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Traducteurs et interprètes face aux défis sociaux et politiques: la neutralité en question (Paris)

Traducteurs et interprètes face aux défis sociaux et politiques: la neutralité en question (Paris)

Publié le par Philippe Robichaud (Source : Isabelle Collombat)

Colloque du 60e anniversaire de fondation de l’École supérieure d’interprètes et de traducteurs (ESIT)

Vendredi 27 octobre 2017

. ESIT, Sorbonne Nouvelle - Paris 3
. Laboratoire CLESTHIA - Langage, systèmes, discours - EA 7345

(An English version follows)

Appel à communications/Call for papers:

Traducteurs et interprètes face aux défis sociaux et politiques : la neutralité en question

Si « la traduction est un mode d’engagement » (Gambier 2003 : 20), on peut se demander quelles sont les responsabilités qu’impliquent le travail des traducteurs et interprètes et les éventuels conflits moraux qui en découlent. Autrement dit, y aurait-t-il des limites à la neutralité de ces acteurs de la communication interculturelle ?

Longtemps prédominant en traductologie, le paradigme de la neutralité a commencé à être remis en question dans les années 1990, lorsque certains auteurs (dont Venuti 1995 et Metzger 1999) ont « reconnu qu’il ne peut y avoir de transfert de connaissances d’une langue et d’une culture à l’autre sans subjectivité » (Boéri 2014 : 19). Ce tournant épistémologique soulève des questions d’ordre éthique quant à l’idéologie des traducteurs et interprètes, leur intervention, leur pouvoir, leur engagement. Se pose alors la question de la tension entre leur investissement dans la médiation et la perception que les usagers ont de leur neutralité, par exemple dans le contexte de la santé des personnes migrantes (Singy 2003 : 144-145).

Lorsqu’il est question d’éthique en traductologie, d’aucuns choisissent d’aborder le sujet sous l’angle de la déontologie ou des règles de pratique professionnelle, ce qui les amène à une réflexion portant par exemple sur les stratégies traductionnelles ou le contexte d’exercice. Chez d’autres, ce sujet suscite des interrogations axées plutôt sur le choix, l’obligation ou le droit de traduire ou d’interpréter (Basalamah 2004), de même que sur les conséquences de ce choix : est-il toujours opportun de traduire ou d’interpréter ? Quels sont les éléments qui pèsent dans la balance lorsqu’il faut décider de l’opportunité de traduire ou d’interpréter ?

Ce constat vaut-il pour l’interprète, quel que soit le contexte dans lequel il intervient ? Quelle pourrait être l'attitude de l'interprète lorsqu'il est radicalement opposé au discours de l'orateur ? Doit-il garder une objectivité à toute épreuve ? Jusqu’où la transparence et la neutralité de l’acte d’interpréter peuvent-ils constituer l’« idéal » à atteindre, quand bien même l’invisibilité de l’interprète serait une chimère (Angelelli 2003) ?

Force est de constater que la fonction de « garant du dialogue » de l’interprète et du traducteur ne peut s'appliquer de façon universelle, et encore moins là où ils sont le plus nécessaires, par exemple en cas de crise diplomatique ou humanitaire, ou en cas de conflit armé. En effet, traducteurs et interprètes peuvent aussi, consciemment ou non, contribuer à la manipulation des récits et du message. Nous nous pencherons ainsi sur la nature et la portée de la subjectivité à l’œuvre dans les processus de traduction écrite, orale et signée.

De fait, la question qui se pose désormais aux traducteurs et interprètes et, au-delà, aux écoles de traduction, est la suivante : faut-il se cantonner à un rôle de médiateur neutre ou nous incombe-t-il d’intégrer la réalité du monde dans nos réflexions professionnelles et considérer que nous agissons sur le monde autant que le monde agit sur nous ? Autrement dit, notre position par rapport à la question de la neutralité implique-t-elle un changement dans notre perception des mandats de traduction ou d’interprétation ?

