Actualité
Appels à contributions
Représentations de la nature à l’Âge de l’Anthropocene (Lyon)

Représentations de la nature à l’Âge de l’Anthropocene (Lyon)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Organisateur)

Représentations de la nature à l’Âge de l’Anthropocene

Colloque international organisé par l’Université Jean Moulin (Lyon 3) et l’Institut d’Études Transtextuelles et Transculturelles (IETT), 22 et 23 mars 2018

Ce colloque sera consacré au sort de l’idée de nature à l’âge de l’Anthropocène, du dérèglement climatique et de la bio-ingénierie. Les multiples bouleversements provoqués par « la guerre mondiale » de l’espèce humaine contre la nature (Michel Serres) ont contribué à réorienter le débat autour du sens de l’idée de nature (jusqu’à poser la question de son existence même). Il convient donc d’interroger cette idée à la lumière des défis environnementaux du XXIème siècle et des profonds bouleversements techniques, médicaux, génétiques et culturels que promet l’avenir proche.

L’héritage intellectuel de la révolution scientifique du XVIIème siècle, qui a engendré la modernité dans laquelle nous vivons, agissons et pensons encore, constitue le point de départ de nombreuses réflexions contemporaines autour de l’idée de nature. L’œuvre philosophique de René Descartes, qui enjoignait l’homme moderne de s’imposer « comme maître et possesseur de la nature », éclaire aujourd’hui les réussites et les impasses de notre odyssée technicienne. Certes, le grand projet de maîtrise du vivant et le désenchantement radical du monde qui l’accompagne ont permis des réalisations technoscientifiques prodigieuses et une amélioration sans précédent du sort matériel de milliards d’humains. Mais ils sont aussi à l’origine de dévastations environnementales tout aussi gigantesques dont le dérèglement climatique et la sixième grande extinction en cours ne sont que les manifestations les plus spectaculaires.

Le constat désemparé des destructions environnementales a conduit nombre d’environnementalistes, d’écrivains de la nature et de philosophes de l’environnement à plaider pour une définition nouvelle du lien entre l’espèce humaine et le reste du vivant à la faveur d’une sortie de la modernité (J. Baird Callicott). De ce point de vue, la science et ses applications techniques sont d’une très grande importance mais ne peuvent venir qu’à l’appui d’une vision rénovée de la relation moralement souhaitable entre l’espèce humaine et le reste du vivant. Pourtant, de nombreuses tendances contemporaines, aussi séduisantes qu’inquiétantes, semblent vouées à subvertir le réquisitoire environnementaliste contre l’hybris moderne et la recherche d’une croissance infinie dans un monde fini. Les progrès foudroyants de la bio-ingénierie, l’apport décisif des techno-libertariens de la Silicon Valley à la transition énergétique et les promesses transhumanistes, bien loin de chercher à inscrire l’expérience humaine dans les limites que lui impose la nature, semblent marquer la poursuite du projet cartésien de maîtrise de la nature par d’autres moyens.

L’objet principal de ce colloque est par conséquent de réfléchir à l’idée de nature dans le contexte du XXIème siècle ainsi qu’à la question de la responsabilité humaine dans le devenir de la biodiversité, et celle du traitement animal et des limites d’un ethos humaniste hérité des Lumières (transhumanisme et posthumanisme). Le développement de nouveaux champs disciplinaires, que l’on pense à l’écocritique (ecocriticism), à la zoopoétique (zoopoetics), ou encore à l’écopoétique (ecopoetics), aux études vertes (green studies) et aux études animales (animal studies), ont achevé de renouveler les notions et les concepts afin de penser les enjeux et les défis qui se posent de façon toujours plus pressante (Laurence Buell, Writing for an Endangered World).

Sommes-nous en passe d’entrer dans une ère des limites, comme nombre d’environnementalistes le répètent ? Ou nous apprêtons-nous plutôt à franchir de nouvelles limites en brouillant encore davantage des distinctions longtemps établies, entre l’espèce humaine et la nature, entre l’artificiel et le naturel, le masculin et le féminin, le sacré et le profane ? Il s’agira de déterminer si, au moment où les activités humaines modifient le climat planétaire et où des manipulations génétiques encore récemment impensables pourront bientôt être démocratisées, il est encore possible de demander à l’être humain qu’il ne parte plus « à la conquête de la communauté du vivant » mais qu’il devienne plutôt « membre et citoyen » de celle-ci (Aldo Leopold). Ou nous faut-il admettre, avec Yuval Harari, que le grand projet de la révolution scientifique n’en est qu’à ses débuts ?

