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"Voyager, c’est traduire". Découvrir, désigner et décrire l’œuvre d’art dans la littérature viatique entre France et Italie, XVIe-XVIIe s. (Paris Sorbonne)

Publié le par Marc Escola (Source : Julia Castiglione)

Journée d’étude organisée le 25 novembre 2024,

à la Maison de la Recherche, Sorbonne Université, Paris

L’expérience du voyage place l’individu en situation de découvrir, d’observer et éventuellement de décrire des réalités qui n’ont pas d’équivalent strict dans la contrée d’où il vient. Dans la période qui suit les guerres d’Italie et précède le développement du Grand Tour, c’est le plus souvent à partir de connaissances livresques préalables que les voyageurs transalpins se trouvent confrontés aux paysages, aux monuments et aux œuvres, et vivent une expérience sensible et directe qui peut être médiatisée par leur érudition. L’essor de ces voyages entre France et Italie suscite une production de récits et de descriptions proportionnelle à l’horizon d’attente construit par la circulation des savoirs et des images entre ces deux espaces géographiques. C’est ainsi le rapport entre l’imaginaire des lecteurs et l’expérience effective des spectateurs face à des œuvres antiques ou modernes, de peinture, de sculpture ou d’architecture, qui sera l’objet de cette journée d’étude. 

Parler de « littérature viatique » plutôt que de « récits de voyage » permet de prendre en compte non seulement les récits de voyage au sens propre (pèlerinages, ambassades, voyages d’agrément…), mais aussi des lettres ou des textes poétiques visant à évoquer, par les moyens propres des écritures épistolaire et poétique, les spécificités du lieu visité ainsi que les singularités de l’expérience viatique. En somme, nous souhaitons nous intéresser à toute production textuelle effectuée en vue de traduire en mots une expérience de déplacement d’un côté et de l’autre des Alpes, de pérégrination dans un espace inconnu dont il s’agit de transmettre les particularités, quel que soit le genre littéraire dans lequel elle s’inscrit. Une attention particulière sera portée à tout ce qui, dans les textes, relève de l’autopsie, c’est-à-dire le fait d’observer les monuments, les œuvres, les paysages par soi-même et de pouvoir accréditer son discours par cette qualité de témoin oculaire : cette règle de l’autopsie caractérise en effet bon nombre de récits de voyage et se voit érigée par les auteurs en véritable garantie d’authenticité. C’est la connaissance directe et le témoignage oculaire qui donnent au récit de voyage sa valeur et son intérêt.  

Cette journée d’étude portera ainsi spécifiquement sur les témoignages relatifs aux œuvre(s) d’art observée(s) en France ou en Italie par des voyageurs aux XVIe et XVIIe siècles, et en particulier sur les réactions face à l’œuvre d’art, les modalités de l’expression de l’étonnement, de l’émerveillement, de l’incrédulité voire de la déception dans la langue de ces voyageurs, dans leurs choix lexicaux et leur syntaxe : 

  • Dans quelle mesure l’expérience visuelle directe est-elle particulièrement mise en avant quand il s’agit d’évoquer des œuvres d’art ? Comment ce phénomène d’autopsie pèse-t-il sur la perception d’un regard étranger ?
  • Quels sont les mots, les catégories critiques, les notions utilisés pour décrire les œuvres appartenant au patrimoine en train de se constituer de l’une de ces deux contrées transalpines ?
  • Le voyageur utilise-t-il un lexique artistique, des métaphores, des périphrases ?
  • Transfère-t-il des xénismes dans l’idiome qui lui sert à s’exprimer? Use-t-il de néologismes ?
  • Ces éléments de lexique servent-ils à enrichir sa langue maternelle de manière pérenne ? Sont-ils utilisés dans d’autres textes par la suite, voire intégrés en définitive dans les dictionnaires ? 
  • Que nous apprennent ces témoignages sur les figures de médiateurs et d’interprètes, sur leur rôle dans la découverte de ces œuvres, sur la langue qu’ils employaient ?

Cette journée d’études entend traiter ces diverses questions en portant tout à la fois l’attention sur des études de cas et sur des analyses plus transversales. Les échanges qui se noueront entre les membres de l’équipe du projet ArTerm et les participants permettront de déterminer dans quelle mesure la question du témoignage sur l’œuvre d’art permet d’aborder la possibilité d’un enrichissement lexical des langues françaises et italiennes l’une par l’autre. Cette problématique se trouve au centre du projet ArTerm qui sert de cadre à l’organisation de cette journée d’étude. 

