Colloques en ligne

Alexandra Rivard

Nietzschéenne de Daniel Lesueur, un discours théorique au service de la subversion

Daniel Lesueur’s Nietzschéenne, a theoric discourse serving subversion

1Léon Chapelle écrivait dans la Revue illustrée en 1903 que parmi les romanciers de l’heure présente, Daniel Lesueur était au tout premier rang et que s’il ne s’agissait d’une femme, il y a sans doute longtemps que la constatation en eût été faite (Chapelle, 1903). Or, cette romancière si connue à son époque est aujourd’hui tombée dans l’oubli. Écrivaine prolifique qui a publié plus d’une trentaine d’œuvres sous un pseudonyme, son véritable nom étant Jeanne Loiseau, Daniel Lesueur a été une figure importante au sein de la France de la Belle Époque. Elle a aussi été très active dans les journaux, rédigeant de nombreuses chroniques. En 1900, dans sa préface du roman L’Or Sanglant, elle ébauche l’idée d’utiliser le « roman romanesque » (p. 1), mélangé au hasard et au mouvement de la vie, pour créer des personnages plus vrais, qui respectent la complexité de l’existence. Cette idée sera raillée par plusieurs critiques et journalistes, ce qui n’empêchera pas Daniel Lesueur de la mettre en application par la suite. Elle publie Nietzschéenne1 en 1907, l’un de ses romans les plus connus, où plusieurs des thèses qu’elle a soutenues dans sa carrière sont présentées au lecteur et où elle respecte le discours théorique formulé dans L’Or Sanglant. Jocelyne, l’héroïne de Nietzschéenne, est une femme au lourd passé, très engagée dans son milieu. Elle tente d’aider des ouvriers, tout en laissant de côté les nombreuses rumeurs qui sont véhiculées à son sujet. Elle tombe amoureuse de Robert, un chef d’usine marié qu’elle a aidé et dont elle refuse d’être la maîtresse. Si le roman semble sentimental, il ne l’est point ; l’autrice joue avec les convenances du genre pour mieux subvertir certains discours concernant les femmes. Pour y parvenir sans – étonnamment – trop semer la controverse, elle use du « roman romanesque », qu’elle mélange à de profondes analyses psychologiques, afin d’étudier l’effet extérieur des passions et les conséquences d’événements intenses sur certains caractères. Elle se sert aussi de la philosophie de Nietzsche, outil explicite qui invisibilise l’utilisation de la théorie ébauchée dans sa préface de L’Or Sanglant et déplace l’opinion des critiques. Je m’intéresserai ainsi aux propos tenus par l’autrice et à la réception de son discours théorique. En m’appuyant sur des articles qu’elle a publiés, j’analyserai ensuite comment la théorie littéraire qu’elle a tenté d’ébaucher en 1900 a été utilisée dans Nietzschéenne et comment elle a ainsi pu prendre position de façon détournée sur divers sujets concernant les femmes. Je terminerai finalement cette étude par l’analyse des utilisations qu’a fait Daniel Lesueur de la théorie de Nietzsche et les conséquences de cet emprunt philosophique sur la réception de son roman.

La préface de l’Or sanglant

2Établissons d'abord un fait qui n’est pas surprenant : Daniel Lesueur n'a pas textuellement qualifié ses propos de théorie littéraire. L’œuvre de l'autrice s’inscrit dans une époque où les femmes sont encore reléguées au foyer et sont vouées au mariage. Par nécessité économique, plusieurs travaillent, mais sont mal accueillies par la société. Les femmes intellectuelles, qui osent trop ouvertement revendiquer de nouveaux droits, sont perçues avec méfiance et ironie. L'écrivaine était consciente des contraintes qui pesaient sur celles qui tentaient de vivre de leur plume et elle excellait dans l'art de formuler ses idées de façon à ce qu'elles soient globalement bien reçues. Il n'est donc pas étonnant qu'elle n'ait pas revendiqué clairement l'ébauche d'une nouvelle théorie littéraire. Tout son discours tend toutefois vers l’élaboration et la recherche d’une théorie qui n'est pas nommée comme telle, tant dans les journaux tels La Fronde, le Radical et l’Illustration, que dans la préface du roman L'Or Sanglant. Ce dernier est issu du diptyque romanesque Lointaine Revanche, dans lequel Daniel Lesueur tente de renouveler le roman-feuilleton. Dans la préface, l’écrivaine énonce clairement – peut-être trop clairement, aux yeux de certains - sa façon de concevoir la littérature. Elle débute en mettant en garde le lecteur de la non-conformité du roman au modèle conventionnel auquel il est habitué :

Ceci est un roman romanesque : les péripéties, le mouvement, les effets extérieurs des passions, y tiennent plus de place que l’analyse des caractères. […] Car on fait tort à la science des âmes en la détachant systématiquement de l’action. Les âmes ne sont pas des entités intégrales et absolues, mais des organismes qui réagissent avant tout suivant les circonstances. (1900, p. 1)

