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Penser le roman francophone contemporain (Paris)

Penser le roman francophone contemporain (Paris)

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Florian Alix)

Penser le roman francophone contemporain

Colloque International

Université Paris-Sorbonne / Université de Montréal

16-17-18 novembre 2017

 

A partir de la théorie bakhtinienne (1993), on peut définir le roman comme une chambre d’échos, une caisse de résonnances, qui laisse entendre les différents discours sociaux qui environnent son auteur ; ou plutôt il est un espace de jeu pour l’écrivain qui orchestre la symphonie de ces discours pour s’en jouer ou s’en défier. Le roman francophone, dès lors, doit-il se comprendre comme ce fameux miroir que le narrateur stendhalien promène le long du chemin ? Justement, toute la question semble bien résider dans le chemin pour le roman francophone.

Tout d’abord, l’écrivain francophone a été fréquemment défini par son identité interculturelle (Talahite-Moodley, 2007) ou par sa poétique interlinguistique (Gauvin, 2004) : en d’autres termes, le miroir suit un chemin qui part d’un espace culturel pour aller vers un autre, d’un horizon linguistique vers un autre. Ce questionnement s’impose d’autant plus dans des littératures francophones contemporaines qui semblent se détourner d’une inscription au sein d’une culture nationale au profit d’une insertion dans une « république mondiale des lettres » dont les écrivains se jouent des codes. Du manifeste de 2007 pour une « Littérature-Monde en français » aux récentes tentatives de penser la littérature en dehors des cadres nationaux (McDonald et Suleiman, 2014), en passant par les trajectoires singulières de Dany Laferrière, Wajdi Mouawad, Max Lobe, Leïla Slimani et bien d’autres, le roman francophone se fait moins le reflet d’une société et d’une culture qu’un jeu sur les codes des différents horizons culturels, qu’une reconfiguration de la littérature par la création d’un écrivain. De ce fait, le plurilinguisme bakhtinien ne peut se penser qu’à travers la réfraction de plus en plus assumé de la fiction : plutôt que de refléter le chemin d’une société, le roman propose de faire entrer son lecteur dans une galerie des glaces où le réel est convoqué en mobilisant les images du monde que convoie la littérature.

Cela conduit à adopter une perspective plus globalisante, à prendre en compte dans un même geste critique les différentes « aires » de la francophonie, mais aussi ses « singularités » – pour emprunter le terme de Robert Jouanny. Le roman francophone contemporain se fait sans doute de moins en moins la défense et illustration d’une culture « autre », d’un écart par rapport à une norme littéraire hexagonale, et de plus en plus l’exploration d’une poétique et d’une littérature transformée en un espace réflexif et imaginaire.

Pour ce faire, les romanciers francophones usent de diverses stratégies d’écriture qu’il s’agirait d’examiner, dans une démarche singularisante (puisque le trajet de chaque romancier est original) et comparative (cherchant des traits communs à diverses propositions au sein des espaces francophones ou des tendances générales au sein d’une même aire). Ainsi, par exemple, le minimalisme, qui concerne les littératures belges ou québécoises (Przychodzen, 2014), pourrait trouver des équivalents dans les littératures maghrébine ou subsaharienne. Le jeu sur les frontières entre fiction et réalité qui semble bien un trait saillant des littératures contemporaines pourrait être transcrit dans le roman francophone. De même, on pourrait réinterroger l’évolution de certaines thématiques récurrentes dans les littératures francophones (la question de l’identité, le rapport à l’histoire, l’appropriation de la langue…) ou les nouvelles tendances poétiques et esthétiques.

Il faudrait aussi s’intéresser au profil actuel du genre. Hier, les littératures francophones ont souvent eu tendance à le pousser au bout de ses frontières : vers le symbolisme chez un Rodenbach ; vers la versification chez un Réjean Ducharme ; vers le théâtre chez un Mohammed Khaïr-Eddine. Qu’en est-il aujourd’hui ? Il est parfois fondu avec l’essai comme dans les romans « afropéens » de Léonora Miano, les romans d’Edouard Glissant ou les récentes parutions de Dany Laferrière ? Il entre en tension avec le documentaire dans les romans historiques d’Abdelkader Djemaï, de Tierno Monenembo ou d’Anna Moï. Les romanciers francophones étendent le domaine de la littérature au roman d’espionnage (chez Dominique Eddé, Nicolas Dickner ou Abdourahman Waberi), au thriller (chez Wajdi Mouawad ou Alain Mabanckou), à la littérature de jeunesse (Véronique Tadjo, Gisèle Pineau ou Maryse Condé), ou au roman graphique, voire la bande dessinée.

Si le roman francophone s’écrit en jouant sans cesse avec ses frontières, en les dépassant et en reconfigurant son territoire, il faut aussi tenir compte de la dimension réflexive que les écrivains lui donnent souvent. Le roman francophone peut construire des personnages d’écrivains pour, dans un geste qui confine à l’autofiction, interroger l’écriture elle-même – ce que l’on peut voir dans de nombreux ouvrages de Xavier Hanotte, Brina Svit ou Linda Lê. Ou bien le roman francophone procède d’un jeu d’intertextualité qui vise à mettre en scène la littérature elle-même, ce que l’on voit à l’œuvre dans des œuvres aussi différentes que L’Empreinte à Crusoë de Patrick Chamoiseau ou Monsieur et Madame Rivaz de Catherine Lovey.