Le projet ArTerm a en effet pour objectif d’étudier la circulation des thèmes, des concepts, des pratiques et des mots de l'art entre l'Italie et la France aux XVIe et XVIIe siècles, à une période où la riche production théorique et technique de la Renaissance italienne dialogue étroitement avec le développement de la théorie de l’art en France. Ce projet bénéficie du dispositif Emergence(s) de la Mairie de Paris pour 2023-2026 (Paris-Rome : des langages pour les images) et du soutien de l’Agence nationale de recherche (ANR) pour 2024-2028 (Du modèle italien à l’émergence d’une terminologie du patrimoine artistique français).

Modalités de contribution

Les propositions de communication (maximum 200 mots, complétés d’une brève présentation bio-bibliographique) sont à transmettre à arterm.paris@gmail.com avant le 15 mai. Les participants seront informés le 15 juin au plus tard. 

Les actes pourront faire l’objet d’une publication.                            

Bibliographie critique indicative :

Anselmi Alessandra, Il diario del viaggio in Spagna del Cardinale Francesco Barberini, scritto da Cassiano Dal Pozzo; Madrid, Fundacion Carolina, Doce Calles, 2004.

Achard-Bayle Guy, « Dénominations, cohésion et point de vue dans Histoire d’un voyage faict en la terre du Bresil de Jean de Léry (1578) », dans Franck Neveu (éd.), Phrases : syntaxe, rythme, cohésion du texte, Paris, Sedes, 1999, p. 61-77.

Achard-Bayle Guy, « Variations de la répétition dans les récits de voyage », dans Magri Véronique et Gannier Odile (éd.), L’analisi linguistica e letteraria, vol. XXVIII-1, 2020, p. 13-26.

Balsamo Jean, « L’expérience du voyage d’Italie et l’initiation des Français à la peinture (1550-1620) », dans Luisa Capodieci et al. (éd.), Littérature et arts visuels à la Renaissance, Paris, Cahiers V.L.Saulnier, 38, 2021, p. 49-63.

Balsamo Jean, « Le prince et les arts en France au XVIe siècle », Seizième siècle, 7, 2011, p. 307-332.

Bardati Flaminia et Frommel Sabine, La réception de modèles cinquecenteschi dans la théorie et les arts français du XVIIe siècle, Genève, Droz, 2010.

Bertrand Gilles, Le Grand Tour revisité : Pour une archéologie du tourisme : le voyage des Français en Italie, milieu XVIIIe – début XIXe siècle, Rome, Publications de l’École française de Rome, 2008. 

Brilli Attilio, Il viaggio in Italia. Storia di una grande tradizione culturale, Il Mulino, Bologna, 2006.

Clément Michèle, « Une ekphrasis paradoxale des statues du Belvédère dans les ‘Vingt-quatre sonnets romains’ de Jacques Grévin », Studi Francesi, 145 (XLIX | I), 2005, http://journals.openedition.org/studifrancesi/35558.

Del Pesco Daniela, Bernini in Francia. Paul de Chantelou e il Journal de voyage du Cav. Bernin en France, Naples, 2007.

Desan Philippe (éd.), Montaigne à l’étranger. Voyages avérés, possibles et imaginés, Classiques Garnier, Paris, 2016.

Gannier Odile, « Xénismes et pérégrinismes dans les récits de voyage ; traductions et contre-traductions », dans Maria Cristina Pîrvu, Béatrice Bonhomme, Dumitra Baron (dir.), Traversées poétiques des littératures et des langues, L’Harmattan, Paris, 2013, p. 503-534. 

Godard Alain et M.-F.Piéjus (éd.), Espace, histoire et imaginaire dans la culture italienne de la Renaissance, CIRRI, Paris, 2006.

Guidi José et al., La circulation des hommes et des œuvres entre la France et l'Italie à l'époque de la Renaissance, actes du colloque international, 22-24 novembre 1990, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 1992.

Labrot Gérard, L’image de Rome. Une arme pour la Contre-Réforme, Champ Vallon, Paris, 1987.

Magri Véronique et Gannier Odile, Frontière de la définition dans le récit de voyage, Classiques Garnier, Paris, 2023.

Magri-Mourgues Véronique, « La Description dans le récit de voyage », Cahiers de Narratologie, 7, 1996, p. 35-48, https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00596413/document

Mochi-Onori Lorenza, Schütze Sebastien, Solinas Francesco, I Barberini e la cultura europea del Seicento, Roma, De Luca, 2007. 

