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Colloque : "Prophètes et voix prophétiques dans l’œuvre de Jean Giono" (Metz)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Danièle Henky)

Prophètes et voix prophétiques dans l’œuvre de Jean Giono

 

Colloque organisé par le Centre de recherche « Ecritures » EA 3943 - A l’Université de Metz

Avec le soutien du Centre de recherches « Configurations littéraires » EA 1337 - Université de Strasbourg

21 et 22 novembre 2019

 

PRÉSENTATION

Retrouver schémas, figures et parcours bibliques dans l’œuvre de Giono ne relève pas d’une imagination fantaisiste. En consultant une liste des œuvres complètes de Jean Giono, le lecteur ne peut manquer d’être interpelé par le nombre de titres qui évoquent la Bible ou des thèmes qui lui sont associés : Solitude de la pitié, Le Grand Troupeau, Le Chant du monde, Que ma joie demeure, Les Vraies Richesses, Le Poids du ciel, Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix, L’Eau vive, Noé, Fragments d’un Paradis, Fragments d’un Déluge, Les Ames fortes, Les Grands chemins, Recherche de la pureté... Les citations bibliques sont fréquentes dans les romans et certains prénoms des personnages sont droit venus de l’Ancien ou du Nouveau Testament.

Chacun sait, en outre, l’influence que le père de Giono, cordonnier piémontais et anarchisant qui faisait de la Bible son livre de chevet, a eue sur son fils. Giono en parle lui-même dans Jean le Bleu, son seul récit auto­biographique. Il le montre aussi nettement dans le Grand Théâtre écrit trente ans plus tard sur le thème de l’Apocalypse et dans lequel un père aux allures de prophète initie son fils aux secrets du monde, de la vie et de la mort en se servant de la Bible.

Pourtant Jean Giono n’hésitait pas à dire combien il était éloigné de toute forme de religion. Il l’a expliqué à Jean Carrière lorsque celui-ci l’a interviewé : « Je suis indifférent en matière de religion [...] Dès la première explication du catéchisme, c’était fermé, il y avait une espèce de chape de plomb qui m’environnait et j’étais intouchable. Je m’intéressais à des quantités de choses, j’écoutais l’écho de l’église, j’étais très touché par les grandes voûtes, j’étais prodigieusement intéressé par les lumières qui se jouaient dans les vitraux, j’entendais avec le plus grand appareil romanesque le bruit des pas qui se répercutait dans les cours de l’église, tout cela me touchait, mais dès qu’on me parlait de Dieu et de la religion, c’était fini, il n'y avait plus aucun contact[1]. »

L’écrivain a néanmoins toute sa vie entretenu avec la Bible un rapport complexe. De nombreux chercheurs se sont intéressés à cet aspect de l’œuvre du romancier. L’un d’entre eux, Llewelyn Brown y a consacré en 1989 sa thèse intitulée Giono et la Bible : intertextualité et imaginaire. L’auteur observe comment les motifs, les thèmes et les personnages bibliques indéniablement présents dans l’œuvre de Giono subissent des transformations importantes lorsqu’ils sont transposés dans l’univers romanesque. Il précise aussi  qu’au cours de ses recherches il a trouvé dans la bibliothèque de l’écrivain six Bibles dont plusieurs largement annotées de sa main ainsi que soixante-dix ouvrages de philosophie et d’histoire de la religion, des commentaires bibliques, des livres consacrés à la vie des saints etc...

Enfin, il aborde le rôle de « prophète » qui a été attribué à l’écrivain de 1935 à la guerre lorsqu’il dispensait sur le Plateau du Contadour, à des jeunes « non-violents », ses leçons sur le bonheur reprises  dans des écrits pacifistes dont l’aspect apologétique n’est plus à démontrer bien qu’il s’en soit défendu.

