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Parcours, récits et arts. Mémoire vivante d’exilés (Toulouse)

Parcours, récits et arts. Mémoire vivante d’exilés (Toulouse)

Parcours, récits et arts

Mémoire vivante d’exilés.

Colloque international

Chaire Francophonies et Migrations (projet LAMVEC)

Céres, Institut Catholique de Toulouse

24 et 25 octobre 2024

Les voyageurs sans bagages que sont les exilés traversent les embûches de leur périple seulement porteurs de leurs espoirs d’une vie meilleure et de leur mémoire. Si l’entreprise réussit, l’impératif d’en conserver vivace le parcours se manifeste, tout comme celui de retrouver quelques bribes de souvenirs, parfois de les consigner, afin de ne pas perdre son identité fondamentale. La mémoire se fait sélective le plus souvent, parfois jusqu’à l’idéalisation du passé et élève le pays quitté au-delà de sa vérité, ou, le plus souvent, lui accorde les couleurs de l’enfer heureusement abandonné. 

En effet, dans la reconstitution d’une vie antérieure, les affects prennent une part considérable, d’autant que le parcours suivi a été violent, difficile et traumatisant. La littérature francophone abonde des récits de ces voyages imposés par la famine, la guerre ou l’impossible liberté. Une géographie étrange y apparaît, commandée par les impératifs des passeurs, les dispositions des Etats qu’il faut traverser avant de rejoindre la convoitée Europe. Le tracé est révélateur des situations géopolitiques, en particulier en Afrique, région qui sera particulièrement envisagée. 

Si une majorité de migrants écrivent, d’autres confient leurs déboires et leurs espérances sur la toile en peinture, gravés dans le cuivre, ou s’emparent de tout matériau dont ils disposent pour que leur art transcende le vécu, l’élève en exemplaire et exprime tout ce que les mots seraient impuissants à dire. L’art se fait révélateur des angoisses, des souffrances, mais aussi crie au monde les racines du mal qui les a contraints à quitter leur espace d’origine. En mettant en forme des événements, des situations spécifiques, l’art permet une lecture autre, plus directe que l’écrit puisqu’il ne passe pas par le filtre de l’interprétation des mots, mais jaillit concrètement dans un premier temps aux yeux du spectateur. Plus agressif, plus évocateur, il expose au sens premier une vérité, non pas absolue, mais telle qu’elle a été ressentie.

Dans ce contexte on peut également envisager une écriture géographique des parcours migratoires. Celle-ci s'impose en effet comme une dimension essentielle dans la narration de l'expérience migratoire. Le tracé des itinéraires des personnes en migration donne naissance à une cartographie vivante, révélatrice des enjeux géopolitiques et des réalités complexes qui façonnent le voyage. L’Afrique se dévoile tout particulièrement comme un théâtre où se mêlent les impératifs des passeurs, les frontières nationales, les conflits régionaux et les conditions environnementales, autant de forces qui influencent les trajectoires migrantes.

Les récits littéraires et artistiques mettent ainsi en lumière ces aspects géographiques, dévoilant les obstacles et les détours imposés par les frontières, des zones de conflit ou des pays en proie à la misère. Les cartes mentales des migrants se dessinent à travers des paysages où chaque relief, chaque frontière, chaque point d'eau devient un repère crucial. L'écriture géographique devient ainsi une manière de dévoiler les affres mais aussi les opportunités qui structurent le voyage.

En outre, cette écriture géographique dépasse la simple description des lieux physiques ; elle explore en effet les espaces émotionnels et psychologiques associés à chaque étape du périple. Les villes traversées, les camps, les déserts deviennent en quelque sorte les pages d'un atlas émotionnel où peur, espoir et désespoir s'inscrivent au plus profond des coordonnées de l'expérience humaine.

Dans cette démarche, l'art devient alors une forme de cartographie visuelle des parcours migratoires. Les peintures, sculptures et autres formes artistiques traduisent les contours fluctuants des territoires traversés, tout en exprimant les émotions qui accompagnent chaque étape. Les artistes en migration transforment ainsi l'espace géographique en un espace de mémoire où le trait, la couleur, la forme constituent le témoignage d'une réalité vécue.

L’écriture géographique des parcours migratoires enrichit par conséquent la compréhension de l'expérience migratoire en dévoilant les intrications complexes entre les itinéraires individuels et les dynamiques géopolitiques. Tour cela nous invite à envisager la migration non seulement comme un déplacement physique, mais comme un tout dans lequel l’expérience humaine constitue le centre et non la périphérie.

Au cœur de cette matière humaine et vivante, le droit a pour tâche de formaliser et de qualifier ces parcours de vie transnationaux, qui associent le voyage à un traumatisme initial et générateur, souvent amplifié par les malheurs de l’exil. Au titre des protections internationales, les textes comme la Convention de Genève relative au statut de réfugié de 1951 ainsi que les institutions de l’asile, internationales comme l’UNHCR ou nationales comme l’OFPRA et la CNDA, se retrouvent donc placées au cœur d’un processus interculturel d’accueil, d’audition, d’examen et d’évaluation de récits individuels.

Au risque de l’incompréhension de profils rares ou atypiques, une politique et une jurisprudence de l’asile permet ainsi d’estimer non la vérité, mais la vraisemblance et la crédibilité des récits des exilés demandeurs de protection. Dans cette activité de reconstruction du profil du demandeur, les juristes mobilisent des connaissances psychologiques, sociologiques, géographiques, religieuses, historiques et politiques, voire ethnologiques, pour apprécier la demande de protection et lui apporter une réponse, positive ou négative. Ce caractère hybride du droit des réfugiés, au carrefour des autres sciences sociales et comportementales, est en soi un sujet d’intérêt pour comprendre l’importance de la mémoire passée de l’exil et ses conséquences pour les personnes en cause.

Au-delà de l’admission et de la reconnaissance d’une protection internationale, se pose ensuite la question de la mémoire vivante du réfugié : comment intégrer dans nos sociétés des personnes polytraumatisées et reconnues comme vulnérables, sinon comme des victimes ? Le bilan anthropologique de l’accueil sous ses diverses formes complète et éprouve les droits proclamés, et ceci alors que de nouvelles expériences (relocalisations, couloirs universitaires) sont initiées.

Plusieurs axes en découlent, mêlant dans une perspective interdisciplinaire en sciences sociales des questions littéraires, psychologiques, géographiques et juridiques :

  • La géographie des parcours migratoires 
  • Migrants africains et tableau de l’Afrique
  • Mémoire, art et imaginaire
  • Réception de la mémoire des migrants
  • Récits des réfugiés : expression et audition, formalisation et qualification juridique
  • Accueil et intégration des réfugiés dans le pays d’accueil
  • L’établissement de voies sûres et légales d’accès à la protection dans l’Union européenne et les projets-pilotes de corridors universitaires
  • Racines des exilés et droit au retour

Les propositions sous forme de résumés (2000 signes maximum) devront parvenir avant le 1er  juin 2024 à :

contact@chaire-francophonies-migrations.fr

Le conseil scientifique statuera le 15 juin 2024.

Une bibliographie des ouvrages étudiés/consultés ainsi qu’une notice biographique seront vivement appréciées.