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"Urgence climatique : quand les cultures populaires crient au réveil écologique" du 9 au 11 octobre 2024 à La Rochelle Université

Publié le par Marc Escola (Source : Annabel Audureau)

C’est principalement le XIXe siècle, et les profonds changements technologiques, sociaux et économiques dus à la seconde révolution industrielle, qui vont poser les bases de ce qui deviendra le mouvement environnementaliste dont différentes branches se développeront à partir des années 1960. Parallèlement, les cultures populaires produisent des œuvres de fiction où les auteurs interrogent la préservation de l’environnement et questionnent les conséquences de nos modes de vie sur la planète. Ainsi sont publiés des récits qui mettent en exergue les conséquences désastreuses que les sociétés humaines peuvent avoir sur les écosystèmes, imaginant aussi des modes de vie alternatifs. Le roman de Frank Herbert, Dune, 1965, est un exemple très connu et représentatif de récit de science-fiction qui traite de l’impact ravageur de l’exploitation des ressources naturelles et prône la préservation des écosystèmes, mais il n’est pas le seul. Déjà, en 1929, J.D. Beresford dans la nouvelle “ The Man Who Hated Flies ” (dans The Meeting Place and Other Stories), raconte la découverte d’un insecticide très puissant qui, en causant la destruction des pollinisateurs, engendre une catastrophe écologique bien plus vaste. En 1962, J.G. Ballard dans The Drowned World (Le Monde englouti) aborde la problématique du réchauffement climatique et de ses conséquences alors qu’en 1973, le film de Richard Fleischer, Soylent Green (Soleil Vert) nous offre un tableau étrangement prophétique d’un monde où, en 2022, les océans ont été détruits par l'effet de serre, où règnent une chaleur et une humidité permanentes entraînant pollution, épuisement des ressources, pauvreté et surpopulation… Les cultures populaires ont donc depuis un certain temps exposé les problématiques liées à la destruction des écosystèmes.

Après deux colloques internationaux organisés à la Rochelle Université, en 2019 et 2022, visant à étudier l’utilisation des cultures populaires comme outil d’expression et de politique, puis à l’Université de Strasbourg en 2023 sur la construction des cultures populaires marginalisées face au processus de polycentrisme culturel, l’association PCAoF souhaite en 2024 poursuivre ses investigations, en traitant de la question de l’urgence climatique par le biais des cultures populaires.

Ce colloque vise donc à proposer un état des lieux de la présence/prégnance et de la représentation de ce thème ainsi qu’à interroger la capacité des cultures populaires à enclencher un changement civique, voire politique comme le montre, par exemple, James Craig Holte dans Climate Change in Popular Culture : A Warming World in the American Imagination (2022); ou bien encore Sherryl Vint dans Science Fiction - A Century of Science Fiction That Changed How We Think About the Environment (2021).

En effet, par leur accessibilité à un large public, les cultures populaires (quels que soient leur format et support) constituent le socle d’une médiation scientifique de choix si on envisage cette dernière comme une communication bilatérale d’échanges et de discussions avec le public non-expert. Les supports médiatiques sont nombreux : bande-dessinée, cinéma de genre, littérature jeunesse, web séries et séries TV, réseaux sociaux… pour aborder l’étude de la médiation scientifique. Certains chercheurs en revendiquent même l’utilisation afin de communiquer avec le public comme Alessandro Pignocchi, ancien chercheur en sciences cognitives devenu auteur de BD (Petit traité d’écologie sauvage, 2017), et Philippe Descola, anthropologue français (Anent : nouvelles des Indiens Jivaros en collaboration avec Alessandro Pignocchi, 2016). De même, dans Un Monde sans fin, l’auteur de BD Christophe Blain interroge et illustre le spécialiste des questions énergétique et du climat Jean-Marc Jancovici.  Certains artistes, conscients de leur impact en tant que figures populaires publiques et médiatiques militent ouvertement pour une responsabilité écologique (à l’image du groupe Shaka Ponk qui cesse ses activités pour se consacrer à la cause et au collectif The Freaks[1] qui regroupe déjà plus d’une soixantaine d’artistes et de personnalités françaises).