3Ce que Daniel Lesueur nomme l’âme, c’est le caractère, ce caractère qu’elle compare à une plante dont les fleurs seraient dépendantes des influences subies, favorables ou non, des surprises du sort et des hasards de l’existence : « De ces hasards le roman a le droit de se servir sans cesser d’être psychologique, à la condition que chaque aventure détermine toujours la conduite des personnages suivant la logique de leur mentalité. »2 D’entrée de jeu, nous retrouvons ainsi deux éléments importants dans le discours théorique3 tenu par Daniel Lesueur : le désir d’étudier les effets des influences subies et des surprises sur les caractères, c’est-à-dire l’impact des événements sur les gens et non l’inverse, et l’importance du hasard dans la vie d’un personnage. Le roman romanesque en lui-même n’est pas nouveau4, mais Lesueur le renouvelle en tentant de le combiner avec le roman psychologique, dans un souci d’écrire quelque chose pour le peuple, sans sacrifier les qualités littéraires de l’œuvre. Elle affirme avoir voulu choisir quelques types énergiques pour « […] les placer dans des circonstances fortes, capables de mettre en jeu toutes leurs possibilités de caractère » (ibid.). Type n’est pas associé au masculin, mais à une généralité, à la multitude des personnages possibles, dont les réactions peuvent être infiniment variées, selon les événements à lesquels ils sont opposés. L’autrice explique ainsi l’utilisation d’événements plutôt « extrêmes »5 par leur utilité pour dévoiler les nombreuses facettes d’un caractère.

4Même si Daniel Lesueur n’a pas explicitement utilisé le mot « théorie », son discours tenu dans la préface de L’Or Sanglant a été reçu d’une façon mitigée. Dans le journal quotidien Le Gaulois, l’autrice est louangée et on lui attribue le renouvellement du roman populaire, mais sa préface est peu commentée. Elle est principalement traitée avec humour, sans être beaucoup détaillée :

L'auteur de ce très curieux roman nous avertit, en une rapide et piquante préface, que c'est ici un ''roman romanesque". Pourquoi cette précaution initiale de Daniel Lesueur qui fut déjà romanesque à souhait tout au moins dans Invincible charme, et quelque peu dans Comédienne ?6 (Lapauze, 28 mai 1900)

5Si les articles positifs à l’égard de l’écrivaine et de son roman font majoritairement l’impasse sur sa préface, les articles plus négatifs prennent certains de ses éléments en compte. Dans la revue bi-mensuelle La Chronique des livres, elle est ainsi extrêmement critiquée. Le rédacteur du texte, Alexandre Chevalier, lui reproche les coïncidences merveilleuses au sein de son roman et les enchaînements trop romanesques. Il révèle ensuite ce qui pose réellement problème dans la préface : le défaut principal du texte est d’avoir été rédigé par une femme qui tente de tenir un discours théorique sur la littérature. Il l’affirme de façon implicite, dès le début de sa critique :

Le roman psychologique et le roman d’action, dont les variétés sont cependant infinies, ne suffisent plus à la dévorante ambition de nos femmes de lettres. Non contentes de nous avoir emboîté le pas et d’avoir, par une immense surproduction, largement contribué à la dépréciation du roman littéraire, elles s’ouvrent maintenant de nouveaux champs, et y cultivent de ces plantes folles et dénaturées que leur imagination capricieuse créa en un jour de snobisme. (Chevalier, juin 1900, p. 113-114)

6Cette plante folle et dénaturée, cette théorie non-approuvée par l’élite masculine, le critique ne sait comment la détruire efficacement, usant davantage d’attaques personnelles que d’une véritable argumentation. Les hommes qui produisent une théorie innovent ; les femmes qui tentent la même chose sont hors-natures et égocentriques :

 Il y a dans ce besoin d’innovations et de hardiesses hors nature, un égoïste souci de réclame et de popularité. Heureusement, les révolutions littéraires sont plus lentes à se faire que les révolutions de la mode, et tel qui demain s'engouera pour la teinte insolite d'une fleur banale, conservera peut-être l'intégrité de ses préférences littéraires ou politiques. (p. 114)

7Le critique n’accepte pas que Daniel Lesueur ait voulu produire quelque chose de nouveau, lui reprochant finalement d’avoir voulu sauver les apparences de son livre :

Ne serait-ce pas que Mme Daniel Lesueur, sentant fort bien […] combien était exagérée l’œuvre qu’elle allait produire, ait voulu la sauvegarder quand même? Pour cela, quoi de plus simple et de plus naturel que de la présenter comme une hardiesse, comme une innovation, bien plus; comme un nouveau défi jeté à la règle classique? Ainsi les apparences restent sauves […]. (p. 116)