Occhipinti, Carmelo, Il disegno in Francia nella letteratura artistica del Cinquecento, INHA, Firenze, Studio per Edizioni scelte, 2003.

Occhipinti, Carmelo, Fontainebleau e la fama di Leonardo da Vinci, il mito della "seconda Roma" nella Francia del XVI secolo, Roma, Universitalia, 2011.

Rèpaci-Courtois, Gabriella, « Arts mécaniques ou état contemplatif ? Les humanistes français du XVIe siècle et le statut des arts visuels », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, 54, 1994, p. 43-62.

Sources pouvant faire l’objet d’une communication (liste non exhaustive) :

Lettres curieuses, ou Relations de voyages, qui contiennent ce qu’il y a de plus rare et de plus remarquable dans l’Italie, la Hongrie, l’Allemagne, la Suisse, la Hollande, la Flandre, l’Espagne et l’Angleterre, ouvrage très curieux accompagné de plusieurs petites [...], et histoires galantes, Paris, I. Baptiste Loyson, 1670.

Anonyme, Les voyages d’un homme de qualité faits en Angleterre, Flandre, Brabant, Zélande, Hollande, Frize, Dannemarc, Suède, Allemagne, Pologne, République de Venise, Lyon, F. Larchier, 1681.

Anonyme, Relations de M. le marquis de *** pendant son voyage en Italie, avec un recueil d’œuvres diverses du même auteur, Paris, Cl. Barbin, 1677.

Barbier de Mercurol, Le voyage d’Italie tant par mer que par terre. Le premier, fait par MM. les cardinaux de Vendosme et de Rets, contient ce qui s’est passé à Rome, à la mort d’Alexandre VII et à la création de Clément IX. Et le second, par terre, contient la description des villes et autres particularitez, Paris, Jean du Bray, 1671.

Bizoni Bernardo, Un viaggiatore aristocratico del '600. Il marchese Vincenzo Giustiniani, éd. Lisa Poggi, Nicomp, 2007.

Bergeron Pierre, Voyages en Italie (1603-1612), éd. Luigi Monga, Genève, Slatkine, 2005.

Bouchard Jean-Jacques, Œuvres (Journal : 1. Les Confessions. Voyage de Paris à Rome. Le carnaval de Rome. 2. Voyage dans le royaume de Naples. Voyage dans la campagne de Rome), Turin, G. Giappichelli, 1976-1977 (voyage dans les années 1630).

Bourdin Charles, Voyage d’Italie et de quelques endroits d’Allemagne, fait ès années 1695 et 1696, Paderborn, Pélerin, 1699.

Burnet Gilbert, Voyage de Suisse, d’Italie, et de quelques endroits d’Allemagne et de France... fait en 1685 et 1686, Rotterdam, Abraham Acher, 1687 (une 1ère éd. en anglais est parue en 1686).

Cotte Robert de, Le Voyage d’Italie (voyage 1689-1690). Étude, édition et catalogue des dessins par Bertrand Jestaz, Paris, École française de Rome-De Boccard, 1966.

Dal Pozzo Cassiano, Legazione del Sig.re Cardinale Barberino in Francia descritta dal Commend. Cassiano del Pozzo (1625), Bibliothèque Apostolique Vaticane, ms. Barb. Lat. 5688.

Deseine François-Jacques, Nouveau voyage d'Italie : contenant une description exacte de toutes ses provinces, villes et lieux considérables, Lyon, Thioly, 1699. 

Du Bellay Joachim, Elegiæ (« Romae Descriptio »), dans Poemata (1558), Œuvres poétiques, VII : Œuvres latines : Poemata, texte présenté, établi, traduit et annoté par Geneviève Demerson, Paris, Nizet, 1984.

Du Bellay Joachim, Le Premier livre des Antiquitez de Rome contenant une generale description de sa grandeur, et comme une deploration de sa ruine… Plus un songe ou Vision sur le mesme subject…, 

Federic Morel, 1558; Oeuvres poétiques, VI : Recueil de Sonnets, Les Regrets, Les Antiquités de Rome, édition d’Henri Chamard, Paris, STFM, 1993. 

Dumont Jean, Nouveau voyage du Levant, par le sieur D. M., contenant ce qu’il a vû de plus remarquable en Allemagne, France, Italie, Malthe, et Turquie..., La Haye, Étienne Foulque, 1694.

Du Val Pierre, Le Voyage et la description d'Italie, Paris, Glouzier, 1656 (géographe du roi, Du Val propose la première synthèse française à l'usage des voyageurs français en Italie, rédigée après un voyage fait en 1653).

