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Voyager dans la modernité : des moyens techniques aux supports imprimés de l’aventure (Book Culture)

Voyager dans la modernité : des moyens techniques aux supports imprimés de l’aventure (Book Culture)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Mémoires du livre - Studies in Book Culture)

Appel de textes, Mémoires du livre-Studies in Book Culture, Volume 10, numéro 1, automne 2018

« Voyager dans la modernité : des moyens techniques aux supports imprimés de l’aventure »

Sous la direction de Mélodie Simard-Houde, docteure de l'Université Laval et de l'Université Paul-Valéry Montpellier 3

Au XIXe siècle, les modalités nouvelles du voyage deviennent l’un des multiples visages du progrès dans les sociétés occidentales. À l’âge d’or de la route succède, au mitan du siècle, celui du chemin de fer, et bientôt des bateaux à vapeur et des paquebots transatlantiques. Au XXe siècle, l’avion prend le relais de ce rêve de progrès, qui trouve un ultime prolongement dans la conquête spatiale. Les innovations techniques permettent de sillonner le monde autrement, d’en repousser les lointains; elles modifient les représentations de l’espace[1] et nourrissent l’utopie d’un rapprochement des peuples. Or, leurs échos sont sensibles dans l’histoire du livre, où la révolution industrielle suscite des mutations d’égale ampleur. De la presse mécanique à vapeur aux rotatives électriques, en passant par le développement des moyens de communication et des circuits de distribution, le monde de l’imprimé connaît des changements dont l’origine, bien souvent, emprunte aux mêmes techniques que celles qui propulsent désormais les voyageurs. Techniques parentes, donc, mais aussi motivations similaires, le livre se voulant, à l’instar du voyage qu’il médiatise, un outil de connaissance du monde.

À la croisée de cette double révolution technique, se situe l’histoire des imaginaires du voyage, de l’exploration et de l’aventure moderne[2]. C’est elle que ce numéro de Mémoires du livre / Studies in Book Culture se propose d’étudier, en invitant à la considérer dans son étroite relation avec l’histoire de la culture imprimée et des supports qui en assurent la diffusion, en modèlent les représentations et en déterminent les usages. Il s’agit d’interroger le rôle spécifique du livre et, plus largement, celui de l’imprimé, dans l’évolution des représentations et des sensibilités du voyage et de l’aventure modernes, permise par les techniques et la culture médiatique des XIXe-XXe siècles. Les propositions, en français ou en anglais, pourront notamment aborder les questions suivantes, au sein des cultures imprimées des Amériques, de l’Europe et de ses territoires coloniaux :

- L’histoire des genres du voyage et de l’aventure à la lumière de la poétique des supports : la littérature de voyage et d’aventure recouvre un spectre très diversifié de genres (récits de voyage, reportages, romans, correspondances, poésie, écrits à vocation utilitaire – guides, conseils aux voyageurs). Il en est de même des supports (volumes, périodiques spécialisés, imprimés distribués à bord des moyens de transport pour distraire les passagers, bandes dessinées…). En quoi l’entrée dans la culture médiatique module-t-elle conjointement les genres et les supports du récit de voyage et d’aventure? Les contraintes des supports et l’évolution des techniques (du voyage comme de la culture imprimée) sont-elles productrices de brouillages et de redéfinitions génériques? De quelles manières s’exprime l’évolution entraînée par la démocratisation simultanée des moyens de transport et de la lecture qui détermine, d’une part, une singularité de moins en moins exceptionnelle de l’expérience du voyageur et, d’autre part, la sérialité des supports de diffusion des récits de voyage, d’aventure et d’exploration en culture de masse? Les propositions portant, non pas sur de grands voyageurs des lettres, mais sur des séries et des ensembles éditoriaux (collections de guides et de récits de voyage, d’anthologies, de romans d’aventures exotiques, séries de fascicules, etc.) sont particulièrement encouragées. On pourra se demander en quoi ces ensembles font émerger des imaginaires spécifiques, des figures et des types sociaux (de l’écrivain-voyageur, de l’aventurier, du reporter, et de leurs pendants féminins).

