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Traverser le désastre, renverser l’insoutenable. Autour de l’œuvre de Yannick Haenel

Traverser le désastre, renverser l’insoutenable. Autour de l’œuvre de Yannick Haenel

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Corentin Lahouste)

APPEL À COMMUNICATONS

TRAVERSER LE DÉSASTRE, RENVERSER L'INSOUTENABLE. AUTOUR DE L'ŒUVRE DE YANNICK HAENEL (Université catholique de Louvain - 16-17 avril 2018)

 

C’est ainsi qu’on reprend vie, en écrivant des phrases, et que l’obstacle prend feu. On surmonte sa flaque de sang, on traverse sa propre mort. Le supplice se change en faveur. Une parole s’enclenche, elle vous illumine, et vous indique le chemin d’une existence nouvelle. [Le sens du calme, p. 130]

 

Yannick Haenel est un écrivain français né en 1967. Son premier roman, Les petits soldats, marqué par son expérience de vie dans le prytanée militaire de /La Flèche/ lors de son adolescence, est publié en 1996. À partir de 1997 et jusqu’à aujourd’hui, il codirige la revue Ligne de risque avec son ami, l’écrivain François Meyronnis, avec lequel il a également signé un essai intitulé Prélude à la délivrance (2009). La plupart de ses textes ont été publiés chez Gallimard, dans la collection « L’infini » dirigée par Philippe Sollers. C’est avec ses romans Cercle (2007), auréolé du prix Décembre et du prix Roger-Nimier, et Jan Karski (2009), qui a fait polémique, qu’il a connu un plus franc succès tant auprès de la critique qu’auprès du plus large public. Yannick Haenel est aussi chroniqueur pour le magazine de littérature et de cinéma Transfuge depuis 2010 et à Charlie Hebdo (chronique « Papier buvard »), depuis la reprise de la publication après les attentats de janvier 2015.

L’enjeu du colloque vise à creuser la richesse de cette œuvre, encore peu étudiée à l’Université, qui thématise notamment la puissance du poétique, dans la lignée de la perspective dressée par Antoine Emaz, c’est-à-dire « comme une révolte, un refus de l’invivable ou une affirmation de vivre, une persistance, envers et contre tout, de la volonté de tenir debout, de ne pas s’écraser ou être écrasé » [1]. Il s’agira dès lors de traverser l’ensemble de l’œuvre – en ce compris le travail de chroniqueur et de préfacier – à partir de l’élan ascensionnel qui la caractérise et qui vise à contrecarrer le pessimisme contemporain. À rebours d’œuvres telles que celles de Michel Houellebecq ou de Régis Jauffret, figures « d’un certain désespoir » qui « rican[ent] dans le désenchantement » (Cercle, p. 226) et qui font du temps présent un temps noir qui s’accomplit entre angoisses multiples et annonces de cataclysmes en tous genres, les textes de Haenel sont marqués par l’émerveillement et par une puissance vivifiante qui ressort notamment d’un rapport particulier à l’art et à la littérature desquels est tirée une énergie libératrice. Tous ses textes se présentent en ce sens comme des récits de renaissance, de relance d’une existence, de « déchirure » dans le quotidien, où l’expérience d’extase se révèle déterminante. C’est ainsi que Cercle débute par la phrase « C’est maintenant qu’il faut reprendre vie » et se clôt sur le mot le plus positif et engageant de la langue française : « OUI ».

Invitant à transpercer et dépasser le désastre, son œuvre ne nie pas les difficultés du temps présent, mais, plutôt que de s’y restreindre, elle engage vers un « retour des temps désirables », suivant le titre d’une de ses nouvelles publiée en 2016. Ainsi, lorsqu’il mobilise le motif du vide, c’est en tant que réservoir de potentialités, que lieu d’échappée, voire de volupté, qui est dès lors considéré comme une « chance » (Les Renards pâles), une « ivresse », un « royaume » (Le sens du calme). À l’allégation de Paul Valéry qui soutient que « nous nous trouvons engagés dès la naissance dans un drame politico-historique inextricable » [2], l’œuvre de Haenel oppose un refus de consentir au défaitisme et au nihilisme ambiant dont elle récuse les rhétoriques et les imaginaires. C’est donc autour du renversement de l’insoutenable – pour reprendre le titre de l’essai d’Yves Citton paru en 2012 [3] – que donne à penser l’œuvre de Haenel et de la dimension politique de ses écrits que nous souhaitons articuler la réflexion.

 

Les propositions de communication en lien avec le thème choisi pour le colloque pourront concerner un aspect ou un texte particulier de l’œuvre de Haenel ou proposer une approche transversale. Les propositions (titre et résumé, entre 300 et 500 mots), accompagnées d’une notice biobibliographique, sont attendues pour le vendredi 30 juin 2017 et doivent être transmises à Myriam Watthee-Delmotte (myriam.watthee@uclouvain.be) et à Corentin Lahouste (corentin.lahouste@uclouvain.be).

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[1] Emaz Antoine, « Pour tenter d’y voir un peu », dans Bonneville-Humann Béatrice et Humann Yves (dir.), L’inquiétude de l’esprit ou pourquoi la poésie en temps de crise ?, Nantes, Editions Nouvelles Cécile Defaut, 2014, p. 186.

[2] Valéry Paul, « Avant-propos » [1931], dans Regard sur le monde actuel et autres essais, Paris, Gallimard, 1988 (Folio essais), p. 18.

[3] Citton Yves, Renverser l’insoutenable, Paris, Le Seuil, 2012.