat » est devenue la «dictature démocratique». Ce concept, dans la perspective d’Althusser, peut ouvrir la stratégie du communisme comme un projet à long terme, en passant par l’étape socialiste. Il possède de plus le statut d’un concept scientifique parce qu’il est démontré, prouvé et vérifié dans la pratique de Lénine. Pour Marx et les marxistes comme Althusser, la dictature prolétarienne est la manifestation la plus haute de la démocratie populaire, et le communisme est la forme politique capable d’assurer la liberté la plus large et la plus complète de l’être humain. Néanmoins, aux yeux d’Edgar Morin, ce mot-mythe «dictature du prolétariat» se transforme en réalité en mot-illusion : la pratique de Lénine lui-même a renversé le sens de ce mot, le pouvoir dictatorial du prolétariat au sens de Marx n’existe pas, seule la monopolisation totale du pouvoir du Parti bolchevik est réelle, soit le totalitarisme en pratique. Ce point de vue est partagé par des intellectuels ayant vécu sous le régime soviétique du bloc de l’Europe de l’Est : Vaclav Havel voit dans le régime communiste un système authentiquement totalitaire, tandis qu'Agnès Heller conclut que le régime communiste est totalitaire parce que se trouve au centre du pouvoir un parti tout-puissant qui contrôle l'ensemble de la société.

Le caractère complexe de ce phénomène politique pourrait se résumer aussi par l’expression « démocratie totalitaire » utilisée par Jacob L. Talmon dans son ouvrage Les origines de la démocratie totalitaire, paru en 1952. Tandis que le livre Les Origines du totalitarisme de Hannah Arendt, publié en 1951, décrit le type de régime totalitaire comme caractérisé par la domination totale et la terreur, dans lequel ne reste rien de la démocratie. Cette complexité, Enzo Traverso, l'a bien mise à jour dans son livre Le totalitarisme, le XXe siècle en débats, en 2001, ce qui témoigne de la permanence du débat.

Alors, où situer le communisme, entre démocratie et totalitarisme ?

Cette question reste d'actualité, puisque l'idée communiste continue d'être revendiquée. Et perdurent des régimes érigés en son nom. Il est significatif que tous les régimes communistes actuels se définissent comme démocratiques, en dépit de leur mode de pratique réel. La Corée du Nord, par exemple, porte le nom « La République populaire démocratique de Corée ». S’impose donc une nécessité de porter un regard – ou plutôt des regards croisés de différentes disciplines – sur ce phénomène complexe, de son passé à son futur, pour en améliorer la compréhension.

 

La complexité communiste peut être examinée sous les trois aspects suivants, qui ne prétendent pas par ailleurs à l'exhaustivité des approches :

En quoi le communisme se définit-il comme démocratique ? L’aspect utopique de l’idéologie marxiste et le caractère mensonger de la propagande communiste ont été abondamment discutés. Cependant, une certitude comme celle du révolutionnaire Trotski – selon laquelle la dictature du prolétariat doit être l’épanouissement suprême de la démocratie ouvrière – ainsi que l’existence des soviets prouvent que parfois, entre l’illusion, l’utopie, le mensonge et le réel, il n’existe pas une séparation totale ou une frontière claire. Réexaminer cette question à l’heure actuelle est une exigence de la pensée politique, nécessaire pour comprendre sur quelles bases le communisme se définit comme démocratique, comment l’utopie démocratique du communisme a été possible, chez Marx, chez certains penseurs marxistes (Althusser, Mandel) et chez certains hommes d’action marxistes (Trotski, Ho Chi Minh). Le totalitarisme est-il la forme la plus radicale de la pratique communiste, laquelle n’existerait que sous Staline, comme Hannah Arendt l’a pensé, ou bien cette forme serait-elle toujours d'actualité, bien que nuancée ? La controverse autour de la définition des régimes totalitaires affiche la complexité de ce phénomène politique sur lequel rien n'est encore tranché : le totalitarisme communiste commence-t-il avec Lénine, selon la thèse proposée par Stéphane Courtois ? L'Union soviétique post-stalinienne et le bloc de l’Europe de l’Est peuvent-ils être qualifiés de totalitaires comme dans la conception de Vaclav Havel ? Ou faut-il remettre en question ce cadre même de pensée, comme l'ont proposé Moshé Lewin ou encore Marc Ferro, en décentrant la question politique et notamment la lecture totalitaire, pour écrire une histoire sociale de l'Union soviétique ? Le potentiel du concept « totalitarisme » pour discuter le phénomène communiste est-il épuisé ou conserve-t-il sa pertinence pour les sciences sociales ? Du passé au présent, les interrogations restent les mêmes. À quel type de régime rattacher les communismes actuels : la dictature à parti unique, l’autoritarisme, le néo-autoritarisme ou encore le totalitarisme… ? Et comment définir les régimes de la Corée du Nord, de la Chine ou du Viet Nam ? Dans la lignée de l’œuvre de H. Arendt sur la nature du totalitarisme, est-il possible de saisir la nature des régimes politiques de ces pays ? Comment les situer face à l'héritage de l'expérience historique soviétique ? Et comment penser les complexités sociales sous régime communiste (emprise du régime sur la vie privée, marginalité, dissidence, etc.) ? Comment les sciences sociales et l'Université ont-elles reçu et interprété, de la Guerre froide à nos jours, ces régimes politiques et leurs différents phénomènes sociaux ?

 

Cette journée d’études s’inscrit dans une approche pluridisciplinaire (philosophie, histoire, science politique, sociologie, anthropologie, civilisation, géographie, littérature, études cinématographiques, etc.) et s’adresse à des doctorants, de jeunes chercheurs, des chercheurs confirmés, ainsi qu'à des témoins variés, afin de proposer une réflexion sur l'expérience communiste.

Les propositions en français (env. 300 mots) et une courte biographie sont à envoyer avant le 26 février 2018 à l’adresse suivante : situerlecommunisme@gmail.com. Les réponses aux auteurs seront communiquées pour le 12 mars. La participation à la journée d'études est gratuite. Les éventuels frais de transports et d'hébergement ne pourront pas être pris en charge par les organisateurs.

 

Comité d’organisation : Sandra DOMINIQUE (Université Paris Diderot, ED 382, ICT), Thi Tu Huy NGUYEN (Université Paris Diderot, ED 382, LCSP), Nataliya YATSENKO (Université Paris Diderot, ED 382, ICT).