Mais les médias de masse ne sont pas uniquement des moyens d’illustrer et d’expliquer au plus grand nombre des théories scientifiques complexes. Ils permettent aussi de capter les imaginaires sociaux (voir Science Fiction and Climate Change : A Sociological Approach, Andrew Milner & J. R. Burgmann ou encore Narrativizing Climate Change through Popular Culture, Theodore Jacob Vincent & James F. Hamilton,2020), de les mettre en récit et en image pour penser le monde de demain. Le sociologue canadien Guy Rocher mobilise ainsi cette notion d’« imaginaire social » dans les années 1980[2]  tout comme le français Paul Ricoeur en 1985[3]  pour « désigner les projets de sociétés, les visions d’avenir, les rêves sociaux, les espoirs politiques, les aspirations collectives que les groupes entretiennent et qui aboutissent à la formation d’idéologies, d’utopies, de mythes sociaux[4] .» Régine Robin[5], s’appuyant sur les théories de Jean-Charles Falardeau[6], propose, quant à elle, d’envisager le roman comme un « récit second » jouant un rôle fondamental dans la fixation, sous forme de modèles narratifs et dans la circulation de ces imaginaires (les récits premiers), capables dans leur dimension créative, d’innover et de libérer des forces qui disent le monde mais peuvent aussi porter l’espoir de le changer. Ainsi, les récits de science-fiction, le cinéma (par exemple : The Day after Tomorrow, Roland Emmerich, 2004, film catastrophe écrit à partir des rapports du GIEC) et les séries d’anticipation (Extrapolation, Apple TV, 2023 qui met en scène des scénarios de prospective basés eux-aussi sur les rapports du GIEC), les littératures jeunesse (Vincent Villeminot, Nous sommes l’étincelle, prix du roman écologique, 2019) et de genre (Scali Bertil et De Andreis Raphaël, Mer[7], ou bien encore la saga de Jean-Pierre Goux, Siècle bleu[8], qui décrivent de manière réaliste et documentée scientifiquement les effets du dérèglement climatique) constituent des corpus d’étude de ces imaginaires souvent catastrophistes qui, s’ils génèrent de l’éco-anxiété, ont aussi la vertu de nous alerter. Dans une récente étude de l’ADEME[9] ,65% des sondé·es affirment ainsi que la fiction sensibilise et incite à se mobiliser. Ainsi, ces récits constituent un puissant levier de conduite du changement qui nous amène aussi à l’importance d’une telle réflexion.

Les propositions de communication peuvent aborder différents champs d’études et les conjuguer (sociologie, anthropologie, études politiques, civilisation, histoire, littérature, économie, média, journalistique, linguistique, etc.), différents pays, et traiter de tous les domaines des cultures populaires (arts visuels , différents « genres » de fiction , sports, musique, objets de collection, pratiques culturelles et médiatiques, jeux , jouets, littératures, etc.)

Les communications proposées pourront se faire en français ou en anglais et porter par exemple sur :

- La place et l’évolution de l’environnement et plus précisément de la crise climatique actuelle dans le champ des cultures populaires.

-L’étude des cultures populaires comme vecteur de médiation scientifique.

-La présentation et l’analyse des nouveaux imaginaires sociaux environnementaux créés par les cultures populaires (cinéma, série, BD...)

-Les écueils auxquels peuvent mener les récits optimistes, techno-solutionnistes et catastrophistes.

-L’impact et/ou la place des imaginaires sociaux environnementaux dans les sociétés.

Les propositions de communication (titre et résumé de 300 mots) ainsi qu’une courte biographie doivent être envoyées à l’adresse : pcaofrance@gmail.com pour le 19 avril 2024.

Réponse du comité et préprogramme vers la mi-juin.

Bibliographie, filmographie, médiagraphie indicatives

Bibliographie :

Rapport de l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie), Des récits et des Actes : La culture populaire au service de la transition écologique, Hors Collection, La Librairie Ademe, 2022. https://librairie.ademe.fr/consommer-autrement/5585-des-recits-et-des-actes.html

Couégnas Nicolas, Bertin Eric, « La nature dans la pop culture », Revue française des sciences de l’information et de la communication, 21-2021. http://journals.openedition.org/rfsic/10062

Descola Philippe, Une écologie des relations, CNRS Éditions, 2019.

Descola Philippe, Par-delà nature et culture, Gallimard, 2005.

Pignocchi Alessandro (auteur), Descola Philippe (préface), Anent : nouvelles des Indiens Jivaros, Steinkis Éditions, 2016.

Falardeau Jean-Charles, Imaginaire social et littérature, Urtubize, 1974.

Holte James Craig, Climate Change in Popular Culture : A Warming World in the American Imagination, 2022.

Johns-Putra Adeline, Climate change in literature and literary studies: From cli-fi, climate change theater and ecopoetry to ecocriticism and climate change criticism, WIREs Clim Change, 7: 266-282, 2016.

Larrère Catherine, et Larrère Raphaël, Penser et agir avec la nature. Une enquête philosophique, La Découverte, 2015.