- Les représentations des techniques du voyage et de l’exploration (navigation maritime, aérostatique, aérienne et spatiale; transport routier et ferroviaire). On pourra ici interroger le lien entre techniques et imaginaires du support : une réflexivité symbolique peut-elle être mise en relief entre, d’une part, le progrès des moyens de transport et de communication et, d’autre part, l’évolution des techniques de production, des supports et des formes du livre? La représentation des moyens modernes du voyage permet-elle aux producteurs culturels d’exprimer, de façon métaphorique, la modernité de leur écriture, du genre, de la poétique, du support qu’ils investissent? Existe-t-il des parentés symboliques entre la figure de l’écrivain et les figures (fictionnelles ou non) de l’explorateur et du pilote (capitaine, aéronaute, aviateur…)?

- Les circuits commerciaux, la circulation de l’imprimé, des voyageurs et des imaginaires : comment les circuits de diffusion du livre et des périodiques recoupent-ils les itinéraires des passeurs culturels, les premiers comme les seconds étant tributaires de l’histoire des moyens de transport? Du voyageur en déplacement, qui transcrit son aventure, au lecteur qui en prend connaissance, où, quand, à travers quelle série de médiations techniques et de supports s’élabore l’imprimé? Quelle place occupent l’imprimé et le livre à bord des moyens de transport? Comment ces écrits, souvent à vocation promotionnelle pour la ligne ou la compagnie qui les produit, s’insèrent-ils dans l’expérience du voyageur et parlent-ils de l’appréhension nouvelle de l’espace permise par le train, le paquebot ou l’avion? Comment la culture imprimée accompagne-t-elle le développement des circuits commerciaux du voyage, par ses réseaux de distribution (du colportage aux lieux de transit comme les kiosques de gare et d’aéroport)?

- Les usages, les conditions de production et de réception : dans la diversité de leurs supports, les récits de voyage, d’aventure et d’exploration sont susceptibles de répondre à des usages variés (ludiques, scientifiques, thérapeutiques, pédagogiques, touristiques, politiques, etc.). On pourra examiner ces usages au gré d’études de cas, en prenant soin de porter attention au rôle spécifique qu’y tient l’imaginaire des transports et des techniques. Par exemple, comment la représentation des moyens de transport, dans les collections de littérature d’exploration pour la jeunesse, doit-elle se négocier entre visées ludiques, pédagogiques, contraintes génériques et sérielles? Comment la littérature d’exploration, reposant sur une conquête de l’espace permise par l’évolution des transports, sert-elle la diffusion de la culture coloniale au sein des États impérialistes?

Les propositions d’article en français ou en anglais, comprenant un résumé d’environ 250 mots ainsi qu'une courte notice biographique, devront parvenir par courriel d’ici le 15 novembre 2017 à Mélodie Simard-Houde (melodie.houde@gmail.com). Après évaluation par le comité de rédaction, une réponse sera donnée début décembre. Les articles dont la proposition aura été acceptée seront à rendre le 1er mai 2018. Ils seront alors soumis, à l’aveugle, à l’évaluation par les pairs. La version définitive devra être envoyée au plus tard le 15 septembre 2018. Le numéro paraîtra à l’automne 2018.

[1] Christophe Studeny, L’invention de la vitesse. France, xviiie-xxe siècle, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des Histoires », 1995.

[2] Les travaux de Sylvain Venayre, à ce propos, sont incontournables : La gloire de l’aventure : genèse d’une mystique moderne 1840-1950, Paris, Aubier, 2002; et Panorama du voyage. 1780-1920, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Histoire », 2012.

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Call for Papers, Mémoires du livre-Studies in Book Culture, Volume 10, Number 1, Autumn 2018

« Adventure, from Technical Means to Print Media »

Under the direction of Mélodie Simard-Houde, Ph. D. (Université Laval and Université Paul-Valéry Montpellier 3)

Throughout the 19th century, new methods of travel became one of multiple signs of progress in western societies. The golden age of roads was followed in mid-century by that of the railway, and soon after of steamboats and transatlantic freighters. In the 20th century, airplanes took over the race in this dream of progress, a race that would find its ultimate extension in the conquest of space.  Technical innovations made it possible to travel the world differently, to do away with distances; they changed the conception of space[1] and nurtured the utopian idea of nations coming together. Not surprisingly, echoes of these innovations are perceptible in the history of the book, where the industrial revolution gave rise to transformations of an equal magnitude. From steam-powered to electric rotary presses through to the development of communication and distribution networks, the print world experienced changes whose origins can often be traced back to techniques related to those which would henceforth propel travellers. Following the example of the journey that it was featuring, not only the methods, but also the motivations, the book saw itself as an implement for knowledge of the world.