8Les mots sont jetés ; aux yeux du critique, Daniel Lesueur ne peut présenter d’innovations et si elle tente de le faire, ce sera forcément un échec. Il nie ainsi ses capacités à créer quelque chose de nouveau dans le domaine de la littérature, mais se faisant, il admet aussi que sa préface se présentait bien comme un désir d’innovation, innovation qu’il lui refuse. On ne sait si Daniel Lesueur a eu conscience des critiques acerbes à son égard, mais dans ses œuvres suivantes, elle ne tient plus de discours théoriques de façon aussi détaillée et claire. Des propos semblables sont toutefois présents dans les articles de journaux publiés par l’autrice, que ce soit avant ou après la préface de L’Or Sanglant. Elle précise aussi certains éléments, expliquant sa conception du rôle de l’auteur et l’importance qu’elle accorde à l’intervention du hasard dans une œuvre.

Des fragments dans les journaux

9En 1899, elle écrivait dans La Revue des Revues pour répondre à une enquête sur l'état actuel du roman populaire, cherchant comment le renouveler. Elle se disait alors passionnée par le problème, tout en affirmant modestement ne l’avoir pas résolu :

Ma bonne volonté était hors de doute : c'était le génie qui me manquait. Je ne plaisante pas : le génie. Pour accomplir l'œuvre rêvée : un roman conforme, si peu que ce soit, à un certain idéal d’art, de logique, de psychologie, et de bonne influence morale et sociale, en même temps que tout à fait compréhensible et captivant pour un public illettré, il fallait un immense génie. Pour s’en rapprocher seulement, il fallait être l'Alexandre Dumas des Trois Mousquetaires, le Victor Hugo des Misérables, l'Eugène Sue des Mystères de Paris. (Lesueur, 1899, p. 29)

10Cette œuvre rêvée, inspirée par son idéal d’art et son désir d’être compréhensible pour le public peu cultivé, l’autrice y songe fort probablement lorsqu’elle rédige sa préface de L’Or Sanglant. Le début de sa réflexion semble s’y être prolongé et on retrouve le même désir de créer une œuvre double, faite pour l’art et les moins instruits. En 1900, Daniel Lesueur réitérait dans un article publié dans La Fronde son envie de renouveler le roman populaire, afin de présenter aux gens du peuple une œuvre capable de les faire réfléchir, écrite pour eux, sans que le style ne soit sacrifié :

Quand une nation a fait tant de sacrifices et construit tant d’écoles pour élever le peuple, laissera-t-elle encore ses maîtres littéraires proclamer qu’on ne peut sans déchoir écrire un roman pour ce même peuple, et qu’il n’a droit de se distraire qu’avec des inventions abjectes et des phrases informes? (Lesueur, 10 mars 1900)

11Le souci d’écrire pour le peuple sans diminuer la qualité littéraire de ses romans est une préoccupation constante chez Daniel Lesueur, qui y reviendra fréquemment, aspirant à combiner artistiquement le roman romanesque et le roman populaire. Franche, l'autrice se permet aussi sans détours de critiquer les idées de Goncourt sur les buts du roman, avant de préciser ses propres idées sur la question:

Suivant M. de Goncourt, le roman ne doit pas avoir pour but de peindre le mouvement extérieur de la vie, mais de disséquer des âmes […] C’est ce qu’on voudra, excepté de la vie. Car le propre de la vie, c’est le mouvement et la complexité. L’étude psychologique […] à laquelle on a réduit le roman, évoque la vie à peu près autant qu’une pièce d’anatomie en carton colorié représentant les muscles, le réseau sanguin et le squelette d’une jambe, peut évoquer le tourbillonnement léger des danseuses dans un ballet d’Opéra. Il est intéressant de connaîtra la structure d’une jambe. Mais il n’est pas désagréable de la voir, moulée dans un maillot rose, voltiger en mille poses gracieuses suivant des rythmes mélodieux. (ibid.)

12S'opposant totalement à l'idée selon laquelle le roman populaire est forcément pour un peuple qui ne peut que déchoir, l’écrivaine souligne que la beauté, la littérature et l'art ne sont pas seulement dans les mots. Elle insiste sur l'importance de la forme dans le roman, une forme qui doit être aussi haute que simple, afin d'être accessible à tous.

13L’intervention du hasard dans les romans est un autre élément du discours théorique tenu par la femme de lettres dans L’Or Sanglant, qui se retrouve principalement détaillé dans les journaux. La romancière soutient que dans la vie, le caractère ne respecte pas toujours ce à quoi il doit ressembler, mais que personne ne s’en offusque. Or, lorsqu’il s’agit de romans, les critiques crient aussitôt à l’invraisemblance : « Croyez-vous que ça se tient, dans la vie, un caractère ? Examinez un peu le vôtre. Voyez la peine que vous éprouvez à vous donner après coup quelque bonne raison pour chacun de vos actes » (Lesueur, 3 février 1899). Prenant comme base que l’individu réagit différemment selon les situations, sans que cela soit toujours prévisible, Daniel Lesueur critique le fait que les auteurs ne puissent accorder qu’une mince place au hasard, sous peine qu’un écart à la règle provoque une accusation d’invraisemblance :

Il y a une part de connu en chacun de nous. C’est sur cette part que vous vous appuyez pour prédire vos déterminations futures […] Le dramaturge, le romancier, ne peuvent tabler que là-dessus. Sur ce domaine restreint ils bâtissent le plan d’un caractère. Dès qu’ils s’en écartent, ils déconcertent leur public. (ibid.)