Dans cette perspective, nous nous proposons d’inscrire notre réflexion dans les axes suivants, sans exclusivité :

  • Derrière les différents modes d’interprétation ou de traduction et les cadres de pratique, quels effets et dimensions sociales sont méconnus, ignorés, niés ?
  • Quel est le rôle de l’interprète et du traducteur en tant qu’agent de préservation du patrimoine linguistique, notamment des langues autochtones menacées, des langues minoritaires ou des langues de faible diffusion ?
  • Pourquoi, pour qui et dans quelles conditions l'interprétation et la traduction sont-elles possibles ?
  • Comment les traducteurs et les interprètes passent-ils du rôle de médiation des différences à celui de médiation des différends ?
  • Quels enjeux politiques des textes à traduire sont-ils à l’œuvre, notamment au regard des divergences d’expression liées aux combinaisons linguistiques ?
  • Comment le traducteur et l’interprète naviguent-ils entre compréhension et reformulation ? Quelle position peuvent-ils adopter entre la subjectivité, au risque de la manipulation du discours, et la fidélité au sens à toute épreuve ?

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Translators and Interpreters Confronted with Social and Political Challenges: The Issue of Neutrality

If we consider translation a type of activism (Gambier 2003: 20), it is only natural to wonder about its impact on the professional responsibilities of translators and interpreters, and the possible moral conflicts that could arise. Put another way, what are the limits on the neutrality of these agents of intercultural communication?

Although the neutrality paradigm has long dominated Translation Studies, researchers started to question it in the 1990s when authors such as Venuti (1995) and Metzger (1999) recognized that subjectivity played a role in all knowledge transfer between languages and cultures (Boéri 2014:19). The epistemological turn has raised ethical questions concerning translator and interpreter ideology, intervention, power, and activism. What results is tension between translator and interpreter investment in mediation and the perception that users have of mediator neutrality, for example in the area of migrant health translation (Singy 2003: 144-145).

When dealing with ethics in Translation Studies, some choose to approach the subject from the standpoint of a code of conduct or professional practice, which leads them to a reflection on, for example, translation strategies and practice settings. For others, the topic raises issues of choice, obligation and the right to translation or interpretation (Basalamah 2004), as well as the consequences of decisions. For example, is it always appropriate to translate or interpret? What hangs in the balance when deciding whether to translate or interpret?

Do these questions concern interpreters no matter the context in which they work? For example, are they entitled to feel morally conflicted, if you will, when they are totally opposed to what the speaker is saying? Or must they always remain objective no matter what? To what point can the transparency and neutrality of the act of interpreting constitute the “ideal” to strive for, if we accept that interpreter invisibility is merely an illusion (Angelelli 2003)?

We must acknowledge that the interpreter and translator function of “guardian of dialogue” cannot be applied universally and even less so where it is most needed, i.e. in cases of armed conflict. Indeed, translators and interpreters can, consciously or unconsciously, contribute to textual and discursive manipulation. We invite participants to use this conference as a forum to examine the nature and scope of subjectivity at play in written, oral and signed translation processes.

Indeed the question that translators and interpreters as well as translation schools must now ask themselves is the following: must we as professionals confine ourselves to a role of neutral mediator, or, on the contrary, is it imperative to include references to the real world in our professional reflections, while keeping in mind that we act on the world as much as the world acts on us? In other words, does our position on the issue of neutrality require a change in our perception of the mission of translation and interpreting?

We propose the following themes around which thoughts can be articulated, but not limited to:

  • Behind different types of interpretation or translation, as well as practice settings, what effects and social dimensions are misunderstood, overlooked or denied?
  • What is the role of the interpreter and translator as an agent working for the protection and preservation of linguistic heritage (threatened aboriginal languages, minority or smaller languages)?
  • Why, for whom and under what conditions is it necessary to interpret or translate?
  • How do translators and interpreters move from mediating difference to mediating disputes?
  • What are the political issues raised by source-language texts, or factors related to language combinations and diverging expressions of represented viewpoints?
  • How do translators and interpreters move between understanding and reformulation and deal with subjectivity, with the risk of discourse manipulation?

