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Un nouveau site pour la revue Po&Sie

Un nouveau site pour la revue Po&Sie

Publié le par Université de Lausanne (Source : Martin Rueff)

Le samedi 20 octobre 2018, la revue PO&SIE a lancé son site en direct à la Maison de la poésie.

Il s'agissait de fêter les 40 ans de la revue en la tournant aussi vers l'avenir.

À l'enseigne po-et-sie.fr, les visiteuses et les visiteurs du site peuvent découvrir une archive stupéfiante : 40 ans de PO&SIE à portée de clic.

Plus de 130 numéros numérisés, des dizaines de milliers de pages, des connexions à établir, des recherches à personnaliser. La revue apparaît comme ce qu'elle est — une bibliothèque, une œuvre aussi. La revue qui n'a pas de ligne éditoriale mais affiche son éclectisme dévoile ainsi ses lignes : à la fois l'attachement coûte que coûte au poème, à la traduction, aux rapports de la poésie et de la poétique au sens trois fois élargie — élargie vers la philologie, vers la philosophie, vers la politique.

On ne pourra plus douter de la force de frappe de la revue - on pourra consulter des numéros très importants (le numéro 9 sur Celan, qui fit date, le numéro Mallarmé, les numéros spéciaux dirigés par Claude Mouchard — Japon, Corée, Afriques, ou par Martin Rueff — l'Italie).

On sera surpris de découvrir des traductions exceptionnelles de philosophes : Heidegger, mais aussi John Rawls, ou Robert Pippin. Ils côtoient des philosophes de langue française Jean-Luc Nancy ou Jacques Derrida.

On verra aussi l'attachement de la revue à la grande philologie européenne : Auerbach, Spitzer, Contini, Pötters, etc....

Les recherches sur le site peuvent se faire par années par numéros par auteurs, par traducteurs, mais aussi par termes et par motifs.

Mais on trouve également des contenus qui ne sont pas dans la revue : des chroniques, des suppléments inédits en ligne, des vidéos...

Alors que la revue sous sa version papier continue de plus (en plus) belle, son site offre aux visiteurs une « archi-revue »  et un ensemble de poèmes et de textes plus directement liés à la revue.

Accès au site…

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Extrait de l'allocution prononcée le 20 octobre à la Maison de la Poésie par Martin Rueff :

"De deux choses l’une – ou bien le site sera le double électronique de la revue papier et, dans le meilleur des cas, son archive sera un beau jardin qu’on visite à la recherche de ses merveilleuses essences, ou au pire un cimetière que l’on arpente pour rendre hommage, ou bien le site sera un développement de la revue, son extension, sa mise en œuvre, et osons le mot – la poésie de Po&sie continuée par d’autres moyens.

C’est cela que Michel Deguy a voulu, c’est cela que notre administrateur délégué du site a fait. Grâces leur soient rendues. J’ai pensé à la formule de Rousseau : il n'appartiendrait qu'à Dieu de le faire, et qu'au diable de le vouloir. Je ne départagerai pas les deux figures dans cette genèse. L’un et l’autre furent diable et dieu.

Chacune et chacun a donc été invité à réfléchir à ce qu’il pourrait faire, non du site, ce qui le regarde, mais pour le site, ce qui vous regarde.

Pour ma part, je suggérerais bien platement que le site est le lieu d’intervention de la revue. La revue est une brigade de stupéfaits – la revue sera l’espace d’interventions de la brigade des stupéfaits.

Il y a là une cohérence dont vous venez d’apercevoir la portée.

Si la revue Po&sie continue vaille que vaille, si elle tient, elle doit son énergie à une inquiétude sur le poème que Michel incarne et intime – la poésie c’est une grande affaire, pas seulement parce que c’est la saisie en langue de l’expérience intime – sa configuration effarouchée, mais parce que la saisie en langue de l’expérience intime est une affaire culturelle et politique. Cette double conviction fait de la revue une expérience décisive.

C’est donc à développer cette relation entre la poésie et l’actualité que le site se consacrera – peut-être faudrait-il – c’est à intensifier cette relation entre la poésie et l’actualité que la revue développe que le site se consacrera.

Actualité écologique – Michel le fait et nous enseigne à le faire, actualité artistique, Laurent le fait, actualité politique, avec quelle invraisemblable intensité, faite de la force de toutes ses fragilités, Claude le fait, mais Gisèle aussi, et Tiphaine, et Guillaume – cela s’appelle le comité.

Mais ne vous y trompez pas – la revue sur son site ne virera pas à l’opinion, elle ne répondra pas à l’époque – elle essaiera de questionner au contraire, avec ses moyens propres, ses outils, et, j’y insiste, moins par une espèce de plaidoyer pro domo que parce qu’il s’agit là d’un impératif de méthode – avec lenteur et méthode.

Permettez-moi de vous offrir à ce propos une citation – je la lis en vous soumettant au jeu de la devinette. Demandez-vous qui a écrit ce texte et quand :

Car la philologie est cet art vénérable qui, de ses admirateurs, exige avant tout une chose, se tenir à l’écart, prendre du temps, devenir silencieux, devenir lent, — un art d’orfèvrerie, et une maîtrise d’orfèvre dans la connaissance du mot, un art qui demande un travail subtil et délicat, et qui ne réalise rien s’il ne s’applique avec lenteur. Mais c’est justement à cause de cela qu’il est aujourd’hui plus nécessaire que jamais, justement par là qu’il charme et séduit le plus, au milieu d’un âge du « travail » : je veux dire de la précipitation, de la hâte indécente qui s’échauffe et qui veut vite « en finir » de toute chose, même d’un livre, fût-il ancien ou nouveau. — Cet art lui-même n’en finit pas facilement avec quoi que ce soit, il enseigne à bien lire, c’est-à-dire lentement, avec profondeur, égards et précautions, avec des arrière-pensées, des portes ouvertes, avec des doigts et des yeux délicats…

La précipitation, la hâte indécente qui s’échauffe et qui veut vite, qui veut tout vite : ce n’est pas le monde de 2018 qui était décrit dans ce texte – c’est le monde de 1881. Nietzsche a écrit ces lignes, dans la préface de Morgenröthe, Aurore.

Oui la philologie, c’est la lecture de près, la lecture lente, la lecture des traducteurs, la lecture des poètes ces stupéfaits opiniâtres.

Et ce que je voudrais faire moi, dans le site, c’est appliquer cet impératif d’attention lente à ce que j’aime et que je défends avec cœur et méthode de cœur : la poésie italienne.

Je tiendrai une chronique mensuelle – et je l’appellerai Spondée et c’est donc Spondée que je veux vous présenter aujourd’hui. En expliquant ce titre j’espère expliquer comment j’aborde le site avec méthode et cœur." — M.R.