14L’écrivaine aspire à une œuvre qui ne s’enferme pas dans de telles limites, qui est plus proche de la vie et du côté surprenant, bizarre parfois, d’un caractère. Force est de constater que si elle ne tient pas aussi clairement un discours théorique dans les journaux, Daniel Lesueur continue de distiller des bribes de ses idées et de les appliquer. On peut ainsi retrouver les éléments mentionnés précédemment dans plusieurs de ses œuvres. Toutefois, ils sont particulièrement utilisés de façon à subvertir les discours concernant les femmes et critiquer certaines problématiques dans Nietzschéenne, le roman sur lequel nous allons maintenant nous attarder.

Nietzschéenne

15Au sein de l’œuvre, la théorie se déploie à travers le personnage de Jocelyne, type placé dans des circonstances fortes, mais aussi à travers la proximité avec le peuple dans le mélange du populaire et du psychologique, et l’emploi d’événements particuliers, liés au hasard. L’usage de tous ces éléments permet à l’autrice de tenter de subvertir certains discours dominants concernant les femmes. Le personnage de Jocelyne est ainsi la figure forte et énergique que décrit Daniel Lesueur dans sa théorie, placée dans des circonstances intenses. Sa personnalité, son passé et sa construction en opposition aux modèles conventionnels en font une porte-parole crédible. Calme, intelligente et déterminée, Jocelyne accumule les qualités. Loin d’être inactive ou oisive, elle s’occupe d’une société de logements d’ouvriers, dont elle est la fondatrice. Elle ne lésine pas devant les efforts à faire et n’hésite jamais à donner son opinion, même si les hommes qui l’entourent en sont parfois étonnés. Elle se déclare libre, peu soucieuse de ce que peuvent bien raconter les autres et n’hésite pas à déclarer ses aspirations, même si cela surprend Robert, l’homme qu’elle aime. Loin de tenter de lui plaire en lui montrant un caractère qui aurait peut-être davantage correspondu à ses attentes, Jocelyne laisse de côté les conventions et lui révèle suivre la doctrine de Nietzsche, accordant une place importante à la volonté et à la nécessité de « tenir bon ». (N, p. 121) Si Jocelyne accorde autant d’importance à ces deux éléments, c’est que son passé a été mouvementé. Élevée dans l’ignorance, la jeune femme écrivait des lettres d’amour à un protégé de la famille en s’inspirant de phrases trouvées dans les livres. Le temps a filé, le protégé est parti à l’étranger, Jocelyne a vieilli, puis s’est fiancée à un homme qu’elle aimait énormément. Lorsque le protégé est revenu après des années d’absence, il a voulu obliger Jocelyne à rompre ses fiançailles, sous menace de révéler à celui qu’elle voulait épouser les mots exaltés écrits autrefois. Librement, en sachant qu’il rentrerait dans une colère terrible en lisant les missives, Jocelyne s’est donnée à son fiancé, ne regrettant rien. Le lendemain, il rompait l’engagement et était tué en duel par le frère de Jocelyne. Nous trouvons ici le côté « romanesque » de l’œuvre, mais même s’il est très romancé, le passé du personnage tend à rendre son présent crédible. Suivant l’idée de Lesueur selon laquelle le caractère est dû aux excitations extérieures, aux influences plus ou moins favorables et aux surprises du sort, la personnalité de Jocelyne et ses réactions apparaissent légitimées par son passé, ce qui permet à l’écrivaine de faire d’elle une porte-parole acceptable aux yeux du public. La philanthrope droite, chaste et morale – bref, tout l’inverse de ce que les hommes de l’époque reprochaient aux femmes trop libres – est un modèle auquel le lecteur peu méfiant ne se heurte pas, même si des discours très progressistes sont présents au sein du roman. Personnage fort à qui l’écrivaine a donné la possibilité d’être libre, Jocelyne montre au lecteur ce qui peut résulter d’une telle liberté hors mariage. Connaissant la vie, ses cruautés et ses déceptions, elle est en mesure de prendre la parole et le lecteur de jadis ne peut lui reprocher d’être restée célibataire, elle dont le fiancé est mort et dont le comportement est explicable par de dramatiques événements. Elle affirme : « […] c’est en acquérant cette confiance dans ma propre force que j’ai pu faire face au destin le plus horrible pour une fille de vingt ans ». (N, p. 116) Cette force difficilement acquise explique les réactions de Jocelyne, qui se montre calme devant les pires annonces. C’est aussi ce qui rend ses discours puissants et lui permet de ne pas se préoccuper de l’opinion et des conventions de la société, après avoir trop souffert de tout ce qu’elles impliquaient.

