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Céline en voyage(s)

Céline en voyage(s)

Publié le par Marc Escola (Source : Patrick Mathieu)

"Voyager, c'est bien utile, ça fait travailler l'imagination. Tout le reste n'est que déceptions et fatigues. Notre voyage à nous est entièrement imaginaire. Voilà sa force... Et puis d'abord tout le monde peut en faire autant. Il suffit de fermer les yeux. C'est de l'autre côté de la vie."

Pour autant, les voyages de Louis-Ferdinand Céline n’ont pas été qu’imaginaires, loin de là. Le jeune réformé Destouches voyage en Afrique, au Togo, au Cameroun, au Sierra-Leone, en Guinée… et écrit des lettres amusantes à une amie d’enfance, Simone Saintu : y découvre-t-on la même gaîté que celle de l’homme mûr ? On y voit en tous cas un jeune homme avide de lectures - il lit Kipling, Bergson, de Saint-Pierre… - avide de contacts intellectuels, plus pacifiste que jamais et s’essayant déjà à l’écriture de nouvelles. Dans quelle mesure l’Afrique qui se retrouve dans le Voyage au bout de la nuit aura-t-elle été décisive dans la formation littéraire du jeune aventurier ? Quel regard sur l’autre et l’ailleurs se forge-t-il à ce moment ? Quelques années passent et en 1925, il fait route pour les USA, dont on retrouve encore maintes traces dans le Voyage. Plus tard, en 1936, nouveau changement de cap : il rejoint Moscou en passant par la Finlande. Les dates du voyage sont très incertaines, il n’y restera que quelques semaines et nous ne possédons que deux témoignages dans sa correspondance : est-ce que les œuvres politiques qui suivent son retour, Mea Culpa et Bagatelles pour un massacre où d’ailleurs l’auteur fait référence au Cameroun (Bikobimbo) peuvent être vues comme des réceptacles d’une expérience de voyage ? Afrique, USA, Russie, voilà bien trois espaces géographiquement et culturellement opposés qui subiront la même transfiguration littéraire et romanesque, l’hyperbolisation ironique, la critique dégradante virulente. N’y aurait-il donc aucun lieu sur terre qui ait les faveurs de l’écrivain, hormis peut-être la Bretagne où il voulait se retirer et dont il a si peu parlé ? Fait-il avec les lieux, comme avec les personnes qu’il côtoie, des caricatures ?

A l’évidence, Céline le torturé ne saurait être touriste, non plus qu’écrivain-voyageur. Mais il a beaucoup voyagé, et ses voyages laissent une trace profonde dans son œuvre. Il voyage pour affaires, réformé à Londres d’abord, puis pour les charmes de la langue, de l’édition et des lupanars avec le déluré John Marks ; en Russie pour assurer l’édition de son Voyage, et peut-être constater de visu le communisme qu’on lui attribue ; aux USA ou à Cuba pour le compte de la Société des Nations…

Mais à côté de ses déplacements professionnels qui ont autant d’échos romanesques (on pense à Londres désormais), il fait aussi nombre de voyages amoureux. Céline se rend en Belgique, à Cannes ou en Bretagne pour Evelyne Pollet, à Anvers encore pour Jeanne Feys-Vuylstecke, il se rend avec Karen Marie Jensen au Danemark, et va skier en Autriche. Il voyage souvent pour retrouver ses maîtresses, la pianiste Lucienne Delforge, ou Cillie Ambor à Vienne ou à Berlin, et à Breslau pour retrouver Erika Irrgang. Il tentera même vaguement de retrouver la trace d’Elisabeth Craig aux USA…

Ce recueil d’études se propose d’aborder les voyages céliniens dans toutes leurs dimensions : les voyages professionnels de Céline ou ses voyages amoureux ; la relation de voyage à travers la Correspondance ; les joies et douleurs du voyage d’exil ; les thématiques liées au voyage (le mal du pays, la thématique maritime, la France vue de l’exil, les voyages intérieurs ou sensuels…) ; la place de Lucette, de la Vigue ou de Bébert dans les voyages (Nord…) ; la relation de voyage et la formation de l’écrivain ; les voyages scandaleux (ou sexuels) de Céline ; sa perception de l’altérité ou de l’ailleurs, etc. Les lieux réels, imaginaires, seront ainsi envisagés comme autant de relations (liens et écrits de voyage) dans une triangulation entre le moi, le monde et les formes de l’écriture (la formation de l’écrivain).

Retour des propositions de communication (1500 signes plus bio-bibliographie) : 31 mai 2024.

Retour des communications : 31 janvier 2025.

Édition chez Garnier

Contact : patrick.mathieu@cnrs.fr