Located at the intersection of this dual technological revolution is the history of travel, exploration and modern adventure imaginaries.[2] This issue of Mémoires du livre / Studies in Book Culture proposes to examine that history by inviting considerations of it in terms of its close relationship with the history of print culture, and of the media that enable its distribution, shape its representations and determine its uses. It is about interrogating the specific role of the book, and on a broader scale, that of print, in the evolution of the representations and sensibilities of travel and of modern adventure that these techniques and the media culture of the 19th and 20th centuries made possible. Proposals in either French or English may address the following questions, for example, within the context of print culture in the Americas, Europe and its colonised territories:

- The history of travel and adventure genres in light of media poetics: travel and adventure literature covers a highly diverse spectrum of genres (travel accounts, reports, novels, correspondence, poetry, and writing that serves a practical purpose – guides, travel advice). The same applies to the types of media (volumes, specialized periodicals, print periodicals distributed on board the means of travel in order to entertain guests, comic books…).  How does the entry into media culture jointly shape voyage and adventure genres and media? Do media constraints and the evolution of techniques (of travel and of print culture) produce generic blurring and redefinitions? How does the evolution introduced by the simultaneous democratization of means of transport and of reading express itself in mass culture, a democratization that determines, on the one hand, a singularity of the traveller’s experience that is less and less exceptional, and on the other hand, the seriality of media that disseminates accounts of travel, adventure and exploration? Proposals that focus not on renowned lettered travellers but rather on edited series and sets (collections of guides and travel stories, anthologies of exotic adventure novels, series of manuals, etc.) are particularly encouraged. One might ask oneself in what ways such collections led to the emergence of specific imaginaries, persona and social types (that of the writer who travels, of the adventurer, the reporter, and of their feminine counterparts).

- Representations of travel and exploration techniques (maritime navigation, aerostatics, air and space; road and rail transportation). One might examine the connections among techniques and media imaginaries: is there a symbolic reflexivity to be emphasized between, on the one hand, the progress of transportation and communication means and, on the other hand, the evolution of the techniques of production, media and book forms? Does the representation of modern means of travel allow cultural producers to express, in a metaphorical fashion, the modernity of their writing, of the genre, the poetics, the media that they privilege? Are there symbolic kinships to be found in the relationship between the persona of the writer and the personae (fictional or otherwise) of the explorer and of the pilot (captain, aeronaut, aviator…)?

-  Commercial circuits, the circulation of print, of travellers and of imaginaries: how do book and periodical distribution circuits intersect with the itineraries of conveyors of culture, the former as well as the latter being tributaries of the history of transportation means? From the displaced traveller who transcribes his or her adventure, to the reader who becomes aware of it, where, when, through which technical process and series of media does print develop? What is the role of print and of the book while on board a means of transport? How do these writings, often serving to promote the liner or the company that produces them, accompany the voyager and do they speak of the new apprehension of space that the train, ocean liner or airplane allows? In what ways does print culture support the development of commercial travel circuits through its distribution networks (from peddling to transit areas such as train and airport kiosks)?

- Uses, conditions of production and reception: in the diversity of their media, stories of travel, adventure and exploration are susceptible to responding to various uses (recreational, scientific, therapeutic, pedagogical, touristic, political, etc.). One could examine such uses through case studies, taking care to focus attention on the specific role played by the imaginary of transportation and of techniques. For example, how must the representation of means of transport in collections of exploration literature for children negotiate amongst recreational or pedagogical aims, generic and serial constraints? How does exploration literature, based on a conquest of space permitted by the evolution of transportation, serve the dissemination of the colonial culture located at the core of imperialist states?

Submissions for papers in French or in English consisting of an abstract of approximately 250 words as well as a short biographical note should be emailed to Mélodie Simard-Houde (melodie.houde@gmail.com) by November 15, 2017. The editorial committee will evaluate proposals and inform authors of its decision at the beginning of December 2017. Papers whose proposals have been accepted should be submitted by May 1, 2018. They will then undergo a blind peer review. Final versions are to be submitted by September 15, 2018 at the latest. Publication is scheduled for fall 2018.

[1] Christophe Studeny, L’invention de la vitesse. France, xviiie-xxe siècle, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des Histoires », 1995.

[2] Sylvain Venayre’s work in this regard is essential: La gloire de l’aventure : genèse d’une mystique moderne 1840-1950, Paris, Aubier, 2002; and Panorama du voyage. 1780-1920, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Histoire », 2012.