Milner Andrew, and J. R. Burgmann, Science Fiction and Climate Change : A Sociological Approach, Liverpool University Press, 2020.

Ricoeur Paul, Castoriadis Cornelius, Dialogue sur l’histoire et l’imaginaire social, (tiré d’émission radiodiffusée en 1985), Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, Paris, 2016.

Robin Régine, « Pour une socio-poétique de l’imaginaire social », La politique du texte. Enjeux sociocritiques, Presses universitaires de Lille, 1993.

Rocher Guy, « Le droit à l’imaginaire social » dans Imaginaire social et représentations collectives. Mélanges offerts à Jean-Charles Falardeau, revue Recherches sociographiques, volume n°23, numéro 1-2, 1982.

Theodore Jacob Vincent & James F. Hamilton, “Narrativizing Climate Change through Popular Culture”, Peace Review, 32:1, 95-102, 2020.

Vint Sherryl, “Science Fiction - A Century of Science Fiction That Changed How We Think About the Environment", MIT Press, 2021.

Vint Sherryl, Science Fiction, Essential Knowledge series, The MIT Press, 2021.

Œuvres :

Ballard James Graham, The Drowned World, Berkley Books, UK, 1962.

Beresford J. D., “The Man Who Hated Flies”, dans The Meeting Place and Other Stories, coll 1929, London: Faber & Faber Limited, 1929.

Blain Christophe (scénario et dessins), Jean-Marc Jancovici (scénario), Le Monde sans fin, miracle énergétique et dérive climatique, Dargaud, 2021.

Goux Jean-Pierre, Siècle bleu : le rêve de Gaïa (tome 1), Babel noir, 2021.

Goux Jean-Pierre, Siècle bleu : Ombres et lumières (tome 2), Babel noir, 2022.

Herbert Frank, Dune (d’abord sérialisé dans le magazine Analog, 1963-64 “Dune World” et 1965 “Prophet of Dune”), Chilton Books, 1965, USA.

Ikegami Elishi, Shangri-La, Kadokawa Shoten, 2004-2005, Jap.

Pignocchi Alessandro, Petit traité d’écologie sauvage, Steinkis Éditions, 2017.

Scali Bertil et De Andréis Raphaël, Mer, Cairn, 2022.

Villeminot Vincent, Nous sommes l’étincelle, Pocket Jeunesse, 2019.

Séries :

Extrapolations, Scott Z. Burns, Apple TV, 2023, USA.

L’Effondrement, Les Parasites, Canal +, 2019, France.

Ice, Nick Copus, Power, 2011, RU/NZ.

Films :

Don’t look up, Adam Mckay, Hyperobject Industries, 2021, USA.

La Belle verte, Colline Serreau, Films Alain Sarde, 1996, Fr.

Silent Running, Douglas Trumbull, Universal Pictures, 1972, USA.

Soylent Green, Richard Fleischer, Metro-Goldwyn-Mayer, 1973, USA.

The Day after Tomorrow, Roland Emmerich, 20th Century Fox, 2004, USA.

Waterworld, Kevin Reynolds, Universal Pictures, 1995, USA

Comité d’organisation : Danièle André (Études civilisationnelles et culturelles états-uniennes, unité de recherche PoLiCÉMIES), Annabel Audureau (littératures comparées, unité de recherche PoLiCÉMIES), Philippe Coulaud (PRAG en Informatique et Numérique Responsable).

  
[1] The Freaks est un collectif d'artistes et de personnalités qui s'engagent à adopter de nouveaux comportements pour lutter contre la sur-consommation, la pollution, le réchauffement climatique et protéger la biodiversité. Cette liste de comportements est le fruit d'un long travail réalisé avec la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et L'Homme et l'ADEME. https://www.the-freaks.fr/collectif/
[2] Guy Rocher, « Le droit à l’imaginaire social » dans Imaginaire social et représentations collectives. Mélanges offerts à Jean-Charles Falardeau, revue Recherches sociographiques, volume n°23, numéro 1-2, 1982
[3] Paul Ricoeur, Dialogue sur l’histoire et l’imaginaire social, 2016.
[4] Guy Rocher, op. cit. , p.62.
[5] Régine Robin, « Pour une socio-poétique de l’imaginaire social », La politique du texte. Enjeux sociocritiques, 1993.
[6] Jean-Charles Falardeau, Imaginaire social et littérature, 1974.
[7] Mer, roman policier écologique qui se déroule dans un Bordeaux sous les eaux en 2050.
[8] Siècle bleu, thriller écologique et géopolitique qui interroge notre époque et nos intentions pour le monde.
[9] https://librairie.ademe.fr/consommer-autrement/5585-des-recits-et-des-actes.html