Références/References:

Angelelli, Claudia V. (2003). « The Visible Collaborator: Interpreter Intervention in Doctor/Patient Encounters », dans Melanie Metzger et coll., From Topic Boundaries to Omission: New Research on Interpretation. Washington, D.C., Gallaudet University Press, p. 3-25

Baker, Mona (2006). Translation and Conflict: A Narrative Account. New York: Routledge       

Basalamah, Salah (2004). « Du droit à l’éthique du traducteur », dans TTR : traduction, terminologie, rédaction, vol. 17, n° 2, p. 67-88.                        

Boéri, Julie (2014). « Vers une approche communicationnelle de l’engagement : les récits des traducteurs-interprètes du réseau Babels dans le mouvement altermondialiste », Revue française des sciences de l’information et de la communication [Online], 5 | 2014, p. 1-20

Gambier, Yves (2003). « Les passeurs langagiers. Réflexion sur les défis de formation », dans La formation à la traduction professionnelle, Geneviève Mareschal et coll. (dir.). Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, p. 3-20

Metzger, Melanie (1999). Sign Language Interpreting. Deconstructing the Myth of Neutrality. Washington, Gallaudet University Press

Seleskovitch, Danica (1992). L'interprète dans les conférences internationales. Paris, Minard

Simon, Sherry (2005). Traduction engagée/Translation and Social Activism, numéro spécial de TTR (18/2)

Singy, Pascal (2003). « Santé et migration : Traduction idéale ou idéal de traduction ? », dans La linguistique 2003/1 (Vol. 39), p. 135-150

Venuti, Lawrence (1995). The Translator's Invisibility. A History of Translation. London and New York, Routledge, coll. « Translation Studies »

Tymoczko, Maria, dir. (2010). Translation, Resistance, Activism. Amherst: University of Massachusetts Press

 

Comité organisateur/Organizing Committee:

Tatiana Bodrova, ESIT, Sorbonne Nouvelle - Paris 3

Isabelle Collombat, ESIT, Sorbonne Nouvelle - Paris 3

Fayza El Qasem, ESIT, Sorbonne Nouvelle - Paris 3

Hiromi Hito, ESIT, Sorbonne Nouvelle - Paris 3

Susana Mauduit-Peix, ESIT, Sorbonne Nouvelle - Paris 3

Freddie Plassard, ESIT, Sorbonne Nouvelle - Paris 3

Sophie Pointurier, ESIT, Sorbonne Nouvelle - Paris 3

 

Comité scientifique/Scientific Committee :

Georges L. Bastin (Université de Montréal)

Jenny Brumme (Universitat Pompeu Fabra)

Isabelle Collombat (ESIT, Sorbonne Nouvelle - Paris 3)

Fayza El Qasem (ESIT, Sorbonne Nouvelle - Paris 3)

Nicolas Froeliger (Université Paris Diderot - Paris 7)

Daniel Gile, ESIT (Sorbonne Nouvelle - Paris 3)

Xuanmin Luo (Tsinghua University)

Denise Merkle (Université de Moncton)

Freddie Plassard, (ESIT, Sorbonne Nouvelle - Paris 3)

Sophie Pointurier, (ESIT, Sorbonne Nouvelle - Paris 3)

Nadine Rentel (Westsächsische Hochschule Zwickau - University of Applied Sciences Zwickau)

Reine Meylaerts (K. U. Leuven)

Myriam Salama-Carr (The University of Manchester)

 

Conférenciers invités/Guest Speakers:

Salah Basalamah, Université d’Ottawa

Mona Baker, University of Manchester

Michael Cronin, Dublin University

 

Les propositions de communication (300 mots) accompagnées d’une courte notice biographique (100 mots) sont à adresser au plus tard le 31 juillet 2017 à Fayza El Qasem (fayza.el-qasem@sorbonne-nouvelle.fr) et à Isabelle Collombat (isabelle.collombat@sorbonne-nouvelle.fr).

Proposals for papers (300 words), plus a short bio (100 words max), are to be sent by July 31, 2017 to Fayza El Qasem (fayza.el-qasem@sorbonne-nouvelle.fr) and Isabelle Collombat (isabelle.collombat@sorbonne-nouvelle.fr).