16Or si Jocelyne ne se soucie pas de la société, Daniel Lesueur la prend bien en compte. Comme mentionné précédemment, celle qui a voulu concilier le roman populaire et psychologique s’est toujours préoccupée de trouver des méthodes pour éduquer et captiver le peuple. Elle n’est toutefois pas naïve sur le style de lecture qui peut intéresser les gens et ne manifeste aucune crédulité sur ses possibilités d’être lue, si elle aborde de façon trop directe des thèmes difficiles. En 1898, elle écrit dans La Fronde :

Les accouchées et les nouveaux nés ne sont pas une clientèle capable de faire monter le tirage, et les papas inconnus n’aiment pas en prenant leur pousse-café lire des articles qui posent le problème de leur responsabilité ou décrivent leurs fredaines autrement qu’en bonne blague et pour la gaudriole. (Lesueur, 17 juin 1898)

17Consciente que l’individu moyen n’aime pas qu’on lui fasse directement la morale, l’écrivaine prend des détours au sein de son œuvre pour aborder des sujets polémiques. Son roman s’adresse au peuple et est dans le peuple ; Robert est certes un chef d’usine, mais il aime ses ouvriers et leurs problèmes sont aussi exposés. Les reproches fusent, mais paraissent émaner logiquement du personnage principal, confrontant le lecteur de biais, sans que ce soit trop moralisateur. Jocelyne fait ainsi allusion aux lettres écrites lorsqu’elle était jeune, et qui ont eu des conséquences funestes :

Les fautes que j’ai commises eussent été charmantes chez un jeune homme, ou tolérées avec indulgence par le monde de la part d’une femme mariée, avertie. Mais la société où nous vivons, avec ses complications millénaires, la confusion étrange de ses morales diverses, admet ceci : que la faiblesse, l’ingénuité, l’ignorance, constituent des circonstances aggravantes, et que l’erreur d’amour est d’autant plus condamnable qu’un être est moins armé pour s’en défendre. (N, p. 106)

18Jocelyne parle en connaissance de cause ; ce dont elle accuse la société, elle l’a vécu et celle qui a souffert des préjugés est d’autant plus crédible que tout le roman s’applique à la montrer comme ayant été injustement jugée, victime des hasards de l’existence. Daniel Lesueur a souvent critiqué l’ignorance dans laquelle était tenue la jeune fille :

Pour offrir à la fatuité masculine une sorte de marchandise neutre et intacte, un miroir tenu à l’ombre jusqu’à ce que s’y reflète l’image du fiancé, et à la surface duquel n’aura passé nul autre reflet, on maintient la vierge dans une prison morale où elle doit s’atrophier si elle ne s’y pervertit pas. Nulle connaissance de la vie, nul exercice de son jugement, pas l’ombre d’une liberté sous la perpétuelle suspicion qu’elle en ferait mauvais usage [… ] (Lesueur, 5 avril 1901)

19Cette prison morale, Jocelyne en fait les frais dans Nietzschéenne : c’est parce qu’elle était d’abord ignorante des choses de l’amour qu’elle s’est permis d’écrire des lettres inspirées des livres qu’elle avait lus. L’accident avec l’ancien amoureux menaçant et la naïveté passée de Jocelyne permettent ainsi à l’autrice, par le biais de son personnage principal, de souligner l’hypocrisie de la société, qui tolère chez l’homme et la femme mariée ce qui n’est pas autorisé chez celles qui sont tenues dans une fausse innocence. Sa critique, adressée au peuple et à la société en général, passe par des personnages terre-à-terre, qui sont eux-mêmes soucieux de ce que vivent leurs semblables. La même stratégie est employée pour aborder d’autres thèmes que la jeune femme n’hésite pas à remettre en question, comme la maternité, le mariage et le travail. Jocelyne vient ainsi lever son épée contre les discours dominants concernant les femmes, secouant la société, tout en s’adressant à elle.