Ce colloque aura une vocation transdisciplinaire et convoquera un large éventail d’angles analytiques (historique, artistique, littéraire, politique, esthétique, éthique…). Ainsi, il semble nécessaire d’analyser la façon dont les différents bouleversements évoqués ont transformé les représentations de la nature en littérature, en art et en cinéma et, réciproquement, comment ces représentations transforment à leur tour notre imaginaire et notre rapport à la nature. Aujourd’hui, pour parler d'une nature sans hommes, de nombreux écrivains et cinéastes ont recours au schème post-apocalyptique ou préhistorique qui témoigne du désir de raconter des histoires qui se déroulent avant ou après l'humanité. À ce titre, on peut se demander en quoi la fiction est un dispositif indispensable. D’autres cherchent à « ré-enchanter » le monde par le biais d’une poétique débarrassée de tout élan dominateur ou colonial, mais une telle entreprise ne risque-t-elle pas de re-sacraliser la nature, ce que l’on reproche souvent à une certaine tradition romantique ?

     Nous invitons les participants à aborder les problématiques suivantes :

  • - Dialectique modernité/postmodernité : sommes nous en train d’assister à une sortie de la modernité ou à un approfondissement de celle-ci ?
  • - Quelles restrictions éthiques convient-il d’appliquer à la recherche scientifique et à ses réalisations techniques, dans les domaines de la bio-ingénierie et de la géo-ingénierie par exemple ?
  • - Tension entre le discours des limites et l’utopie technicienne : le discours environnementaliste est-il une sorte de conservatisme ?
  • - Humanisme/transhumanisme/posthumanisme : question de l’humanité augmentée et de l’ « amélioration du vivant ».
  • - Désenchantement et ré-enchantement du monde : dans quelle mesure la nature doit-elle ou peut-elle encore être sacralisée (Dwellings of Enchantment: Writing and Re-enchanting the World, colloque de Perpignan organisé par Bénédicte Meillon, juin 2016)?
  • - Puisque la notion d’écocritique s’est à l’origine développée au sein d’une tradition essentiellement réaliste et ce afin de remettre la relation du texte au monde au cœur de l’épistémologie littéraire (contre l’idée qu’ « il n’y a pas de hors-texte » dans la déconstruction), quelle peut ou doit être la place de la fiction littéraire et cinématographique dans l’écocritique ?
  • - Est-il possible d’articuler une représentation de l'animal en tant qu'animal, vidée de toute projection symbolique ou allégorique ? La question de la représentation d’une « agentialité » (agency) animale peut-elle échapper au logocentrisme et à l’anthropocentrisme de nombreuses productions littéraires ou cinématographiques (fables, littérature de jeunesse, contes, dessins animés) ? Comment dire l’autre sans parler à sa place, comment le faire parler sans lui assigner un langage qui n’est pas le sien (Anne Simon) ?
  • - Mise en scène des catastrophes environnementales au cinéma ainsi que leurs parodies : redéfinition du genre de la science fiction, passage d’une nature victime à une planète qui riposte.
  • - Remise en cause du projet cartésien de maîtrise de la nature dans de nombreux récits contemporains (récurrence et multiplication des récits de la décolonisation, formes d'anti-robinsonnades qui critiquent idéologie de l'homme blanc dominateur, maître et possesseur de la nature et de l' « autre »).
  • - Rôle de la littérature dans la prise de conscience environnementale : littérature d’un monde en sursis cherchant à provoquer un sursaut chez le lecteur. Se posent alors les questions de la compassion, de l’empathie, de la culpabilité et leurs limites.
  • - Art végétal, architecture et végétalisation, arts numériques et question de la nature.

Le colloque aura lieu les 22 et 23 mars 2018 et se déroulera en anglais et en français. Les propositions de communication (environ 300 à 400 mots) sont à envoyer avec une brève notice biographique avant le 30 octobre 2017, à Jean-Daniel Collomb (jean-daniel.collomb@univ-lyon3.fr) et Pierre-Antoine Pellerin (pierre-antoine.pellerin@univ-lyon3.fr).

 

Comité Scientifique :

J. Baird Callicott (University of North Texas), Augustin Berque (EHESS), Elsa Devienne (Université Paris-Ouest Nanterre La Défense), François Duban (Université de La Réunion), Yves Figueiredo (Université Paris-Sorbonne), Wendy Harding (Université de Toulouse), Bénédicte Meillon (Université de Perpignan), Thomas Pughe (Université d’Orléans), Anne Simon (CNRS / EHESS), François Specq (ENS).