Colloques en ligne

Simone Schwarz-Bart

À propos d’Hommage…

1Mon rapport à l’écriture est instinctif et je peine à prendre la distance qui s’impose concernant mon travail. Aussi, votre approche et votre généreuse implication m’aident à redécouvrir ces ouvrages. Comme vous l’avez deviné, cette encyclopédie n’en est pas une : c’est un hommage, une célébration, une manière de créer notre propre galerie d’ancêtres, de combler le vide qui m’accablait certains jours. Ce fut un travail de longue haleine et je ne compte pas le temps où il nous a habité. Oui, nous avons longtemps porté ces personnages avant de les livrer au grand jour, car nous les avons construits au hasard des récits dispersés aux quatre vents de la colonisation, puis nous avons entrepris de rassembler ce qui avait été éparpillé : bribes de douleur, de honte et de fierté, récits griottiques écoutés à Dakar, pour en faire chaque fois, une histoire avec un commencement et une fin, telles que les hommes les écoutent depuis l’aube des temps.

2Cependant le sens profond de ce travail m’a été révélé par hasard, lors d’une rencontre à la prison des femmes de Guadeloupe. Elles m’ont rapporté solennellement que chacune de ces héroïnes les avait aidées à y voir plus clair dans le choix des combats qu’elles auraient dorénavant à mener à leur libération.

3Des héroïnes de l’esclavage, elles ne voyaient que la noblesse et la gloire de leur lutte, plutôt que la tristesse. Et elles tiraient de ce passé qu’elles découvraient une force et une énergie qui se transformaient en une couronne de victoire contre cette déshumanisation programmée. Quant aux prisonniers, ils se firent moins bavards, mais me demandèrent de leur parler des Falashas, ces juifs noirs éthiopiens qui sont maintenant installés en Israël, et je leur ai promis de leur apporter le DVD du film Opération Moïse, qui retrace cette odyssée.

4Je voudrais que ces vies d’exception soient connues de nous-même, mais aussi qu’elles puissent éclairer n’importe quel terrien sur l’étrange aventure de l’espèce humaine, où qu’elle se trouve. Car si les vagues de la mer sont les larmes des hommes, elles s’efforcent de crier aussi toute la beauté du monde.