20Afin de faire de Jocelyne un personnage crédible et une porte-parole acceptable pour le peuple malgré son indépendance et sa « faute », Daniel Lesueur s’est assurée de déconstruire à l’avance les potentielles objections. Pour y parvenir, elle reprend des idées reçues populaires et les confronte à une autre réalité. Dès le début du roman, elle contrecarre ainsi l’idée selon laquelle une femme célibataire l’est forcément en raison de circonstances externes et non par désir de ne pas se marier. Avant de rencontrer Jocelyne pour la première fois, Robert se l’imagine dénuée de tout charme : « Pour être encore, à près de trente ans, mademoiselle Monestier, avec de la fortune, il fallait de sérieuses tares physiques. […] L’hypothèse qu’une jeune fille se refuse de parti pris au mariage paraît inadmissible, surtout à un homme ». (N, p.4) Robert reprend ici une idée populaire véhiculée dans plusieurs journaux de l’époque. Or, ce n’est pas en raison de sérieuses tares physiques que Jocelyne se refuse au mariage, comme Robert l’apprendra plus tard. Elle ne correspond pas davantage au stéréotype selon lequel une femme indépendante, vivant seule, répond à toutes les avances qui lui sont faites. Peu pressée de briser le mariage de Robert, désirant son bonheur et celui de sa femme, Jocelyne est montrée comme une personne pour qui les principes sont une chose importante. À qui voudrait ainsi reprocher à la jeune femme de s’être donnée dans le passé, Daniel Lesueur oppose un modèle irréprochable, du moins, aux yeux de la société. Le lecteur de l’époque qui aurait pu craindre de se retrouver face à un personnage féminin trop émancipé est aussi déjoué à l’avance, alors que Jocelyne se justifie à Robert : « […] ne croyez pas que je proteste, ou que je veuille vous présenter quelque thèse d’émancipation féministe. Non, c’est le simple rappel d’un état des choses bien établi […] » (N, p.106-107) Figure de rhétorique car bien qu’elle affirme le contraire, Jocelyne est bel et bien en train de protester, à la fois contre la société, mais aussi contre les archaïques préjugés. Ce qui provoque cette justification, c’est l’époque et ses clichés, qui peuvent faire craindre à l’autrice que les thèses apportées par Jocelyne soient boudées, si elle est considérée comme prenant trop la défense des droits des femmes. Tout est donc mis en place pour défaire l’idée préconçue de la féministe insistante, pour montrer que Jocelyne ne l’est pas et pour mettre plutôt l’accent sur la logique de ses idées. Daniel Lesueur anticipe ainsi ce qui aurait pu nuire à l’acceptation du personnage, afin que ses discours soient tolérés. Ce désarmement des possibles oppositions permet à l’écrivaine de faire de Jocelyne une porte-parole acceptable aux yeux du public. En reprenant les stéréotypes du peuple et ses idées reçues, l’autrice lui destine son oeuvre, tout en tentant de modifier ses conceptions.

21 Le hasard, dernier élément du discours théorique de Daniel Lesueur, est utilisé pour justifier les nombreuses critiques formulées par Jocelyne. Si elle peut parler de ce que vivent les femmes, c’est qu’elle a été victime de circonstances particulières, c’est parce que des éléments imprévus sont venus bouleverser sa vie, l’obligeant à réagir. S’opposant aux rôles conventionnels normalement attribués aux femmes dans plusieurs romans7, Jocelyne rejoint le discours tenu par Daniel Lesueur dans un article de La Fronde, paru en 1900. Celle-ci écrit :

 On nous reproche de ressembler aux hommes quand nous avons la liberté de nous expliquer comme eux. C’est qu’en réalité nous leur ressemblons bien plus que nous ne ressemblons à cette créature factice, à cet être de convention qu’ils ont voulu voir en nous depuis l’origine. Ce sont les hommes qui ont créé, par leur suggestion, par la morale spéciale qu’ils nous ont faite, par leur littérature, par leurs adorations comme par leurs exigences, par leurs brutalités comme par leurs flatteries, la femme à la fois monstrueuse et idéale, du type de laquelle nous n’osons pas encore de nous-mêmes nous écarter. (Lesueur, 20 avril 1900)

22Le lecteur de Nietzschéenne peut s’attendre à voir Jocelyne devenir cette créature factice, cette femme fatale qui brise l’union de Robert, cette femme imaginaire dépitée de sa situation et castrée par son intelligence. Or, à Robert Clérieux qui aimerait bien la voir dans le rôle de la maîtresse amoureuse, si fréquent dans la littérature, elle réplique : 

J’ai mis dix années de ma vie à me persuader que le monde avait tort de dénigrer, de déclasser la créature loyale que je suis. J’ai mis dix années à me créer moi-même, à me hausser à mes propres yeux malgré les faux jugements humains. Je n’accepterai pas, après un tel effort, l’avilissement. […] Robert Clérieux, je vous aime. Robert Clérieux, je ne serai jamais votre maîtresse.  (N, p. 265)

23Cette réponse n’a pas été longuement réfléchie par le personnage au sein du roman et n’émane pas d’une profonde analyse psychologique, pourtant elle ne choque pas. C’est que Jocelyne ne réagit pas en suivant uniquement une logique de caractère ; façonnée par son passé, par des causes externes et par ses passions, elle peut s’écarter des modèles clichés et revendiquer son unicité, son droit à n’être qu’elle et non pas une réplique de ce que la société aimerait qu’elle soit.