Fermanel et Fauvel, Le voyage d’Italie et du Levant, de Messieurs Fermanel, conseiller au Parlement de Normandie, Fauvel, maître des Comptes en la dite Province, sieur d’Oudeauville, Baudouin de Launay et de Stochove, sieur de Ste Catherine, gentilhomme Flaman, Rouen, A. Maurry, 1670, 1ère éd. 1664.

Fréart de Chantelou Paul, Journal de voyage du cavalier Bernin en France, édité par M. Stanić, Paris, 2001.

Grangier de Liverdis Balthazar, Journal d’un voyage de France et d’Italie, fait par un gentilhomme françois, commencé le quatorzième septembre 1660, et achevé le trente-unième may 1661..., Paris, M. Vaugon, 1667.

Guise (Duc de) Henri II de Lorraine, « Relation de tout ce qui s’est passé au voyage de Naples », dans Recueil historique contenant diverses pièces de ce temps, Cologne, Christophe van Dyck, 1666, p. 146-190 (sur une expédition militaire en 1654).

Huguetan et Spon, Voyage d’Italie curieux et nouveau enrichi de deux listes l’une de tous les curieux et de toutes les principales curiosités de Rome, l’autre de la pluspart des sçavans, curieux et ouvriers excellens de toute l’Italie à présens vivans, Lyon, Thomas Amaulry, 1681.

Jordan Claude, Voyages historiques de l’Europe, tome III Qui comprend tout ce qu'il y a de plus curieux en Italie. Augmenté De La Guide Des Voyageurs Ou Description des Routes les plus fréquentées, pour Voyager par toute l'Italie. Avec une Carte trés exacte de tous ces états, Paris, Nicolas Le Gras, 1693.

Jouvin de Rochefort Albert, Le voyageur d'Europe, où sont les voyages de France, d'Italie et de Malthe, d'Espagne et de Portugal, des Pays Bas, d'Allemagne et de Pologne, d'Angleterre, de Danemark et de Suède, Paris, 1673, 3 tomes. 

Mirabal Nicolas, Voyage d'Italie et de Grèce ; avec une dissertation sur la bizzarerie des opinions des hommes, Paris, Jean Guignard, 1698.

Misson Maximilien, Nouveau Voyage d’Italie, fait en l’année 1688, avec un mémoire contenant des avis utiles à ceux qui voudront faire le mesme voyage, La Haye, H. van Bulderen, 1691, 2 vol.

Monconys Balthasar de, Journal des voyages de M. de Monconys... où les sçavans trouveront un nombre infini de nouveautez, en machines de mathématique, expériences physiques, raisonnemens de la belle philosophie, curiositez de chymie, et conversations des illustres de ce siècle... publié par le Sr de Liergues, son fils, Lyon, H. Boissat et G. Remeus, 1665-1666, 3 vol.

Montaigne Michel de, Journal du voyage d’Italie par la Suisse et l’Allemagne en 1580 et 1581, avec des notes par M. de Querlon, Rome, Paris, Le Jay, 1774.

Patin Charles, Relations historiques et curieuses de voyages, en Allemagne, Angleterre, Hollande, Bohême, Suisse, etc, Lyon, C. Muguet, 1674.

Payen, Les Voyages de Monsieur Payen où sont contenues les descriptions d’Angleterre, de Flandre, de Brabant, d’Hollande, de Danemark, de Suède, de Pologne, d’Allemagne et d’Italie, Paris, E. Loyson, 1663.

Robias d’Estoublon, Jacques de Grille (marquis), Relations de M. le Marquis de ***, écrites pendant son voyage d’Italie en 1669. Avec un recueil d’œuvres diverses du mesme autheur, Paris, Cl. Barbin, 1677, 2 vol.

Rogissart Alexandre de, Les delices de l’Italie, Paris, compagnie des Libraires, 1707 (Première édition à Leyde en 1706. Présence de nombreuses gravures. Les délices (Italie, Hollande, Angleterre, France...) étaient une collection de guides touristiques anciens).

Seignelay Jean-Baptiste Colbert, marquis de, L’Italie en 1671. Relation d’un voyage du Mis de Seignelay (J.-B. Colbert), suivie de lettres inédites à Vivonne, Du Quesne, Tourville, Fénelon, et précédée d’une étude historique par Pierre Clément, Paris, Didier, 1867.

Tarde Jean, Voyage d’Avignon à Rome l’an 1593, Voyage de Rome en l’an 1614, éd. F. Moureau et M. Tetel, Genève, Slatkine, 1984.