Giono prédicateur et prophète, dressé, plus encore que Bernanos, contre le monde moderne et ses robots contait les grandes légendes de l’Inde ou de la Grèce, le sommeil de Rama, les métamorphoses de Dyonisos et dénonçait avec flamme le régime de « l’agglomération et de la masse ». Vers 1930, écrit Henri Godard , « une voix nouvelle, différente de celle que l’on entend dans les romans, [...] s’élève peu à peu dans de courts essais, articles ou préfaces qu’il commence alors à écrire. Il faut, à travers la dispersion des recueils, reconstituer une chronologie serrée de ces publications pour ressentir le mouvement qui emporte irrésistiblement Giono de plus en plus haut dans les sphères du didactisme puis d’un quasi prophétisme. »

Dans la droite ligne des travaux entrepris par le « Centre Ecritures » de l’Université de Lorraine sur le thème : « la Voix prophétique entre parole et écriture », nous avons souhaité nous interroger sur la place occupée par la figure du prophète et de la prophétie au sens biblique du terme dans l’œuvre de Jean Giono. Littérature et prophétie entretiennent un lien complexe : il s’agit de deux sphères différentes, ne répondant apparemment pas aux mêmes enjeux.

On peut considérer cependant que l’écrivain à l’instar du prophète interpelle son contemporain, cherche à peser sur les événements ou, à tout le moins, transmet fidèlement messages et avertissements qui lui sont confiés. Pour être comprise dans toutes ses dimensions la littérature à visée prophétique doit être envisagée à l’aune des contextes idéologiques et de la position de l’écrivain. Elle peut aussi être mesurée aux textes-sources  afin d’appréhender les transformations effectuées à partir de cet hypotexte.

 

AXES

On se pourra se demander, par exemple, en envisageant sous cet angle les ouvrages de Jean Giono qui s’y prêtent, sans que la liste des questions soit exhaustive :

- Quelles sont les figures de prophètes identifiables dans les textes gioniens ? Ont-elles évolué au fil des ouvrages, notamment après la Deuxième Guerre mondiale ?  

- Quelles sont les marques stylistiques du discours prophétique dans l’œuvre de Giono ?

- Comment Giono s’empare-t-il des motifs bibliques pour dispenser, de manière plus discrète que dans les écrits polémiques, une vision qui ressort de la prophétie au sens de « révélation » ?

- Quels messages et voix prophétiques se font entendre dans les œuvres de Giono ?

- Quelles lectures en sont faites par les contemporains de Giono en France et à l’étranger ? Quelles interprétations sont privilégiées aujourd’hui ?

- Quelles lectures critiques ont été proposées de ce prophétisme ?

- Quels ouvrages ont pu être récupérés, détournés de leur sens, mis au service d’une cause bien différente de celle que semblait avoir voulu défendre son auteur ?

Etc.

 

COMMUNICATIONS

Les propositions de communication (titre, court résumé et brève biobibliographie) sont à envoyer pour le 1er février 2019  dernier délai à :

Danièle Henky - EA 1337 « Configurations littéraires / Université de Strasbourg

Dominique Ranaivoson - EA 3943 « Ecritures » / Université de Lorraine

Une réponse sera adressée le 15 mars 2019 après lecture des propositions par le comité scientifique.

Comité Scientifique :

Llewellyn Brown, Professeur agrégé de Lettres moder­nes, Lycée inter­na­tio­nal de Saint-Germain-en-Laye (France). Membre du Comité éditorial de lettres modernes-Minard.

Elena di Pede, Professeur de théologie, centre de recherches « Ecritures », EA 3943, Université de Lorraine (France).

Pierre Halen, Professeur en littérature comparée, centre de recherches « Ecritures », EA 3943, Université de Lorraine (France).

Danièle Henky, MCF HDR en langue et littérature françaises, centre de recherches « Configurations littéraires », EA 1337, Université de Strasbourg (France).

François Nault, Professeur de théologie, Faculté de théologie et de sciences religieuses, Université Laval (Québec).

Luís Carlos Pimenta Gonçalves, MCF en littérature générale et comparée à l’Universidade Aberta (Portugal) et chercheur à l’Instituto de Estudos de Literatura e Tradição (IELT).

Dominique Ranoivoson, MCF HDR en littérature comparée, centre de recherches « Ecritures », EA 3943, Université de Lorraine (France).

Isacco Turina, enseignant-chercheur en sociologie, Université de Bologne (Italie)

 

NOTES

[1] Jean Carrière, Jean Giono, Besançon, La Manufacture, 1991, p.109-110.