Un emprunt philosophique

24Lorsque Daniel Lesueur publie le roman qui relate l’histoire de Jocelyne, le titre explicite fait sensation. Les journaux ne traitent plus de sa vision de la littérature, mais plutôt de la théorie de Nietzsche mise à l’honneur.

25Jules Bois, dans Les Annales politiques et littéraires, attribue faussement à l’autrice la création de l'adjectif « Nietzschéenne » (Bois, 5 juillet 1908). En fait, le mot n’était pas nouveau. Il a été notamment été utilisé en 1903 par Eugène Ledrain, qui critiquait « l'immoralisme » de la comtesse Anna de Noailles dans son roman La Nouvelle Espérance et celui de Gérard d’Houville dans l’Inconstante (Ledrain, 16 avril 1903). Un article paru quelques jours plus tard dans le journal La Justice précise la valeur négative accordée à cet adjectif, associant la Nietzschéenne au cliché de la cruelle intellectuelle, terrible amazone contre laquelle les hommes doivent être mis en garde : « Être Nietzschéenne, pour celles que j'ai connues, c'était refuser de donner son bras, parce que le bras qui unit est un signe de servitude. Être Nietzschéenne, c'était refuser de donner son cœur, parce que le cœur est un signe d'infériorité » (Lesueur, 26 avril 1903). Le terme a été repris à de très rares reprises par la suite, de façon péjorative. Daniel Lesueur a ainsi innové, en choisissant un titre intertextuel qui était déjà connoté négativevement : elle ne respecte pas le discours qui était associé à la Nietzschéenne. Elle présente plutôt une vision nuancée aux lecteurs de l’époque, qui ne sont certainement pas étrangers aux soupçons d’immoralité et de dangereux changements qui pèsent alors sur ce terme.

26Elle fait toutefois plus que de donner un sens moins péjoratif au mot Nietzschéenne : elle se sert aussi de la théorie du philosophe pour éduquer le peuple, montrer Jocelyne en position de supériorité et déplacer les critiques. Conformément à son désir de proposer à tous des romans qui peuvent leur servir d’enseignement, l’écrivaine dissémine de nombreux passages du philosophe au sein de son œuvre. Elle insiste sur l’importance de tenir bon, sur l’énergie et sur la volonté, cherchant à réveiller ceux qu’elle considère endormi. Ce rôle de conscientiser ceux qui ont abandonné, elle l’attribue autant à Jocelyne qu’aux femmes françaises, invitées à interrompre ce qu’elle considère comme la détérioration de la société. Elle écrit d’ailleurs dans Le Matin :

C’est des femmes que j'attends le beau geste de se jeter en travers [de la pente] et de nous y arrêter. La femme a plus d'endurance que l'homme. Elle voit plus que lui le devoir immédiat, sans se perdre dans les chimères d'avenir. […] Aussi, jusqu'à présent, dans le déchaînement des appétits, des utopies insensées, elle a joué le rôle de frein, et c'est déjà beaucoup. Mais que l'inquiétude sociale s'éveille en elle, que son clair bon sens s'avise du danger, que son énergie cesse de se disperser et se tende pour soutenir celle de l'homme, et nous verrons l'heureuse direction que peut prendre encore notre génie national. (Lesueur, 4 juin 1908)

27Ce rôle attendu des femmes est visible dans Nietzschéenne, où Jocelyne explique à Clérieux ce qu’il doit faire, l’aidant à redresser son usine souffrante, tout comme l’autrice tente d’expliquer aux lecteurs ce qu’ils doivent faire pour défendre l’âme du pays8, soit guérir de cette maladie de la volonté et laisser plus de place aux femmes. Si Nietzsche est énormément évoqué dans ce roman où les démonstrations se font explicites (et parfois légèrement exagérées), il n’est toutefois pas associé à une admiration aveugle. Jocelyne prend certains éléments de la doctrine philosophique et en laisse d’autres de côté. L’autrice elle-même s’oppose dès 1900 à certains propos du philosophe, notamment ceux qui concernent la beauté :

Comme il préconise dans l’univers le règne de la force, il nie que jamais on puisse trouver quelque grâce dans la faiblesse. Ceux qui commandent et s’imposent vivent en beauté. Ceux qui obéissent et se sacrifient vivent en laideur. […] Eh bien, ce n’est pas vrai. Au point de vue purement esthétique, la pitié peut apparaître aussi belle que la férocité. Dans un combat, le vaincu peut exciter d’autant d’admiration que le vainqueur. Il y a, dans l’art, deux sources de sublimes, c’est-à-dire deux ressorts d’émotion propres à susciter l’enthousiasme : l’héroïsme et le sacrifice. (Lesueur, 20 février 1900)

28Ce qu’elle affirme au début du vingtième siècle, l’autrice l’illustre dans son œuvre : la beauté, c’est Jocelyne qui aide les ouvrières, Jocelyne qui est prêt à sacrifier son amour pour ne pas peiner la femme de Clérieux, Jocelyne qui se dévoue jusqu’à la mort, se jetant devant celui qu’elle aime. La théorie philosophique de Nietzsche est ainsi utilisée comme outil, tant pour enseigner au peuple la voie à suivre que pour illustrer certains des propos de Daniel Lesueur, sur la vie, la force, la volonté et le rôle que peuvent jouer les femmes.