Le colloque aura lieu les 16-17-18 novembre 2017 à l’Université Paris-Sorbonne. Les propositions de communication de 350 mots accompagnées d’une brève notice biobibliographique devront être envoyées à Lise Gauvin (lise.gauvin@umontreal.ca), Romuald Fonkoua (rfonkoua_2@hotmail.fr) et Florian Alix (florianalix@hotmail.fr) avant le 28 février 2017.

 

Axes de recherches suggérés :

  • La reconfiguration des champs littéraires francophones. Vers la fin des littératures nationales ?
  • Trajectoires singulières de romanciers francophones.
  • Les grandes tendances du roman francophone. Des traits régionaux ou globaux ?
  • Roman francophone et société : le roman comme fiction de la société ou comme société de la fiction.
  • Le roman dans la poétique des genres : le roman et les genres intercalaires.
  • Le roman et le travail de ses sous-genres : roman policier, fantastique, d’espionnage, de jeunesse… Effet de poétique interne ou diversification du lectorat ?

Bibliographie indicative :

  • Ali Tumi Abbassi, Littératures tunisiennes : vers le renouvellement, Paris, L’Harmattan, 2006
  • Susan Bainbridge, Joy Charnley et Caroline Verdier, Identité et altérité dans les espaces francophones européens, New York, Peter Lang, 2010
  • Mikhaïl Bakhtine, Esthétique et théorie du roman (1978), Traduction de Daria Olivier, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1993
  • Jean-Pierre Bertrand et Lise Gauvin (dir.) Littératures mineures en langue majeure : Québec/Wallonie-Bruxelles, Bruxelles / Montréal, P.I.E.-Peter Lang, Presses de l'Université de Montréal, 2003
  • Charles Bonn, Lectures nouvelles du roman  algérien : essai d’autobiographie intellectuelle, Paris, Classiques Garnier, 2016
  • Elena Chiti, Touriya Fili-Tullon et Blandine Valfort (dir.), Ecrire l’inattendu. Les « Printemps arabes entre fiction et histoire, Louvain-la-neuve, 2015
  • Bernard de Meyer, Pierre Halen et Sylvère Mbondobari (dir.), Le Polar africain, Metz, Université de Lorraine, Centre de recherche Ecritures, 2013
  • Mbaye Diouf, Roman féminin contemporain : figurations et discours, Paris, L’Harmattan, 2014
  • Anne Douaire-Banny, Remembrances. La nation en question ou L’autre continent de la francophonie, Paris, Honoré Champion, 2014
  • Anne Douaire-Banny, Romuald Fonkoua et Sabrina Parent (dir.), Continent francophone, ELFe, n°4, décembre 2014
  • Romulad Fonkoua, Pierre Halen et Katarina Städtler (dir.), Les Champs littéraires africains, Paris, Karthala, 2001
  • Lise Gauvin, D’un monde l’autre : tracées des littératures francophones, Montréal, Mémoire d’encrier, 2013
  • Lise Gauvin, La Fabrique de la langue, Paris, Seuil, coll. « Points Essais », 2004
  • André Lamontagne, Le Roman québécois contemporain : les voix sous les mots, Québec, Fides, 2004
  • Christie McDonald et Susan Rubin Suleiman (dir.), French Global : une nouvelle perspective sur l’histoire littéraire (2010), Paris, Classiques Garnier, 2014
  • Nadève Ménard (dir.), Ecrits d’Haïti : perspectives sur la littérature haïtienne contemporaine, 1986-2006, Paris, Karthala, 2006
  • Christiane Ndiyae (dir.), Introduction aux littératures francophones, Presses de l’université de Montréal, 2004
  • Danielle Perrot-Corpet et Lise Gauvin (dir.), La Nation nommée roman : face aux histoires nationales, Paris, Classiques Garnier, 2011
  • Luc Pinhas (dir.), Situations de l’édition francophone d’enfance et de jeunesse, Paris, L’Harmattan, 2008
  • Janusz Przychodzen, De la simplicité comme mode d’emploi : le minimalisme en littérature québécoise, Québec, Presses de l’Université Laval, 2014
  • Najib Redouane (dir.), Francophonie littéraire du Sud, un divers singulier : Afrique, Maghreb, Antilles, Paris, L’Harmattan, 2006
  • Josias Semujanga, Dynamique des genres dans le roman africain : éléments de poétique transculturelle, Paris, L'Harmattan, 1999
  • Myriam Suchet, L’Imaginaire hétérolingue. Ce que nous apprennent les textes à la croisée des langues, Paris, Classiques Garnier, 2014
  • Anissa Talahite-Moodley (dir.), Problématiques identitaires et discours de l’exil dans les littératures francophones, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 2007
  • Judyta Zbierska-Moscicka, Lieux de vie, lieux de sens : le couple lieu-identité dans le roman  belge contemporain, Frankfurt am Main, Peter Lang, 2014
  • Muriel Zeender Berset, Ecrire entre les langues : littérature romande et identités plurielles, Genève, Slatkine, 2010
  • Khalid Zekri, Fictions du réel : modernité romanesque et écriture du réel au Maroc, 1990-2006, Paris, L’Harmattan, 2006