29Jocelyne est d’ailleurs sublimée : son discours, parce qu’il est associé à celui du philosophe, lui donne une crédibilité que le lecteur de l’époque aurait probablement refusé de lui concéder. Elle apparaît ainsi supérieure à Clérieux (N, p. 101), « surhumanisée » (N, p. 104), meilleure que l’homme pour exercer sa volonté :

Peu à peu, le doux sang-froid de la jeune fille, le magnétisme de ce net vouloir féminin, domptaient en lui la bête fougueuse déchaînée au fond de son « moi » sentimental, l’aveugle créature de désir de jouissance […]  (N, p. 158)

30Camouflée derrière la théorie d’un autre, l’autrice valorise ainsi énormément Jocelyne et les femmes, s’opposant à l’idée reçue de l’époque selon laquelle les femmes seraient davantage des êtres d’émotions, tandis que les hommes seraient des êtres de raison. En entrevue avec un journaliste de l'Intransigeant, on lui souligne d’ailleurs qu’elle a conçu le roman de la surfemme, ce à quoi elle rétorque avoir volontairement choisi une femme de préférence à un homme, afin de doter de force un être faible d’essence (Doury, 21 août 1908). Une faiblesse admise seulement pour mieux faire accepter toutes les qualités attribuées à Jocelyne, au détriment de l’homme. Les critiques sur le roman ne porteront d’ailleurs que très peu sur la personnalité de ce personnage, qui aurait pu énormément être remis en question. Si les éléments mentionnés par Lesueur dans sa préface de l’Or Sanglant sont présents dans Nietzschéenne, ils ne sont pas relevés comme étant inacceptables. On questionne peu le caractère de Jocelyne, on ne remet pas en question sa supériorité sur Clérieux et on accuse très peu l’œuvre de présenter des éléments invraisemblables, alors que le hasard est toujours aussi présent. C’est que le roman romanesque mentionné par Lesueur des années plus tôt est camouflé par son utilisation du discours de Nietzsche : le débat, par conséquent, se déplace aussi. C’est sur l’importance de la volonté et sur la théorie elle-même du philosophe que les critiques s’interrogent. Le roman est ainsi très bien reçu, loin de soulever autant de reproches que lorsque Daniel Lesueur avait tenté d’ébaucher une idée très générale sur l’écriture. L’application de son discours théorique se passe ainsi sans anicroches, camouflée. Même quinze ans plus tard, seule son utilisation de Nietzsche sera source de critiques ou de questionnements. La guerre a en effet provoqué une seconde réception du roman : s’il a d’abord été principalement bien reçu, il a dû être justifié par la suite, l’autrice dotant alors son édition d’une nouvelle préface, où elle explique son choix d’avoir fait usage du discours philosophique de l’Allemand. Nietzschéenne est malgré tout demeuré son roman le plus populaire, dans lequel l’utilisation de la théorie d’un homme connu a bien mieux été acceptée que lorsqu’elle a tenté elle-même de tenir un discours théorique.

*

31Femme indépendante, célibataire aux idées bien tranchées, Jocelyne est un personnage qui aurait pu provoquer un scandale. Toutefois, ce ne fut pas le cas. S’il y eut des débats après la publication de Nietzschéenne, ceux-ci concernèrent principalement l’application de la théorie du philosophe. Nulle trace dans les journaux de celle ébauchée de façon fragmentaire par Daniel Lesueur quelques années auparavant et dont les principales idées sont bien utilisées dans le roman, mais camouflées. Le type énergique placé dans des circonstances exceptionnelles, c’est une femme qui se tient debout, différente sur bien des aspects des personnages féminins jusqu’alors présentés dans les romans. Modèle fort soucieux du peuple, Jocelyne invite le lecteur à remettre en question sa vision des choses, usant d’événements particuliers pour justifier des prises de position et des réflexions qui vont à l’encontre de ce qui est attendu par le lecteur de l’époque. L’écrivaine utilise les points soulevés dans sa préface de L’Or Sanglant et plusieurs éléments de la théorie philosophique de Nietzsche pour aborder les sujets qui lui tiennent à cœur de façon détournée et pour s’opposer aux discours dominants concernant les femmes, contestant plusieurs préjugés. Sous les aventures, la passion et le hasard se trouvent ainsi des thèses et des morales camouflées, ne perturbant pas les critiques trop acerbes et les messieurs de l’époque, qui n’aimaient pas se faire moraliser en prenant leur pousse-café.